mercredi, décembre 31

Pastiche (2)



PitiFistonmimi m'a tueR

Alors je te préviens, toi la perfect mum de service, toute dégoulinante de perfectitude maternelle, pas la peine de me donner de conseils à propos de ce qui va suivre, sinon je crois qu'il va y avoir du sang sur les murs de ma cuisine virtuelle, tu seras préviendue maintenant c'est toi qui voizes.

Tu auras deviné, lecteur adoré qui n'aime que moi, je traverse une période difficile, mes nerfs vont lâcher, je craqueeeuuuu.
Mon PitiFistonmimi, celui que j'en ai qu'un alors je l'aime beaucoup, pas trop le choix hein, celui-là même a décidé de faire mourir sa reum d'un arrêt cardiaque et je crois pouvoir affirmer, je suis pas médecin non plus mais y'a des signes qui ne trompent pas, que j'ai déjà eu deux ou trois alertes sérieuses d'arrêt subit du myocarde.

PitiFistonmimi met tout à sa bouche.
PitiFistonmimi, qui aura tout bientôt 20 mois, s'assoit sur les théories freudiennes, il s'en tape le coquillard à qui mieux mieux de savoir qu'il est censé être passé en phase anale depuis 6 mois. Et comme je ne peux pas TOUT surveiller en permanence, même si j'essaye faut pas croire, il arrive, environ 26 fois par jour, que je sois obligée d'aller lui chatouiller les amygdales pour récupérer le demi régime de banane qu'il s'est enfourné d'un coup ou le kilo de Rivoire et Carret. Infarctus du myocarde 1 - moi 0.
J'ai remisé par devers moi les pneus des camions et petites voitures, mais ils sont pas bien les Chinois, ils veulent que PitiFistonmimi finisse étouffé par une jante d'ambulance ou quoi ?

PitiFistonmimi (nan, j'ai pas de raccourci clavier, ça te défrise ?) aime le chat.
Il adore lui regarder le fond des mirettes en le collant contre le mur. Et le chat, ben il vire un peu parano, il se demande si il ne devrait pas lui coller une triple mandale carpée dans la tronche pour lui apprendre le concept d'espace vital. "Gloups ils sont où ses yeux maintenant ?" 1 – moi 0.

Pitifistonmimi (nan, toujours pas) vit une passion contrariée avec les escaliers.
Il maîtrise hyper bien la montée. Le problème c'est que :
a) il a oublié un truc en bas alors il s'arrête, se gratte la tête pour essayer de se rappeler c'est quoi ce truc que j'ai oublié en bas déjà ? Et emporté par l'élan de son gratouillis, commence à tanguer et finit par dévaler les marches. Goule en vrac 1 – moi 0.
b) il a atteint le palier et se dit qu'en fait c'était mieux en bas et il redescend très très vite, si vite que j'ai pas le temps de comprendre ce qu'il fabrique, et le temps que je comprenne, il est déjà en bas. Goule en vrac 2 – moi 0.

PitiFistonmimi (lalala … non on t'a dit) est un varappeur dans l'âme.
Comme la chose castratrice qui lui sert de mère ne fait rien qu'à barricader les escaliers, il est obligé de faire preuve d'originalité. Ce fou de la tête escalade donc le canapé et dégringole par-dessus le dossier de l'assise, boîte crânienne en avant c'est plus marrant. Un cerveau, pour quoi faire ? 1 – moi 0.
Bon, puisque les canapés c'est niet, PitiFistonmimi s'attaque aux chaises et là aussi, deux options pour le voltigeur à mains nues :
a) il escalade les chaises de grands et se met debout dessus. Les mains posées sur le haut du dossier (je la fais visuelle pour les mous du bulbe à déficience concepto-spatiale), il commence à la faire tanguer d'avant en arrière, ouh là c'est trop de la balle, ça fait balançoire, et le truc le plus marrant c'est que ça fait accourir sa mère, toute blanche et déjà en train de composer le 911. Explosion de l'aorte 1 – moi 0.
b) il attend d'être chez des amis, sanglé sur un rehausseur. Là, l'enfant qui n'essaye jamais de se faire remarquer, oh que non c'est pas son genre, plie les jambes, place bien ses pieds sur le rebord de la table et pousse d'un coup, de toutes ses forces. La chaise qui se renverse et s'éclate en arrière sur le parquet 1 – moi 0.

PitiFistonmimi (Ctrl Q dans ta face) est fasciné par les portes.
Enfin, surtout par les charnières. Et comme c'est le fils de sa mère, à savoir donc qu'il est beau, rigolo mais surtout incroyablement intelligent, il a fait le lien entre "hop hop hop, je glisse ma main l'air de rien dans la charnière, je fais mine de refermer la porte et je regarde ma reum en douce en disant aïe aïe et je parie qu'elle va se mettre à crier : attention, non, attention, non, non, non" et il a raison, hin, hin, hin. Amputation cardiaque 1 – moi 0.

PitiFistonmimi ( il n'y a plus d'abonné au numéro que vous avez demandé, il n'y a plus d'abonné au numéro… répète après moi) est cleptomane.
Tout est bon dans le cochon, et surtout n'importe quoi, c'est mieux, genre les ciseaux oubliés sur la table basse, le big coutal à barbaque posé trop près du bord du plan de travail, la plaquette de Dolip en attente d'être rangée… n'importe quoi on t'a dit. Et qu'en fait-il ? Il est encore en phase orale… alors il le bouffe c'te bonne gueubla. PitiFistonmimi est un clepto-avaleur-de-sabres. Eventration oesophagienne 1 – moi 0.

Là je ne t'ai fait que les dangers domestiques, ô lecteur de mon cœur qui m'aime d'amuuur, mais crois-moi sur parole, PitiFistonmimi n'est pas inhibé en public, il sait très bien faire dégringoler les pyramides d'oranges au supermarché ou accueillir le facteur en lui tendant les bras et en l'appelant papa, mouarf, que c'est rigolo, heureusement que le postman y cause pas le Molière.

Je suis donc fourbue-mourue à peu près vingteutreize fois par jour, voire par heure, alors soyez sympa avec ma pomme, mettez-y moi tout plein de gentils commentaires réconfortatoires.
Dans le doute, merci quand même bande de petits saligauds pouasseux d'ingratitude.

bonus track bonne année à moi
Remerciement spécial, standing ovation et haie d'honneur au Ketchup Monster qui s'est invité pour le réveillon, ça tombe bien, on allait être treize à table. Ta mère la truie en Toulotte devant l'Alcazar, KM.

bonus track 2 j'ai failli oublier
Bonne année les gens.



mardi, décembre 30

Pastiche (1)


La petite chaise rouge

Il est des matins où Madame V. se réveille un peu plus tôt que d'habitude. Des minutes chapardées au chaos de la journée, quand il est encore temps de savourer la tiédeur de la couette en regardant le vent faire danser les ombres sur le rideau tiré.

Ces minutes là sont bien plus longues. Derrière ses paupières refermées, elle dresse la liste de ce qui les attend aujourd'hui, de ce qu'elle va devoir faire absolument, et de ce qu'elle pourra oublier et remettre à plus tard. Ce qu'elle aime dans ses dimanches c'est n'y retenir que le superflu et le laisser s'étirer comme un pont du mois de mai.

Et ce dimanche là est un peu spécial, il a un superflu très essentiel en réserve pour la famille V. Une chaise rouge de petit garçon est arrivée hier et attend d'être assemblée pour être présentée à un grand bébé qui ne sait pas encore bien où s'asseoir dans cette maison.
Madame V. est impatiente et se dit qu'elle devrait déjà avoir pris sa douche, en profitant du sommeil prolongé de monsieur Timothée, mais elle n'arrive pas à s'extraire de la douceur de ses plumes. Tant pis, après ce sera la course.

Monsieur V. passe la tête par la porte de la chambre et lui dit qu'il va sûrement neiger, les nuages noirs arrivent. Madame V. fronce le nez et hésite. Elle sait qu'il n'aime rien tant que la faire sauter hors du lit en annonçant la neige, quand il ne fait même pas assez froid pour ça. Mais Monsieur V. persiste et ouvre le rideau sur un ciel qui vire au sombre. D'un bond elle est à la fenêtre et confirme, oui c'est certain, ce sera aujourd'hui.
Vite, il n'est plus temps de paresser, Madame V. se précipite dans la salle de bain et laisse Monsieur V. s'occuper d'un enfant qui a senti l'effervescence et appelle pour participer.

Comme une répétition, une semaine exactement avant Noël, les premiers flocons ont commencé à se déposer délicatement sur les roses hivernales, ourlant d'hermine leurs pétales resserrés. Il n'est pas encore dix heures et elle regarde ses hommes qui s'affairent avec leurs tournevis pendant que la suite pour violoncelle n°2 résonne dans le calme concentré des petits travaux domestiques.

Il sera bien temps après d'improviser le déjeuner, d'oublier le pain dans le congélateur, de mettre de la pommade sur une méchante bosse, de réfléchir à une idée de sortie malgré le froid, de penser, planifier, organiser.

Pour l'instant Bach résonne et un petit monsieur très fier vient de s'asseoir sur la chaise rouge en faisant bravo avec les mains et c'est ça qui compte.


dimanche, décembre 28

On a piqué le patron

Depuis que j'ai récupéré la vieille machine à coudre de ma grand-mère, il y a bien de cela cinq ans, je me dis souvent qu'un jour je me mettrai à la couture. Je vois déjà les jupes que je me ferais, les tuniques, les pantalons de fiston, limite c'est moi qui couds mes manteaux.

Mais la couture c'est technique.
Attention, je ne pars pas de nulle part puisque les bonnes sœurs qui se sont chargées de mon élevage durant trois années ont essayé de m'inculquer quelques notions, vite balayées hélas par un esprit titilleux et déjà farceur. Mon sens de la potacherie avait en effet vite trouvé son rythme de croisière, à savoir 1 heure de cours de couture = 2 heures de colle le mercredi après-midi.
Vous imaginez bien que je n'ai pas de grands restes en ce qui concerne le point de chaînette ou les boutonnières.
Mais j'ai de la suite dans les idées alors j'ai fourgué la machine dans le déménagement.
Au bout d'un an, je me suis décidée à acheter un mètre de tissu avec des lapins et des chats marrants pour fiston.
Il n'y avait plus qu'à lui coudre un sac pour ranger ses chaussures quand on part en week-end, c'est-à-dire toutes les Saint-Glinglin mais on n'est jamais trop prudents en matière de semelles crottées.

Et c'est là que Noël est arrivé.

Justin, trop heureux de ce nouvel engouement à trois jours de la distribution des paquets et légèrement dans la mouise puisqu'on avait dit "on ne s'offre rien" et qu'il venait d'apprendre que j'avais changé la règle suite à deux idées qui m'étaient venues et que ce n'est pas si souvent alors j'avais envoyé bouler notre accord.
Justin donc, s'est dit "Oh oh, l'occase est trop bonne, vite, avant qu'elle ne change de lubie, je vais lui offrir un livre qui explique la couture".

Et me voilà donc au pied du sapin, découvrant Sew Me, chef-d'œuvre de la littérature couturière au titre en jeu de mot hilarant de la Baltique (ça se prononce comme "sue me", qui veut dire "faites-moi un procès", si avec ça l'éditeur n'a pas remporté le 1er prix interrégional de la vanne 2008 c'est qu'on aurait du recompter les votes).

Je me voyais déjà, domptant ma Singer et rhabillant la famille, c'était Noël et j'étais jouasse.
Mais j'aurais du me méfier parce que quand on est moi, ce qui est une de mes spécialités encore exclusives, il ne faut pas s'étonner de ne trouver que deux patrons à la place des trois annoncés sur la couverture du livre.
(Pour les vraiment très nuls – genre comme moi - qui risqueraient d'être totalement largués à partir de maintenant : un patron est une sorte de modèle qui permet de découper les différents éléments d'un vêtement à la bonne taille, avant des les assembler à l'aide d'une machine à coudre, avec du fil et une aiguille donc.)

Or non seulement il manquait un patron, mais c'était celui de la jolie jupe trapèze, l'exact modèle que je rêve de me coudre depuis que je me prends pour une petite main de chez Dior. Il aurait manqué celui de l'horrible chemise de cow-boy, m'en serais-je foutu, ah ça oui, mais là c'était trop de poisse, mon Noël buvait la tasse.

"Calme-toi, on va échanger le livre" a dit Justin, zen.
"Mais j'ai déchiré l'enveloppe des patrons, c'est foutu maintenant" ai-je répondu, positive en toutes circonstances.
"T'en fais pas, on va l'échanger" a rétorqué l'homme stoïque et sûr de lui.

Allez, comme c'est Noël, je bichonne mon lecteur, et je lui offre non pas une, mais deux fins possibles à cette histoire au suspens haletant :

1 – Si la scène s'était déroulée à Paris :
"Bonjour, on m'a offert ce livre hier et il manque un des trois patrons… en fait, si on regarde de plus près, on se rend compte qu'un des côtés de l'enveloppe contenant les patrons a été décollée… quelqu'un a volé celui de la jupe et c'est celui-là qui m'intéressait".
"Ah c'est dommage, mais je ne peux pas vous reprendre ce livre, vous avez ouvert l'enveloppe des patrons, il est invendable maintenant"
"Evidemment je l'ai ouverte, sinon comment je saurais qu'il en manque un?"
"D'accord, mais il ne fallait pas déchirer l'enveloppe, c'est comme si vous me rameniez une boîte de pâté entamée, ce ne serait pas possible… et ben là c'est pareil, c'est pas possible".

2 – Si la scène s'était déroulée à Washington :
"Bonjour… reprendre 1ère phrase scène précédente (flemme de retaper, ça va bien j'ai toasté des milliards de petits fours, j'ai battu une pâte à cake infâme, j'ai porté fiston qui s'approche du quintal… j'ai mal aux muscles).
"Je vois le problème. Vous voulez un remboursement simple ou vous souhaitez que je vous recommande le livre pour un échange ?"

Pour mes lecteurs au cerveau embrumé par un excès de festivités et d'alcool, ou pour les éternels indécis qui auraient du mal à se décider entre les deux possibilités, je donnerai deux indices :
a) J'habite à côté de Washington
b) J'avais le sourire en sortant de la librairie.


mardi, décembre 23

Mais Thérèse, si je peux me permettre, une bonne paire de chaussettes et hop !

Ah, Noël… le calendrier de l'Avent avec ses images de gros dodu à barbe bouclée et ses petits cadeaux que si tu as moins de 36 mois tu as toutes les chances de t'étouffer avec. Les vitrines et la fausse neige qui dessine des rennes qui ressemblent à des vaches. Les magasins et leurs faux paquets posés à 80 cm du sol pour que tous les enfants piquent des crises pour repartir avec et non, la dame qui s'est improvisée étalagiste elle dit que ce n'est pas possible parce qu'elle ne va pas repasser le réveillon à faire des faux cadeaux, ça va bien merci. Le sapin qui sent bon et ses boules rouges qu'on a des yeux globuleux et un gros pif si on s'y regarde de trop près. Le bolduc qu'on essaye de friser avec les ciseaux et qu'une fois sur deux ça ne marche pas. La table du réveillon et sa nappe bien repassée. La dinde rôtie et ses marrons fondants dans le jus. La bûche et ses faux champignons en meringue molle et une ou deux scies en plastique.

Tout ça c'est Noël.
Enfin, je le croyais.

Cette année, pas de calendrier, pas de ruban ni de papier cadeau parce que ça pollue et que le papier journal c'est aussi bien, pas de jolie nappe, pas de dinde parce que pour deux ça ferait beaucoup et Thanksgiving n'est pas si loin, pas de marrons, ni de bûche.
Mais des livres et quelques jouets pour fiston sous un beau sapin amarré - pas la peine d'appeler la DDASS, et un peu de foie gras et du confit pour ses parents - pas besoin non plus d'hélitreuiller Alain Ducasse, ce sera Noël quand même.

En fait, pas si sûr.

Peut-on vraiment s'imaginer que c'est Noël quand on n'a pas de Christmas stocking suspendues au-dessus de la cheminée ?
Rigolez pas, après Halloween, il se pourrait bien que ce soit la prochaine tradition à se pointer de par chez vous dans pas si longtemps.
Mais si, vous voyez de quoi je veux parler, ces grandes fausses chaussettes rouges et vertes qui sont mises en place en même temps que le sapin et qui poireautent jusqu'au jour J pour livrer leurs trésors ?
Les origines de cette coutume sont assez imprécises mais il paraîtrait que ça ait démarré en Europe et que ce soit Saint-Nicolas qui, en déposant de l'argent dans des chaussettes qui séchaient chez des gens pauvres, ait lancé la mode, tout le monde espérant ensuite tomber sur des lingots dans leurs bas de laine au petit matin.

En regardant les chaussettes de mes voisins par la fenêtre de ma cuisine - à chacun ses manies –, je me suis demandé comment font les gens pour se procurer autant de petits cadeaux.
Naïve que je suis. Je n'ai pas pris la mesure de cette tradition. C'est comme se demander avec admiration comment font les gens pour savoir où acheter leur sapin.
Dans tous les magasins il y a des stands intitulés "stocking stuffers", de quoi bourrer ses chaussettes à petits prix, ce qui donne tout de suite une idée sur la qualité des machins en question.
Ca va de la brosse à dents édition spéciale Noël, au paquet de bacon séché, en passant par toutes les cochonneries made in China que vous pouvez imaginer, comme le mini-ventilateur de poche qui tentera de vous sectionner quelques phalanges et vous coûtera 12 $ en piles de remplacement.

Je ne suis déjà pas très shopping à gogo alors si en plus d'essayer d'être un peu originale, en faisant plaisir si possible, il faut maintenant s'occuper de bourrer des chaussettes avec des kilos de trucs personnalisés et top tendance - et là il faut bien chercher-, c'est ma mort.

Je vous souhaite malgré tout de Happy Holidays parce que je suis comme ça, la chaussette sur la main (ou la moufle sur le pied c'est vous qui voyez).


lundi, décembre 22

lundi, décembre 15

Tajine tout cru, tajine foutu

Je fomentais depuis quelque temps l'envie de déblatérer des choses ironiques et blessantes sur ma cuisinière électrique, au nom de l'égalité. Il n'y a aucune raison que la machine à laver, le lave-vaisselle ET l'aspirateur s'en soient pris plein le moteur sans qu'elle fasse partie du lot.

Si je l'ai épargnée pendant un an, c'est grâce à son timer intégré.
Un timer super simple à régler et qui bip bip distinctement quand la cuisson est terminée. C'est merveilleux, c'est le progrès. Vous haussez vos sourcils broussailleux, vous demandant de quel progrès il peut bien s'agir.
Je parle de simplicité, d'un bouton que quand on appuie dessus il fait défiler les minutes, bête comme un réveil digital.
Si je roucoule de satisfaction devant cet accessoire, c'est que mon four précédent n'avait qu'une horloge, munie de trois aiguilles et d'un cadran stendhalien qui tournait par tranches colorées en rouge ou noir, mais qui ne chantait pas Jeanne Mas pour le même prix.


J'étais infichue de m'en servir, ce qui ne m'a jamais empêchée d'essayer parce que je ne suis pas plus nulle qu'une autre, didiou ! Le machin revanchard faisait alors retentir son driiiinngg strident aux moments les plus discutables, genre deux heures du matin, quand on dort trop profondément pour réaliser qu'on n'est pas en cours de sciences-nat et que ce n'est pas une alerte incendie et qu'on ne doit donc pas se précipiter dans l'escalier telle quelle et au plus vite. Il y a des silences embarrassés dans l'ascenseur après, quand on croise un voisin.

C'est ainsi que mon timer américain m'a incitée au silence concernant le gros défaut de ma Kenmore. Oui, tous les appareils de cette maison sont des Kenmore, c'était une opération "achetez-en un, repartez avec le magasin", quelle chance on a quand j'y pense.

Attention, j'ai la reconnaissance ingrate et l'indulgence vite oublieuse quand on se met à me compliquer l'existence, ce qui a fini par arriver vous l'aurez deviné sinon je ne serais pas là en train de vous tenir en haleine sur les raisons de la disgrâce de ma cuisinière électrique.

Pour comprendre pourquoi ma patience a fondu telle le beurre dans les épinards, je dois faire un petit flash-back de rien du tout.
Tout allait pour le mieux dans l'univers radieux de ma cuisine, j'étais encore en paix avec ma Kenmore.
C'était même fête puisqu'elle comptait un nouvel occupant, un cadeau longtemps désiré en secret et deviné par une oreille drôlement finaude et généreuse.
Un plat à tajine venait d'être livré et j'avais passé l'après-midi à le préparer – oui, ça se prépare ce genre de plat, ça ce bichonne : immersion de deux heures dans la baignoire, massage à l'huile d'olive puis sauna à 160°c pendant trois heures.
Il était fin prêt à étonner nos papilles et mes munitions étaient prêtes depuis la veille : paprika, cumin, pruneaux, viande et légumes, je n'avais plus qu'à me lancer.
Ce que j'ai fait sans crainte.
C'est bête mais j'aurais du me méfier.
J'ai entendu un bruit, comme un "tchoc" mais j'ai pensé "c'est le plat qui se dilate".

Pour que le tajine soit réussi, il faut laisser cuire longtemps, à la fin c'est limite confit, c'est le but, c'est comme ça que c'est bon.
Quand le temps a été venu et que j'ai retiré mon plat de la plaque, j'ai alors pu constater qu'en effet, deux heures de cuisson ça confit, il n'y avait qu'à voir pour s'en convaincre la couche bien épaisse de matière noire sur l'émail blanc de la cuisinère et à l'intérieur des coupelles en aluminium qui tapissent le dessous de ses résistances électriques que c'est limite impossible à atteindre et il faut la journée entière quand on veut les nettoyer.
Plutôt que confit moi j'aurais dit cramé, brûlé, incrusté, tatoué limite.

Mais pourquoi, comment, quand ?
Le "tchoc".
Le plat s'est fendu au bout de dix minutes d'utilisation et tout ce qui était à l'état liquide s'est barré en douce par en dessous, direct dans les coupelles.
Je ne sais pas si vous visualisez le tableau : une cuisinière – pas moi, l'autre - incrustée d'une matière qui n'était pas sans évoquer la roche vitrifiée par une explosion nucléaire, une fumée irrespirable due aux résistance ointes de ladite matière si ça se trouve un peu cancérigène, un enfant soudé à ma jambe gauche et en pleine crise de mais moi aussi j'existe, un plat flambant neuf et déjà fêlé, de l'agneau presque cru et des carottes croquantes et moi, triste parce que c'était un beau cadeau et intérieurement à la limite de l'implosion nerveuse parce qu'il y avait de quoi.

Alors je vous le demande :
- dois-je mettre le lâche abandon du plat sur le dos d'un complot visant à m'empêcher de triompher culinairement et d'ainsi étendre mon emprise sur les papilles du Monde ?
- pourquoi cette configuration archaïque de résistances électriques arrive-t-elle à perdurer alors que ce serait tellement plus simple à nettoyer sans ces fichues coupelles ?
- y a-t il quelqu'un qui accepterait de balancer le nom du pseudo-génie qui a mis au point ce système, toujours encombré de débris cramés, en train de cramer ou qui finiront par cramer, que je pourrisse le karma de ses héritiers ?

Après avoir envoyé un email cinglant mais empli d'espoir à Mister Tajine himself, figurez-vous qu'il m'a contactée. Non seulement il a été charmant et n'a même pas essayé de me faire croire que j'avais du me planter quelque part, mais il a en plus proposé de m'envoyer le jour même un autre plat, d'un autre modèle plus solide sans que j'ai à le demander.

Mister Tajine jamais ne se débine.

jeudi, décembre 11

Plein les bottes

Entre deux averses et me contrefichant du crachin sporadique, je me suis dit qu'il en allait de ma survie d'aérer le fiston, d'autant qu'un insolent 17°C nous narguait de derrière les carreaux.
Quand il pleut, il mouille et il y a des flaques d'eau.

Fiston adooore les flaques, et moi un peu moins mais je me fais une raison depuis que j'ai mis la main sur une paire de bottes en caoutchouc. Mais ces bottes ont leurs limites.

Un fiston qui tape des pieds en éclaboussant tout autour c'est potentiellement photogénique alors je ne résiste pas et je m'agenouille pour immortaliser la scène. Or, je n'ai plus mon appareil, ce qui signifie que j'ai ressorti celui d'avant, dont les deux batteries tiennent chacune 3 minutes et 21 secondes en mode veille, et dont je ne sais plus trop me servir par manque d'entraînement.
Donc fiston saute, se marre comme un fou et je rate TOUT parce que je me perds dans le menu de mon Canon.

Je rate les petites mines trop marrantes, mais je rate surtout le tombage de postérieur au milieu de l'énorme flaque, le récupérage sur les mains, le retombage mais vers l'avant cette fois, suivi de la roulade consciencieuse du ventre vers le dos, toujours au milieu de la flaque à présent bien remuée et donc boueuse.

Quand il pleut, y'a pas à dire, il mouille.

lundi, décembre 8

Hasta la vista


Il y a trois semaines ma vie a un peu changé, elle s'est allégée on va dire, grâce aux bons soins d'une nounou.

Connaissance d'une des nourrices francophones que je côtoie régulièrement au parc, elle avait trois grands enfants et le poids de 25 années d'expérience professionnelle qui parlait pour elle. Je n'en revenais pas de ma chance, 3 demi-journées par semaine une vraie nounou allait s'occuper de fiston , jusque là habitué à la jeune fille qui reste 2 semaines, ou à sa cousine inexpérimentée, gentille mais pas fute-fute.
Là on upgradait, on quittait la classe éco de la garde d'enfant pour se reposer dans le salon des business.
Avec une professionnelle pareille, pas besoin de longues listes de recommandations, elle savait.

Fiston est un peu difficile pour les repas… pas de problème, elle savait.
Au parc, il faut le tenir à l'œil parce qu'il aime bien tenter des figures acrobatiques pas toujours homologuées, de préférence en haut du toboggan… pas de problème, elle savait.
Pour descendre les marches du perron, je préfère que fiston ne soit pas dans la poussette, c'est dangereux et ça abîme le matériel… pas de problème, elle savait.

Qu'est-ce que c'était commode d'avoir affaire à quelqu'un qui savait tout.

Dès le début de la deuxième semaine, il m'est apparu qu'elle ne devait pas savoir que quand on part une bonne partie de l'après-midi, avec goûter au milieu, c'est mieux de prévoir une couche et des lingettes. OK, pas de problème, elle avait compris.

Dès la fin de la deuxième semaine, je me suis aperçue qu'elle quittait la maison après le réveil de fiston, avec retour prévu en fin d'après-midi, sans penser à chauffer et emporter le biberon du goûter préparé à cet effet, et dûment signalé. Coup de téléphone sur son portable, retour à la maison sans une allusion. OK, j'imagine qu'elle avait compris.

Au début de la troisième semaine, j'ai rendez-vous chez le dentiste, et quitte donc la maison en même temps qu'elle.
Lorsque j'arrive devant la porte, je trouve fiston engoncé dans sa poussette, qui attend que Perfect nounou sorte des toilettes. Je trouve ça étrange, mais elle me dit que c'est plus pratique… elle doit savoir, mais bon, c'est étrange quand même. De là, je lui demande comment elle compte descendre la poussette, chargée des presque 12 kilos de fiston, parce que vous savez que je ne veux pas que vous la descendiez comme on descend un trottoir, c'est dangereux si elle vous échappe et, au risque de me répéter, c'est mauvais pour le châssis. Non, non, Perfect nounou va porter la poussette, pas de problème, elle a compris.
Je pars vers mon rendez-vous mais quand même, je me demande.
Alors je reviens sur mes pas et je me planque derrière la voiture des voisins.

Je me sentais un peu ridicule, mais un truc me turlupinait, je voulais en avoir le cœur net. Est-ce que c'était cette manière agacée qu'elle avait de me couper la parole dès que j'essayais d'exprimer une attente nette et précise qui m'a mis la puce à l'oreille, allez savoir.
Toujours est-il que j'ai pu vérifier que Perfect nounou faisait comme je le craignais et que je pouvais bien dire ce que je voulais pour mon enfant, elle devait savoir mieux que moi. De retour de chez le dentiste, je n'ai rien pu dire, la bouche tellement anesthésiée que même mon "see you Wednesday" est passé en pertes et profits.

Evidemment, c'est la première chose que j'ai évoquée la fois suivante, je lui ai dit que je l'avais vue et que pas dans les escaliers blablabla - avec la sensation de me répéter un peu beaucoup - … OK, OK, it's OK, elle a compris c'est bon maintenant.
Et puisqu'on en était aux trucs qui fâchent, elle voulait savoir si on lui payait Noël ET le jour de l'An ou qu'un des deux ?
Sur ce, elle me laisse réfléchir jusqu'au vendredi et bien le bonjour chez vous.

Je n'aime pas du tout, mais alors pas du tout, qu'on me fasse sentir coupable de vouloir faire respecter le peu de consignes que j'ai par rapport à la sécurité de mon enfant. Et j'apprécie encore moins de devoir traiter avec une personne de mauvaise foi et qui ment pour avoir la paix, on a passé l'âge.

J'étais sur le point d'appeler Justin pour cette histoire de congé, quand j'ai avisé le calendrier sur le mur. Si Noël est toujours le 25 décembre, c'est un jeudi. Idem pour le jour de l'An. Et elle ne travaille pas chez moi le jeudi… du coup je ne voyais plus trop le rapport mais on s'est dit que ça devait être l'usage d'offrir le pont et on a donc décidé de lui payer le vendredi 26 pour qu'elle reste en famille, notre cadeau de fin d'année quoi.

"OK, mais montrez-moi le calendrier, c'est pas un cadeau, je vous dis que c'est férié".
C'est là qu'elle a commencé à me fatiguer, très sérieusement.
Non, ce n'est pas férié, il fallait vérifier avant de m'agresser avec tes acquis sociaux et tu pourrais dire merci puisqu'on te donne une journée de repos en famille, au pied du sapin, c'est Christmas spirit.
Peut-être qu'elle aurait préféré une carte-cadeau ?

Sur ce, commence la quatrième semaine, ce matin.
J'étais en train d'écrire au sous-sol, pour rester loin des yeux de fiston qui se cramponne à moi avec l'énergie du désespoir le plus intégral dès que Perfect nounou est dans les parages.
J'entends la barrière de sécurité qui ferme l'escalier s'ouvrir et Perfect nounou qui s'annonce.
Il fait -5°C dehors et elle veut vérifier que ce n'est pas une très bonne idée d'emmener fiston cultiver des engelures au parc… je croyais qu'elle savait.

Et puis fiston s'est pointé en haut des escaliers.
Puiqu'elle l'avait quitté dans le salon et que c'est bien connu qu'un enfant de 18 mois ça ne se déplace pas, Perfect nounou n'avait pas refermé la barrière.
Comme ledit enfant cultive à plein temps son option triple saut avant, il s'est lancé.
Oui, tout l'escalier la tête la première.

Après avoir ramassé fiston qui hurlait, j'ai demandé à Perfect nounou de s'en aller.
Elle a essayé de dédramatiser et m'a coupé la parole pour m'expliquer que les accidents arrivent tout le temps, qu'elle le sait puisqu'elle officie depuis 25 ans.

Fiston, qui ne jure que par son "bye-bye" à présent bien maîtrisé, a interrompu ses sanglots, et sans que je dise rien, s'est tourné vers elle et lui a très distinctement dit "au revoir", deux fois. On aurait dit Giscard d'Estaing un peu.



(Rassurez-vous, deux bosses, quelques bleus et une grosse peur)

dimanche, décembre 7

A la bonne mienne

C'est mon anniversaire.
Youpi.


Certains prétendent, en brandissant le calendrier grégorien, que j'entamerais ma 37ème année. On ne doit pas avoir le même almanach alors, parce que le mien me donne, allez, 25-26 ans à tout casser.
D'ailleurs il n'y a qu'à juger par vous-mêmes, je n'ai même pas mes dents de sagesse.

Mais si, absolument, je vis très bien cette année supplémentaire, je m'en réjouis même, ça m'exalte, je sens la sagesse ancestrale des croulants fondre sur moi, telle le chocolat Nestlé dessert sur ma poire.
Ma trentaine s'enfuit, tout fout le camp.
Même le dentiste le dit.
Moi qui n'y allais que pour un bête détartrage annuel, j'ai eu droit à un méga nettoyage, option grattage sous la gencive. Le genre de nettoyage qu'on ne fait qu'une à deux fois dans sa vie, parait-il.

Oh, je vous sens inquiets d'un coup. Vous comptez sur vos doigts, en réalisant qu'on ne vous a encore jamais fait le coup et que bientôt ça va être votre tour. Laissez-moi vous rassurer complètement : oui, on anesthésie.
En ce qui me concerne, le gentil dentiste a eu la main légère sur la pommade prévue pour préparer la gencive en l'endormant un peu. Tellement légère que les piqûres d'anesthésie ont juste été un cauchemar et que j'ai TOUT senti, craquage dans le palais en prime. Là, moi ça va mieux mais vous, je vois vos épaules se crisper d'appréhension et de douleur anticipative. Rassurez-vous, si votre praticien est aussi sympa que le mien, il vous autorisera à crier, même fort.

Je rappelle - pour ceux qui ne suivent ce blog que d'un œil et qui ont une passoire à la place du cerveau, que mon boîtier d'appareil est chez Nikon et que ça va juste coûter le prix exorbitant de $$$ et que c'est un tout petit peu de ma faute quand même, alors mes cadals les amis… allez-y, plaignez moi maintenant.




jeudi, décembre 4

On s'en balance

Poser fiston dans une balançoire du playground peut virer à la guerre des nerfs, autant le savoir.

Vous qui avez, ou connaissez, ou entendu parler d'enfants, vous vous dites "OK, je vois le topo, son mouflet ne veut plus s'en aller et c'est les hurlements, le caprice du siècle".
Vous n'y êtes pas du tout, mais alors pas du tout. Non, les nerfs qui lâchent sont plutôt à chercher du côté adulte.
Je m'explique.

Ce n'est pas parce que fiston a posé ses fesses dans la balançoire seulement cinq petites minutes auparavant, qu'il va pouvoir en profiter un peu. Ce serait compter sans Sharon, qui débarque avec son enfant et que celui-ci n'est pas sitôt arrivé qu'il braille déjà "I want the blue swing", ce qui signifie en bon français "dégage moi ton mioche de là pour que je puisse m'amuser".
Autant dire que Sharon regarde fort peu discrètement sa montre et que vous avez intérêt à vous magner.
Si cette pression silencieuse de 32 secondes ne suffit pas à vous faire craquer, vous pouvez compter sur son enfant - si bien élevé qu'elle devrait breveter sa technique - pour venir trépigner à vos côtés en répétant d'une voix stridente qu'il veut la balançoire bleue "NOW!!!".

Là nous atteignons un point très sensible des relations intra-playground.

Vu qu'il est socialement inacceptable d'insulter, ni l'enfant, ni Sharon. Et que, c'est déplorable, il est également moralement interdit d'avoir recours à quelque petit geste explicite de rien du tout mais qui soulagerait, ne reste alors plus qu'à donner l'exemple et rester dignes.

Je suis donc censée obtempérer sans tarder, mais Sharon ne peut quand même pas m'en faire directement la remarque parce que ce serait indélicat de sa part.
Alors que faire ?
Elle va répondre à son enfant, suffisamment fort pour que j'entende, qu'il doit patienter parce qu'au parc c'est chacun son tour… et qu'il ne doit pas s'inquiéter parce que le petit garçon a BIENTÔT terminé.

Là, il m'est difficile de répondre, via fiston, qu'en fait NON, on en a encore pour un bon moment puisqu'on vient juste de commencer.
Si vraiment je viens à peine de l'installer et que fiston a l'air de s'amuser - et que je ne recule pas devant la perspective de créer un incident diplomato-parentesque - je peux en informer directement Sharon, mais alors avec moult "sorry" et promesses sur l'honneur que ça ne va pas durer trop longtemps quand même.
Parce que Sharon peut se la jouer cool cinq minutes, avec son bonnet à grosses mailles et ses Timberlands, mais je vous rappelle que la merveille de ses jours est en train de piquer une crise de nerfs au motif que, de tous les équipements du parc, c'est cette balançoire là qu'il veut.
Signaler à Sharon que cette balançoire là, justement, est réservée aux enfants de moins de 36 mois ou 20 kilos, en ouvrant grands les yeux et en faisant un geste du menton vers son fils de 4 ans qui ressemble au plus gros des Teletubbies n'est évidemment pas une option, Sharon n'ayant aucun humour quand il s'agit de la vie en général, et de tout le reste en particulier.

Alors que faire (bis) ?
Sourire bêtement et prendre son temps avant de plier bagages. Mon truc c'est de parler – fort – à fiston en français. En général la Sharon emmène son fils criser ailleurs.

Je suis une tueuse de codes sociaux polyglotte.

samedi, novembre 29

La tache


Je peux dater avec exactitude le moment où mon appareil photo a cessé d'être l'incarnation de la perfection technique à mes yeux, pour commencer à me gratouiller les nerfs dans le mauvais sens du poil.
Nous étions sur un bateau, en vacances chez des amis aux Seychelles, et le cul bien bordé de nouilles si vous voulez mon avis.

Aparté : si vous ne résidez pas à proximité d'une mer un peu chaude, d'une montagne un peu jolie, d'un village un peu médiéval ou d'une campagne un peu attrayante, pas la peine de poser candidature, vous ne serez pas mon ami, ou alors je ne viendrai jamais vous voir.
J'arrête tout de suite ceux qui s'apprêtent à me laisser des messages sur le thème… alors comme ça je ne suis pas assez bien pour toi, parce que Madame pense qu'on crève tous d'envie de le voir son Maryland ? tu sais ce qu'elle te dit ma ville moche de 58 329 habitants ?
Déménagez ou taisez-vous, merci.

Le ciel était limpide, la mer transparente et l'alternance de bancs de sable et de corail nous offrait toutes les teintes de bleus et de vert imaginables. En somme c'était beau. Je me suis alors dit que ça valait bien la 359ème photo du jour, et j'ai collé mon œil à l'oeilleton.
Le paysage est apparu, mais avec un petit quelque chose en plus, le genre de détail qui énerve et qui flingue tout, une horrible tache de poussière en haut à droite, bientôt rejointe par une plus petite, en plein milieu parce que c'est plus pratique pour gâcher tous les clichés.
Je suis restée calme, descendue dans ma cabine pour nettoyer tout ce petit monde, boîtier et objectif, soyons fou. Les taches continuaient à me narguer et il me semblait même en voir une troisième.
Je restai zen, no panic, genre photographe de guerre qui en a vu d'autres et qui ne s'en laisse pas compter, re-nettoyage de printemps, re-tache.
Là, j'ai eu une pensée jalouse envers les photographes de Roland Garros qui déposent leurs appareils au stand et vont boire un café avant de récupérer leur matos aspiré du sol au plafond.
Après un cinquième nettoyage, et une aggravation de la situation, je me suis dit qu'il était temps d'arrêter et que ce devait être l'humidité, malgré les nombreux sachets absorbants qui tapissaient mon sac. Pour être honnête, je me le suis dit après ce cinquième nettoyage, mais aussi après avoir envisagé la soulageante possibilité de prendre le boîtier et de le fracasser contre le mur, quitte à faire un trou dans la coque.

J'ai passé le reste des vacances à pourrir des photos, et à râler parce que des fois, on a beau savoir qu'il y a toujours Photoshop pour se récupérer derrière, c'est quand même déprimant.
Si je vous dis que les Seychelles c'était en février 2006, vous comprendrez – parce que je vous idéalise complètement et que je vous imagine fort en calcul mental – que jusqu'à hier matin ça fait un nombre hallucinant de photos pourries par des taches en tous genres, le phénomène ayant eu plutôt tendance à s'aggraver avec le temps et les changements d'objectifs. Allez, je dirais au bas mot 3 ou 4 milliers de clichés.
Et, si j'ai bien le logiciel, et même un livre pour me dire comment m'en servir, Photoshop ne m'a pas encore été présenté en bonnes et dues formes, alors mes nerfs ont peu à peu lâché.
Donc, un matin d'énervement plus explosif, j'ai remis la bête les boyaux à l'air, j'ai trituré, dépoussiéré comme une maniaque, soufflé, humecté, astiqué, fait briller… pour retrouver mes jolies taches.
Allez hop, j'ai tout rangé, juré de ne plus jamais faire une photo dans ces conditions, déprimé… pour à nouveau embarquer mon tortionnaire en vadrouille.

Mes mots avaient dû être trop violents pour lui et mon désaveu sincère, il ne pouvait plus continuer dans ces conditions de récriminations incessantes et mon D70S s'est fait hara-kiri, miroir bloqué, message d'erreur, barré en congés sans solde et sans préavis.

J'ai fulminé, re-trituré les entrailles sans vie, en vain. En pleine parade de Thanksgiving, sommet de l'agitation culturelle de par chez moi, je me suis retrouvée seule, avec deux objectifs à présent orphelins sur les bras et un chagrin de matin de Noël, quand non seulement on n'a pas les bonnes piles pour faire fonctionner le jeu qu'on a reçu, mais qu'en plus c'est pas celui qu'on attendait.

Après une étude de marché poussée, réalisée grâce aux prospectus publicitaires, je me suis vite rendue compte qu'une réparation coûterait sans doute moins cher qu'un boîtier neuf. Direction E Street en ce matin de Black Friday, le jour de toutes les folies dépensières.

Verdict : boîtier réparable, c'est heureux.
Juste comme ça, un peu poussée par Justin, je lui parle de mes taches.
Il me demande si j'ai bien nettoyé le chip.
Ben oui, merci, ça va, je sais qu'il faut nettoyer mon appareil, je suis pas débile non plus.
Il me fait une petite démonstration, avec un genre de coton-tige géant, visiblement prévu pour ça.
En observant la tête carré de son engin, et en l'entendant dire que la forme est différente selon les appareils, je me dis qu'il serait bon de reposer une question, pour être sûre.
Mais, quand vous dites le chip, vous voulez dire le miroir ?
Ah non, le miroir on n'y touche pas. Non, c'est le chip qu'il faut nettoyer.

Vous savez où il est, le chip ?
… Montrez pour voir.

La lumière s'est faite mes amis. Je suis une photographe libérée, je sais où est mon chip, adieu taches et crises de nerfs (là c'est Justin qui est content).
Il se trouve que j'ai possiblement pété mon boîtier à trop y triturer, mais c'était pour l'édification de la nulle qui est en moi, celle qui veut faire de belles photos sans jamais avoir pris un cours de sa vie. No comment.


jeudi, novembre 27

Avent l'heure

Si vous n'avez pas encore préparé, en famille et avec amour, votre Christmas pudding, ce qui est toujours mieux que seule – encore que – et énervée par cet abruti de chien qui vient exprès sur votre pelouse faire ce qu'il a à faire, c'est que le Holiday spirit ne vous est pas encore tombé dessus ou que vous n'aimez pas cuisiner.

Vous trouvez que l'ambiance n'y est pas, que c'est la crise et que tout le monde tire la tronche ? Ou vous le faites exprès, ou vous avez abusé de l'infâme bûche crème au beurre que vous avez cru bon d'acheter en avance et congeler pour gagner du temps. Mais allez, un petit effort que diantre.
Vous ne remarquez rien, entre le rayon des boîtes de chocolats géantes tellement promotionnées qu'on se demande si c'est du vrai chocolat à l'intérieur et celui des bougies parfumées ? Mais l'ambiance justement, toute prête à vous faire acheter un rêne gonflable pour votre bout de jardin.
En avant Jingles bells et Mon beau sapin, envoyez les flocons de neige géants en polystyrène suspendus au faux plafond. C'est parti kiki comme dirait fiston.
Dans le fond, faire ses courses à cette époque de l'année, c'est comme la saison de la chasse quand on est un lapin, il y a un avant et un pendant, et pendant c'est comme d'habitude mais en moins bien.
L'autre jour, le temps d'acheter un cadre photo, une selle de vélo et un bonnet de père Noël pour le chat, j'étais en overdose de Let it snow, Let it snow, Let it snow, d'autant que sur la question je suis hyper susceptible depuis que la semaine dernière le thermomètre se l'ait joué plongeur des abysses et que les gourous de la météo ont piétiné mes nerfs en annonçant une neige qui n'est jamais venue, laïlaïlaïlaï.
Et oui, pour la modique somme de 4,99$, Chesapeake est à nouveau victime de l'humour glacial et sophistiqué de ses maîtres, mais c'est pas moi, c'est Justin qui m'a forcée.

Maintenant, si vous ne vous êtes pas laissé emporter par cet esprit festif qui donne envie de boire du vin chaud devant la cheminée, juste parce que vous n'êtes pas manuels et ne savez pas comment assembler la jolie petite maison en pain d'épices, avec bonbons décoratifs et personnages en cannelle, c'est ballot.
Savez-vous que c'est obligatoire de fabriquer ses Christmas cookies, et de les décorer soigneusement avant de les offrir à ses nombreux voisins pour qu'ils aient des sucreries à refourguer au chien ? Attention, c'est sérieux.
Comment comptez-vous participer à la Holiday cookie and Caroling party du bout de la rue ? Je vous rappelle que vous êtes censé arriver les bras chargés de ces petites gourmandises en formes d'étoile, de bonhomme de neige ou de gingerman. Et, à moins que vous ne fassiez partie de la chorale improvisée qui va massacrer la plus grande quantité possible de chants de Noël en prenant son temps – 4 heures ayez pitié -, et que vous arrivez malgré tout les mains vides, j'aimerais bien savoir ce que vous allez faire, sans rien avoir à décorer au sucre coloré pendant qu'on cancane sur canapé.
M'étonnerait pas que l'hôtesse soit horriblement déçue par votre comportement et qu'elle vous raye de sa liste d'invités à sa Easter egg hunt party d'avril prochain.

Allez, c'est pas tout ça mais j'ai une dinde à faire cuire et un sapin de Noël à décorer.

Happy Holidays à ceux qui le veulent bien.

mardi, octobre 28

J'ai le bras long

Allez, cette fois c'est parti, l'hiver arrive. Le chauffage est en route et j'ai dû racheter des mouchoirs en papier, si c'est pas une preuve ça.
Et que fais-je aux premiers frimas ? J'ouvre le placard de la chambre et je revisite mon petit musée des horreurs.

Il y a le choix : entre les deux pulls beiges qui sont feutrés depuis un bête accident de machine l'année dernière, les pleins de bouloches, les troués, le turquoise horrible qui ne me va pas du tout et que Justin déteste mais qu'était pas cher, les jolis qui résistent mais qui sont synthétiques et tout le monde sait que l'acrylique ça ne réchauffe personne, les super décolletés parce que c'était la mode et qu'un col qui couvre à peine le nombril c'est bronchite assurée, celui que j'aime bien mais dont les manches sont trop courtes, pour résumer la situation, c'est la dèche, je n'ai plus rien à me mettre. Là je sanglote.

Après un tour rapide mais néanmoins exhaustif – trois boutiques – de ce qu'offre my beautiful city, les bras m'en tombent, ce qui est au final est assez pratique car tous les pulls croisés dans les vitrines n'ont pas de manches, ou à peine.
Je n'ai jamais été abonnée à Elle et je ne suis pas très au fait de ce qui se fait, mais là quand même… ça me semble aussi bien pensé que les maillots de bain tricotés au crochet qui ont fleuri sur tous les bords de mer.

Ce matin il faisait 5°c. Je suis censée mettre un pull à manches ultra courtes, avec un tee-shirt à manches ¾ en dessous ? Ah oui parce que, en plus, pour dégoter un tee-shirts à manches longues c'est quasi sans espoir. Et pour que mon look soit au top, était-ce bien utile de tailler ces pulls à hauteur de nombril ou de genoux, avec à peu près rien entre les deux ? Je pose la question parce que là, moi pas comprendre et moi un tout petit peu énervée.
La vaccination contre la grippe est limite obligatoire dans ce pays, certes, mais est-ce une raison pour obliger les femmes à grelotter bras nus ? Ah mais si, bras nus, parce que la plupart des manteaux ne couvrent pas au-delà du coude et n'ont que deux boutons à tout péter, c'est plus joli comme ça.

Il faudrait préciser aux hommes qui dessinent les vêtements que nous, les femmes, ne sommes pas magiquement télé transportées vers nos lieux de travail surchauffés et que de nos chez nous au métro, bus, garage, crèche, bureau, supermarché etc., il y a le dehors. Merci.


samedi, octobre 25

Toy story

Nous l'avons échappé belle.

Au moment de la naissance de fiston, une bonne fée américaine lui a offert un chaton en peluche.
La belle affaire, me direz-vous. Et bien non, pas jolie-jolie justement, car vlà-t'y-pas qu'un an plus tard ce beau geste s'est révélé empoisonné, encore plus fourbe que le coup de la pomme offerte à Blanche Neige par la sorcière.
Judy, si tu me lis, non, je ne te traite pas de sorcière, c'est une métaphore franco-grimmesque, je t'expliquerai.

Pourquoi m'en prendre à ce pauvre chaton qui a priori ne m'a rien fait quand je laisse Chesapeake s'en tirer à bon compte alors qu'il continue à semer ses poignées de poils partout et que les rares fois où il daigne s'en occuper, c'est pour mieux les vomir sur le tapis ?
Mais parce que le chaton est devenu en l'espace de quelques jours le doudou. Oui, the fiston's doudou, l'officiel.

Et si je vous dis que notre chère amie américaine est tombée en amour de cette peluche toute mignonne alors qu'elle était de passage à Londres, vous comprendrez mieux le problème.

J'ai assisté impuissante à l'attachement de fiston. J'ai eu beau essayer de faire diversion - le petit chien avait dû lui dire un truc pas sympa et l'enfant a la rancune tenace, alors oust le chien, l'éléphant était trop rugueux ou alors c'est sa trompe qui ne lui revenait pas mais niet, et le grelot du lapin lui tapait sur les nerfs, je n'ai rien pu faire, le chat s'est installé dans le rituel du soir, acclamé par un "miaou" perçant du fiston tout heureux de le retrouver et de l'enlacer pour s'endormir.
Le mois d'août en France a été la consécration, le copain incontournable qu'on retrouve quand tout change sans arrêt et qu'on ne reconnaît plus rien. J'aurais pu lui acheter tous les poneys de la création, c'était trop tard, le couronnement du doudou avait eu lieu et voilà.

C'est ma marraine qui m'a mis la puce à l'oreille.
Tu en as un autre de rechange, au cas où ?
Au cas où quoi ? Les périls qui guettent tout doudou qui se respecte ont défilé sous mes yeux: un oubli, un accident de Kenmore, un vol, un enlèvement et que sais-je encore, une fugue même pourquoi pas.
En interrogeant les parents de jeunes enfants autour de moi, j'ai réalisé que j'étais vraiment l'inconsciente de service et que si j'avais eu de la chance jusqu'ici, ce n'était pas la peine de tenter le diable. Deux versions de doudou identiques et interchangeables, c'est le minimum. Trois pour être tranquilles. Quatre pour les anxieux ou les grandes familles. Cinq pour être vraiment sûrs. Six c'est extrême mais ça ce pratique.
Je l'aurais bien fait tatouer mais le véto a refusé.

Donc, en route pour dégoter le jumeau du chaton londonien. Heureusement, il avait été acheté dans un grand magasin facile à identifier : un badge sur la poitrine de la peluche qui dit "my first Harrod's kitten" – ce qui m'avait bien fait ricaner en recevant la bête, sur le thème, et vous noterez au passage l'ironie implacable de mon existence : "vu comme il est beau c'est sûr que je vais courir à Londres m'en payer toute une tripotée", la même inscription brodée sous une des pattes de l'animal au cas où l'acheteur soit un peu lent à la comprenette, et l'étiquette arborant le logo du magasin cousue sur le côté. Avec tout ça, j'ai cru que c'était un cadeau publicitaire, ouarf suis-je bécasse parfois.
Sur le site internet, j'ai dégoté la bête, chérotte mais que n'est-on prêts à faire pour sauver ses soirées ? Je garnis mon panier, je remplis mes coordonnées postales et bancaires et alors là, tout le bien que je pensais des nouvelles technologies est allé rejoindre celui que j'ai pu penser de l'electro-ménager américain, il y a de ça bien longtemps c'est vrai.
Les frais de port d'un pov machin de 214 grammes ont presque quadruplé le montant, aboutissant au prix du gramme le plus élevé depuis l'invention de la peluche synthétique. Ils me l'envoient en hélico le chaton ou quoi ?

Et voilà comment un geste tout plein de bonnes intentions s'est révélé empoisonné.

Mais comme on est pleins de ressources, on a débusqué un ami qui allait être de passage à Londres et qui, parce que sa générosité n'a pas de bornes, a accepté d'aller se faire écraser les arpions et subir les tentatives d'étouffement par foule en délire devant le sanctuaire dédié à Dodi et Diana, tout ça pour que fiston puisse dormir tranquille avec son chaton qui n'a même pas de nom.
Jonathan : remerciements, reconnaissance et tout le toutim mais bon, tu aurais pu en prendre deux… c'est malin, il va falloir que tu y retournes.

mercredi, octobre 1

Sur les bancs publics


Laissez-moi vous parler de ma découverte des squares à la française.

Au bout de trois-quatre jours à courir derrière un bipède plus qu'enthousiasmé par ses nouveaux super pouvoirs de marcheur – et une fois passée la bouffée de nostalgie sur le thème "ici je me serais déjà fait des copines" – je me suis mise à regarder autour de nous.
Déjà, on n'imaginerait pas, mais s'aventurer dans le bac à sable c'est comme se transformer en gladiateurs jetés dans la fosse aux lions : on a le droit de pousser, de pincer, d'arracher les jouets ou les cheveux, surtout si la nounou regarde ailleurs, et lancer des poignées de sable. Peu nombreuses sont les interventions pour expliquer qu'il faut apprendre à partager et que non, ce n'est pas fair play d'aveugler son adversaire.
Fiston, habitué aux interventions toutes enrobées de politiquement correct à l'américaine, en est resté comme deux ronds de flan. Personne pour s'assurer qu'il allait bien, pour s'excuser platement, lui refiler la carte d'un bon avocat ou lui rendre le jouet injustement arraché. Enfin si, moi, mais je me suis sentie un peu seule.

Mais si au square les enfants se tapent, s'éclaboussent, trichent et deviennent meilleurs copains en quinze secondes, pas de quoi fouetter les pigeons.
Le pittoresque est plutôt à chercher du côté de la mère de famille.

Prenons d'abord le cas un peu à part de la femme enceinte, déjà mère parce que sinon on ne voit pas bien ce qu'elle ferait à passer ses aprèm au square.
La femme enceinte américaine est toute dévouée à son ou ses enfants, limite elle fait comme si elle n'avait pas mal au dos ou les jambes enflées. Elle court, chante, pousse les balançoires, certaines vont même jusqu'à se plier dans le toboggan avec le petit dernier. La femme enceinte américaine – enfin, celle qui ne reste pas planquée chez elle en repos obligatoire, est sportive et mange au moins cinq fruits et légumes par jour.
La femme enceinte française est contente parce que sa meilleure copine est enceinte en même temps qu'elle. Du coup, elle vont au square avec leurs enfants et elle font comme si ils n'existaient pas, le temps de se détendre, assises sur un banc, et de papoter en se fumant une bonne clope. La femme enceinte française n'est pas très branchée fruits de saison.

Et quand elle commence à en avoir assez des sollicitations permanentes de ses enfants, la mère de famille américaine inspire, se greffe un sourire épanoui et redouble d'efforts pour que sa progéniture s'occupe seule quelques minutes pour pouvoir décompresser en culpabilisant de ne pas se donner à 200 %. La mère de famille américaine refoule.
La mère de famille française, elle, régale ses voisines de banc d'un tonitruant "Jennifer je te préviens, si tu n'arrêtes pas de me faire ch… je t'en colle une et tu viendras pas chialer". La mère de famille française se défoule.





edit : merci pour les messages sur le thème "quand te reverrai-je, blog merveilleux". J'apprécie.

mardi, juillet 22

Je l'ai fait

Alors cette fois-ci, aucun doute n’est plus permis, je suis entrée en phase d’acculturation aiguë.

Il y a d’abord eu les premiers signes, des petits rien sans gravité : les biberons que l’on calcule directement en onces, les degrés Fahrenheit du four que l’on manie avec de moins en moins d’hésitation, acetaminophen que l’on est capable de réciter huit fois de suite à l’envers et l’effort qu’il faut faire pour se souvenir que dans notre pays on dit paracétamol.

Puis le phénomène a pris de l’ampleur, le cerveau a été salement amoché : on s’est mis à fabriquer des mots parce qu’ici c’est permis : je dis « poignardage » si je veux, on hésite devant une boîte d’œufs parce que « poules élevées en liberté » c’est pas la même chose que bio, ça d’accord, mais le plus mieux en oméga-3 c’est lequel ?, au feu rouge on tourne à droite sans se poser de questions, flèche ou pas flèche, ben oui ici on a le droit, le matin au parc on croise des mères de famille en bas de pyjama et on s’en aperçoit à peine.


Mais je tenais encore tête, JT de France 2 en cure intensive, défilé du 14 juillet et soupe à l’oignon, mes racines tenaient bon.
Jusqu’à samedi dernier.
C’était le matin, fiston dormait et Justin se concentrait dans le bureau. Calme plat et silence.
Sans réfléchir, juste comme ça, pour voir, pour rigoler, pour essayer… pour faire comme toutes les autres ici qui sortent en chemise de nuit enfilée sur un jean, OK, mais ongles faits et jolies sandales s’il vous plaît, je me suis peint les ongles des pieds.
En moins de deux, mes bouts d’orteils sont devenus groseille et je suis entrée dans le moule.
J’avais beau savoir que sortir les ongles nus est le summum de l’indécence et du moche pour beaucoup de
washingtoniennes, jusque là ça ne m’avait pas empêchée de dormir, spécialité encore réservée à fiston.
Mais maintenant que le pinceau s’est coincé dans l’engrenage, suis-je condamnée à des peinturlurages réguliers, oserai-je remettre mes tongs et rien d’autre ?
Oh my god, me v’là avec les soucis de Sue Helen, le whisky en moins, c’est pas la preuve de mon intégration ça ?

Il aura fallu deux jours à Justin pour se faire à mon nouveau look, moi je me suis maté les pieds toute la journée en résistant à l’envie de m’appeler Madame et fiston a beaucoup rigolé en poursuivant mes orteils pour les manger. Chesapeake, lui, a eu quand même un peu peur alors il m’a tapé les pieds plusieurs fois, pour s’assurer qu’il les avait convenablement assommés, et les a ensuite longuement reniflés. Oui, j’ai bougé, juste pour le plaisir de le faire sursauter.


Après leur avoir démontré qui était le patron, notre valeureux carnivore n’a plus voulu quitter ses nouveaux amis.


mardi, juillet 1

Emballé c'est pesé

Bon, ce coup-ci ça y est.
Les voisins sont partis, les blogs se mettent au vert les uns après les autres et ma boîte email ne me délivre même plus mes deux messages hebdomadaires. Vous êtes tous partis ou quoi ?

Pour patienter, je n’ai plus qu’à lancer le compte à rebours avant notre départ vers la mère patrie.
Plus qu’un mois et des poussières.

J’aimerais beaucoup être de celles qui font des listes hyper détaillées de tout ce qu’il faut emballer. Celles qui n’ont pas besoin de passer leur voyage à stresser et à passer mentalement en revue tout ce qu’elles ont oublié d’irremplaçable.
J’aimerais, mais je ne suis pas comme ça.

Depuis que je prépare mes affaires toute seule, soit le début de l’adolescence, ça se fait toujours la veille au soir, tard et fatiguée. Je m’énerve après le gilet noir que je ne retrouve plus, celui qu’il me faut absolument, parce qu’il est noir justement et qu’il va avec tout.

Si j’ai de la chance, j’ai suffisamment de fringues propres en stock, sinon ben tant pis, je fais une lessive en arrivant – si je suis en famille parce que sinon, je lave dans la nuit, et je sèche l’unique jean, encore bien humide au petit matin, au fer à repasser. Oui madame, c’est du vécu.

Les chaussures. Toujours trop. Il y a celles qui vont avec les pantalons, mais qu’on ne mettrait jamais avec une robe, et celles qui font vraiment été et que si jamais il pleut on aurait l’air ridicule avec. Ne pas oublier celles pour marcher, les confortables qui pèsent deux kilos et que je mets donc aux pieds pour partir.
Bref, trop de place pour des pompes qu’on ne mettra finalement pas une fois, du coup il faut sabrer sur le reste.

Non, pas sur le sèche-cheveux, je tiens à conserver ma dignité, même en
zone humide. Ni sur les bidons de crème solaire indice 255, il en va de ma survie épidermique.
Tant pis, je tranche, j’évacue, je limite, je me rassure avec le shampoing et le gel douche tous neufs qui feront de la place au retour.

Et oui, parce qu’on revient toujours plus chargés qu’on est partis.
Des livres qu’on ne peut pas laisser derrière soi
– pensez, Mary Higgins Clark, ce serait dommage - un collier de coquillage acheté sur la plage pour une misère multipliée par douze, quelques babioles dénichées pendant les soldes parce que c’est plus marrant d’aller dans la réplique exacte de la boutique qu’on a en bas de chez soi quand on est à des centaines de kilomètres de là, quelques fromages de chèvre décidés à rentrer à pied, ou trois kilos de gros sel gris parce qu’il était tellement moins cher qu’à Paris.

Et ça c’était quand je partais encore relativement légère – un concentré d’absolue nécessité d’une petite vingtaine de kilos.
Cette année, je m’apprête à retraverser l’Atlantique munie de fiston, pour un mois, la fin des vacances avec le retour en solo. Je ne vais pas couper à un minimum d’organisation.
Si le compte est bon, ça fait deux personnes, donc au moins deux valises, un sac cabine et une poussette pour seulement deux bras. Aïe, là on est mal.
Ne me reste plus qu’à invoquer Shiva et le saint-esprit du rangement pour m’épauler dans cette épreuve du feu.

Si ça se trouve, je vais même me mettre à faire des listes.


dimanche, juin 29

On est mieux chez soi

Je ne sais pas chez vous, mais par ici le voisinage fleure bon la crème solaire et les saucisses grillées. Les maisons se vident, les piscines gonflables sont en promo et même les centres commerciaux ont un air dépeuplé.

C’est que bientôt c’est le 4 juillet et son week-end de trois jours, c’est le moment de partir en vacances si vous êtes américains et décidés à vous mettre du fun jusque-là.

Franchement, trois jours, avec toutes les formules clé en main direction Cancun ou Mexico, il y a largement de quoi décompresser de toute l’année écoulée.

Trois jours de repos bien mérité avec casinos, cocktails géants, un ou deux spectacles en soirée, un tour de ville en bus, voire carrément une expédition vers quelques vestiges aztèques sur la journée, et chaise longue au bord de la piscine pour que les enfants se dégourdissent les pattes le reste du temps, c’est pas palace ça ?

Allez, on n’est pas pingres, si vous avez explosé vos objectifs de l’année, vous avez le droit de poser un quatrième jour, mais là, attention, c’est les vacances du siècle.

Quatre jours et c’est l’Europe qui vous ouvre les bras.

Londres, Paris et Bruxelles sur deux jours, après vous avez tout le temps d’improviser une petite virée en Russie ou voir Venise et mourir, d’épuisement.

Mais là j’exagère, nos voisins partent toute une semaine. Fainéants.


vendredi, juin 27

Me v'la bien

De la menthe s’est mise à pousser à foison dans le coin potager de mon jardin, comme ça, sans que je ne fasse rien. Elle est tellement magnifique que c’est presque vexant de n’y être pour rien. Les désastres floraux d’à côté sont bien de moi, mais là, ben non.
Comme elle s’est débrouillée sans moi jusque là, je fais très attention à ne surtout pas m’en occuper.
Elle s’arrose quand il pleut et va pour le mieux.
La menthe est l’amie de la nulle en jardinage, j’aime la menthe.

Quand il pleut ça sent bon, on se croirait sous la cascade Bollywood chewing gomme.
Mon nez est donc ravi, le jardin sent la force du menthol et je reste plantée devant toutes ces branches à chercher le meilleur moyen de rentabiliser cette verdure qui a l’air décidée à annexer tout l’espace disponible d’ici deux ans.

Rassurez-vous, oui, je sais que la menthe ça se mange aussi.
Avec des concombres, dans le taboulé, sur des fraises ou dans du thé.
Là j’ai l’air d’être intarissable sur la question et vous êtes sur le point de me confondre avec l’auteur de « La menthe, mille et une façons de l’accommoder », avec ma photo en tablier à carreaux vert et blanc.
Et bien non, pas du tout, je viens de vous déballer, là comme ça et sans chichi, toutes mes ressources en la matière et c’est mon drame.

Je me torture le ciboulot. Des carottes râpées à la menthe ? Des yaourts ? Avec du poisson ? En décoration, mais à coups de deux feuilles par ci par là, je ne suis pas au bout du stock. En gelée, à l’anglaise ? En masque pour le visage ? En gratin avec des courgettes ?

Vous avez le droit de prendre ça pour un appel désespéré et décider d’abréger mes souffrances en me refilant vos précieuses recettes de familles ancestrales et mentholées, il faut savoir partager.


En quiche ?


mardi, juin 24

Evergreen


Samedi, un tour de lac.


mercredi, juin 18

A l'arrache

Hier, le soleil a été sympa avec moi et il a un peu molli. Est-ce que, grisée de joie et de fraîcheur de vivre, j’ai foncé me faire bronzer, peinturlurer les orteils, acheté une robe et autres activités raccords avec ce doux temps printanier ?

Non, mon dos m’en est témoin, hier après-midi je me suis occupé du massif jardineux.
Ô plénitude céleste, ô félicité infinie.

Allez, pour vous rendre sensibles à mon malheur, je vous la fais visuel : le massif en question mesure, à la louche, dans les 6m sur 4.
Rigolade, diront certains.

Mais il faut savoir, pour prendre pleine mesure de ma détresse, que je suis une tueuse de verdure. Rien ne résiste à mes arrosages sporadiques, mes oublis d’engrais, mes tailles au pif au mètre, mes tentatives de faire pousser au soleil des plantes dites d’ombre et vice-versa, mes manipulations énergiques et mon manque de vocabulaire : terre acide, et plantes annuelles ont conservé tout leur mystère. J’ai même réussi à faire mourir du lierre un jour, c’est dire l’ampleur des dégâts.

Sur ces 25m² sont répartis :
- un hortensia dont la splendeur ne doit rien à mes efforts
- un forsythia très beau au tout début du printemps
- un rosier rose en fin de vie
- un petit buis
- une espèce de fougère géante qui n’en finit pas de s’étaler
- trois plantes vertes au nom inconnu et, par conséquent, à l’entretien tout aussi obscur,
- un truc qui ressemble à un buisson à ras de terre, moche et foisonnant, dont j’ai arraché un bon paquet à la fin de l’hiver, avant de réaliser que chez les autres ça se mettait à fleurir en belle quantité. Règle d’or du jardinier : se renseigner avant d’arracher, vous me le copierez cent fois
- quelques petites babioles censées prospérer, s’étendre, faire un couvre-sol de fleurs blanches et mauves mais qui, en fait, ne l’ont pas senti comme ça et je ne sais toujours pas pourquoi
- le reste

Le reste a, lui, énormément prospéré depuis mon dernier passage. D’ailleurs, je note que ce qu’on ne plante pas donne des résultats spectaculaires. Moi je dis, inversons les valeurs, déclarons la mauvaise herbe nec plus ultra et basta, à nous repos bien mérité et farniente dominicale, surtout le mardi.

Le reste se décompose lui aussi en plusieurs catégories :
- les petites pousses délicates qui s’arrachent de préférence à la pince à épiler si vous voulez avoir une chance de retirer les racines, fines comme du vermicelle. J’ai deux spécimens en tête, le trèfle et l’érable.
Alors, le trèfle ne gagne pas en hauteur, mais en superficie. Si vous en avez, faut vous magner.
L’érable, outre le fait de nous donner son sirop, merci, et ses couleurs flamboyantes à l’automne, remerci, a la fâcheuse manie de semer ses graines partout, grâce aux petits hélicoptères qu’on faisait tournoyer quand on était petits.
En ville, c’est pas bien grave, on n’a jamais vu les hélicoptères prendre racine dans les caniveaux, mais sur ma plate-bande… des dizaines et des dizaines de mini érables que j’avais. Ah ça, quand je plante du basilic, tout crève en moins de deux, mais qu’une grainasse portée par le vent vienne atterrir chez moi par accident et ça se transforme en forêt québécoise, c'est-y pas niaiseux
- les choses qu’au début, échaudée par ma mésaventure du buisson moche et foisonnant, je laissais pousser pour voir. Plus ça poussait et plus j’avais l’impression que ça allait donner une fleur. A près d’un mètre de haut il a fallu regarder la réalité en face, ce n’étaient que de grandes tiges aux feuilles démesurées ayant l’air d’avoir survécu à des radiations atomiques et nécessitant l’emploi d’une pioche pour être éradiquées
- une espèce de vigne vierge qui s’enroule serré sur tout ce qui est à sa portée, étouffant mes plantes déjà à l’agonie. Elle doit pousser de deux mètres par heure et s’enracine partout. Là, j’ai fait ce que j’ai pu mais je sais que je vais bientôt avoir de ses nouvelles, je ne me fais pas d’illusions
- des herbes qui ressemblent à de la ciboulette, mais qui sont une sorte d’ail sauvage. Le bulbe est enterré très profond et on ne peut pas l’avoir à la main. Je me dis qu’y en a qui pêchent à la dynamite, ça doit bien se faire pour le jardinage aussi. Et non, ça ne se mange pas

Pour couronner le pompon, il fallait en plus que je fasse hyper attention à ne pas mettre mes gants sur du poison ivy, une sorte de lierre très toxique que si t’en as touché tu cours chez le médecin et il te met sous stéroïdes tellement tu fais une réaction cutanée immonde, purulente et gratouillante.

Sur ce, je vais aller reposer mes lombaires et laissez-moi vous prévenir : « Mauvais temps à la Sainte Léonce, peu de fruits, beaucoup de ronces. »
Nous v’la bien.

dimanche, juin 15

J'étais tranquille, j'étais peinard


Depuis l’arrivée de l’été et la fermetures des écoles, ma YMCA n’est plus la même.

Dès le parking la différence est frappante, il n’y a plus une place.


C’est Palavas, on y croise des dizaines de femmes en robe de plage avec enfants munis de tubas, de matelas de plage et de glacières.
Paris-Plage est arrivé jusqu’ici et on ne m’a rien dit ?

Je franchis l’entrée de ma Ouaïlle et là, arrêt sur image, on ne bouge plus : il n’y a plus un centimètre carré de disponible.

Mais que ce passe-t-il ?
Je sais que ce qui va suivre risque de faire beaucoup de peine à mes lecteurs hexagonaux, mais ici c’est l’été, il fait suuuper chaud, et les gens se sont dit tout à coup « et si on s’inscrivait à la Ouaïlle pour aller faire trempette ? »

Car trouver une piscine et y abonner sa famille, juste pour l’été, est comme le barbecue, c’est incontournable, c’est un peu « Dis-moi quelle est ta summer pool, et je te dirais qui tu es ».
Mais il y a piscine et piscine… Déjà, tout un tas n’ouvrent que maintenant, quand les enfants se retrouvent lâchés en pleine nature pour près de 3 mois et qu’il faut bien les rafraîchir.

Les piscines les plus courues ont des listes d’attente de plusieurs années, la Ouaïlle est donc une solution de remplacement comme une autre puisque l’accès n’y est pas limité.

Mais c’est un pis-aller car, à part quelques chaises longues placées autour de la piscine extérieure, elle n’offre ni toboggan, ni bulles, ni vagues, ni rien. C’est une bête piscine dans un style très municipal.

Or, ce que les gens recherchent pour l’été, c’est un mini water park, pour occuper les enfants le plus longtemps possible. Sans jets d’eau, îles artificielles, rivières à remous et autres délices aquatiques, vous pensez les attirer comment vos enfants ? Et s’ils refusent de vous suivre, vous allez en faire quoi, toute la journée… tout l’été, et je rappelle qu’il fait suuuuper chaud ?
Bon, à la Ouaïlle il n’y a peut-être pas de bar à glaces et sorbets au beurre de cacahuète, mais dans le couloir, vous trouverez quand même deux distributeurs de sodas et de trucs au chocolat, l’été sera gras, c’est moi qui vous le dis.

En dehors de mes difficultés à entrer dans les lieux, ce qui m’a confirmé que plus rien n’est comme avant, c’est l’état du vestiaire. Il grouillait d’une trentaine de (pré)adolescentes, entre 11 et 15 ans.

Et vas-y que je me mets du gloss framboise, que je me scotche au miroir, que je me mets X fois de profil pour vérifier que oui, mon maillot me boudine mais que comme ma cops m’affirme que non non, pas du tout, je look sooo great, tout va bien.

Et ça se met du gel effet mouillé dans les cheveux – pour ceux qui se posent la question, non, aller à la piscine n’est pas le meilleur moyen de se mouiller les cheveux, elles ont passé trois-quarts d’heure à s’ébouriffer savamment la tignasse, vous croyez vraiment que c’est pour la mettre sous l’eau ?

Ça s’échange tout un tas de crèmes pailletées qui doivent faire ressembler la surface de la piscine à une marée noire version disco après leur trempette express.

Et ça ricane en regardant le bout de la pièce, non mais t’as pas vu Suzy, comment son maillot c’est trop le même que l’année dernière.

Et ça jacasse, ça s’engueule, le stress et le niveau sonore sont à leur maximum parce que quand même, y’a Jason qui est là, avec ses potes, et il faut assurer parce qu’il est sooo cute.

Je suis partie nager à l’intérieur, avec le troisième âge, en savourant la douce satisfaction de ne plus avoir treize ans.
Epuisée j'étais.


jeudi, juin 12

La fin des haricots

Il était une fois un bébé tout mignon qui n’en pouvait plus de picoler ses biberons à la chaîne, et qui commençait à sérieusement baver devant les plats succulents que se tapaient sans vergogne, et sous son nez, ses sadiques de parents.

Puisqu’il a vite compris que pour obtenir gain de cause dans l’existence, il faut donner de la voix, il a râlé, de plus en plus fort, jusqu’à pouvoir goûter sa première purée de carottes alors que ses six mois n’avaient pas encore sonné.

Sa mère, toute pleine de bonne volonté, s’est alors mise à cuisiner purées et compotes sans compter, en alternant les saveurs, en achetant des produits plus frais que pour elle, et bio, en se donnant du mal donc.
Elle n’était pas peu fière de faire la nique à tous ces industriels qui ne rêvaient que d’empoisonner son fiston, voire de le rendre obèse, accro au sucre ou à la gomme arabique.

Et puis un jour, il y a eu des visiteurs à la maison, alors pour se simplifier un peu la tâche, elle a acheté des compotes toutes faîtes, des petits pots, oui mais bio. Fiston a évidemment adoré. C’était l’hiver et il en avait sans doute un peu ras la casquette des mélanges maternels à base de pomme-poire-banane. Là il découvrait le pruneau, la rhubarbe, un peu de framboise et la pêche, quel panard.
Sa mère a donc dû se résoudre à acheter des compotes sucrées. Allez, ce n’était pas plus mal pour son éveil au goût, c’était plus varié.

Mais sur le salé, elle ne cédait rien. De toute façon il n’aimait pas, elle avait eu assez de mal à le nourrir à Puerto Rico pour le savoir. Elle continua donc à cuire ses poireaux, courgettes, fenouils en toute sérénité, à mixer ses soupes, à ajouter la viande comme et quand elle le souhaitait.
Le fiston prospérait, faisait de grands sourires à la cuillère et attaquait doucement les morceaux.

Mais ce bonheur culinaire a été tourneboulé.
La tempête a soufflé sur la maison.

Sans fourneau il a bien fallu s’y résoudre, et fiston a regoûté au légume défendu. Et il a aimé. Il a même trouvé ça tellement bon que maintenant il ne veut plus rien d’autre.
Sa mère a cédé, pour l’instant. Puisqu’il trouve ça meilleur.


Et voilà comment ce bébé si mignon est tombé dans la marmite à petits pots.
Mais comment lutter, dans un vegetable beef dinner, on dénombre pas moins de 6 ingrédients et 9 dans un pasta dinner, le préféré de fiston.
Sa mère a beau faire de son mieux, elle ne moud pas encore sa farine de pois chiches bio, et c’est ballot parce que si ça ce trouve, c’est cette farine là qui rend les bébés accros.

lundi, juin 9

Cuisson vapeur


Je ne sais pas chez vous, mais ici, l’été a démarré par une vague de chaleur depuis quelques jours et ça y est, la barre des 35°c a été franchie plusieurs fois, le doute n’est plus permis.
Ce serait plutôt une bonne nouvelle si je faisais partie de ces gens qui s’épanouissent au soleil, qui relèvent la tête à mesure que le mercure grimpe.
Vous l’aurez deviné, ce n’est pas du tout, mais alors pas du tout mon cas. Le soleil et ma peau de rousse ne font pas bon ménage, j’y suis même un tantinet allergique et j’aurais pu faire vampire comme métier si j’avais voulu.
Donc quand le soleil brille brille brille, je souffre, d’autant que je n’aime pas non plus la chaleur, c’est bête hein ?

J’adore la tranche 20-25°c, je range mes pulls, je marche des heures dehors, je regarde les feuilles pousser, ça sent bon, le vent est doux, j’ai envie de plonger mes pieds dans un torrent de montagne et de manger du fromage de chèvre frais, je me prends un peu pour Heïdi, youkaïdi. Je suis fréquentable, de bonne humeur et le poil bien peigné.

Au-delà de 25°c, je commence doucement mais sûrement à périr, je me traîne, je soupire, j’ai chaud, les insectes m’attaquent et donc je dors mal, je colle, je me gratte et je m’économise en passant en mode veille m’en tenant aux mots d’une ou deux syllabes.

Au-delà de 30°c, je meurs pour de bon et donc, c’est logique, je ne ressemble plus à rien. Je râle sur tout ce qui bouge, j’invective le ciel, je l’agonie d’injures, je fais des recherches sur internet pour retrouver les mouvements exacts de la danse de la pluie, celle qui a été homologuée, avant de réaliser qu’il est hors de question que je bouge l’ombre d’un cil sous cette canicule.

Au-delà de 35°c ? Non, vous ne voulez pas savoir.
Bon, si vous insistez alors… Je suis en état de mort cérébrale certifiée par contrôle d’huissiers, si je croise Heïdi, la vraie, avec ses bouclettes et son sourire niais, je lui mets une claque, si j’arrive à bouger. J’n’ai plus d’appétit, plus de barracuda non plus. Ah, et j’oubliais, je suis de très très mauvaise humeur puisque je sais que la canicule est là exprès pour moi, juste pour le plaisir de m’emmerdouiller et je vis chaque demi degré supplémentaire comme un affront personnel.

Mais ce n’est pas tout, oh que non.
En hiver, quand on vous annonce un 5°c, vous vous dites que c’est fichu pour la neige mais qu’au moins la journée va être douce au soleil.
Que vous êtes naïfs... et les « températures ressenties » alors ?
J’explique : il fait bien 5°c, mais sans tenir compte du vent. Parce que si Evelyne Dheliat voulait vraiment se rendre utile, ce n’est pas sous abri qu’elle les annoncerait ses tempés, mais en situation réelle, avec le vent glacial qui transforme tout ça en un bon -2°c.
Et ben l’été c’est pareil, sauf que les températures ne sont pas revues à la baisse grâce à une brise bien fraîche venue du nord, mais à la hausse, aidées en cela par l’humidité gluante qui tombe tous les étés sur la ville.

Alors, parlons-en de cette humidité.
Les murs de la salle de bain ruissellent, le rideau de douche moisit gentiment, on a chaud, on est poisseux, on transpire en dormant et quand on se réveille on a l’impression qu’il est midi et qu’on est enfermé dans une tente en plein soleil, on passerait bien ses journées dans une piscine d’eau froide mais comme on n’est pas les seuls à avoir eu cette idée, c’est l’occasion de croiser 128 de ses voisins, avec progéniture surexcitée en prime.

Ce n’est plus 36°c à l’ombre de mon porche qu’il fait, mais dans les 41°c en « ressenti »…
Honnêtement, au-delà de 40°, je n’ai plus figure humaine. Vous savez les fifilles des pubs de shampoing, celles qui ont de longs cheveux lisses et soyeux, et qui veulent nous faire croire que même sous le crachin leur brushing tient le choc ? Même pas vrai. Avec l’humidité le cheveu gonfle, énormément, le brushing se casse en vacances et le poil lisse et soyeux devient ondulé au mieux, fouchtrouillé dans le pire des cas, soit vers 80 % d’humidité. Et nous avons dépassé les 80 %. Largement dépassé. Qui veut ma photo ?

Mais il fait trop chaud pour s’énerver sur ce détail capillaire, et il faut conserver un semblant d’énergie pour gérer les enfants, intenables, qui veulent manger et puis en fait non, qui sont fatigués mais en fait non, qui veulent jouer avec l'eau de la bassine puis en fait ben non, enfants qui courent allègrement sur les nerfs de leurs parents.

Quand je pense que nous ne sommes que début juin, j’ai des envies troglodytiques.
(Comment) vais-je survivre ?

Je précise qu’il est tout à fait hors de question qu’une photo de ma tronche d’en ce moment circule sur le web mondial, même pas en rêve, never.