samedi, décembre 29

On n'y a vu que du feu

Hier soir, restaurant italien. Musique lounge, lumières tamisées, murs en plâtre qui fait comme s’il tombait de manière naturelle par plaques genre ruines de Pompéi, fausses incrustations verdâtres en prime, parfait. Mais ce n’est rien comparé à ce que nous avons découvert, le truc ultime en matière de déco. C’est tellement ultime que ça pourrait devenir super tendance chez les gens qui raffolent des choses complètement décalées, voire complètement ridicules.

Vous qui aimez regarder les tableaux animés avec des chutes d’eau vaporeuses et turquoises dans les restos chinois, ce qui va suivre est pour vous.
Nous avons dîné près d’un feu de cheminée.
Mais pas n’importe quel feu. Non, ce n’étaient pas de fausses bûches avec un bec de gaz derrière pour faire la flamme, ni même une cheminée électrique avec des ampoules rouges et jaunes planquées et des résistances.

C’était le chic ultime : un écran plasma extra-large inséré dans un emplacement de cheminée vide et qui retransmet un feu, mais attention, c’est là que ça devient grandiose, le DVD passe un faux feu de cheminée, un qui ne fait même pas semblant d’être vrai. Ses bûches restent d’un beige clair impeccable, et le fabricant ne s’est pas donné la peine de faire de fausses braises – ou alors, tout simplement, de filmer un vrai feu. C’est faux et ça l’assume dirons-nous. Justin était très excité, il disait que c’est post-post-moderne.
La touche finale c’est que l’écran plasma est joliment protégé par un pare-feu, vrai, celui-là.

mardi, décembre 25

(Le mauvais) esprit de Noël

Bon, je vous assure que j’ai essayé. J’ai fait le tour des illuminations du quartier, traîné dans les magasins en écoutant 36 versions de Jingle Bells en boucle mais y’a rien à faire, le spirit n’est pas avec moi.

Alors, faute de m’escagasser le cerveau sur tous les cadeaux que je n’ai pas encore trouvés, je préfère me poser des questions existentielles genre, est-on vraiment obligés de filer un chèque d’étrennes au type qui nous balance le Washington Post tous les matins ? Parce qu’alors, c’est la porte ouverte à toutes les fenêtres si je puis dire. C’est comme à Paris où le facteur passait dans tous les apparts, plusieurs soirs de suite si il le fallait pour vous coincer et tenter de vous refourguer son calendrier dont la mocheté n’a d’égal que la pertinence des informations situées dans son cahier central – si on a pas internet, on a le bottin, alors le numéro des pompes funèbres générales par arrondissement merci mais non.
Je vous entends vous exclamer « Mais c’est la tradition, il faut donner aux éboueurs, aux pompiers et aux facteurs ».

Pour les éboueurs, je ne dis pas non parce que je suis bien contente qu’ils fassent le boulot et qu’en plus je suis sûre qu’ils sont mal payés, et puis parce qu’il faut bien que je dise que je donne à quelqu’un sinon je vais passer pour la sale radine qui éteint la télé et se fige pour ne pas faire craquer le parquet quand vient l’heure de la quête – quoi, qui a dit « ça sent le vécu » ?

Les pompiers, déjà c’est plus discutable parce qu’à Paris ils sont professionnels, militaires même, alors à ce train là il faudrait aller filer quelques biftons aux gendarmes alors qu’on n’a même pas grillé un feu, et puis quoi encore. « Oui mais ils font un métier vachement dangereux et des fois ils meurent pour nous sauver la vie ». Et d’un, je ne vois pas le rapport. Le mec qui nettoie les vitres à La Défense risque aussi sa vie pour soulager votre myopie et pourtant vous ne lui donnez rien, juste un regard en râlant parce que maintenant vous êtes deux à savoir que vous êtes scotché sur Myspace dès 9h du mat. Je n’ai jamais, Chesapeake m’en est témoin, forcé personne à devenir pompier, a priori c’est un métier qu’ils ont choisi alors basta. Et de deux, la seule fois de ma vie où j’ai eu affaire aux pompiers parisiens - je les ai appelé au milieu de la nuit il y a quelques mois parce que mon octogénaire de voisine du dessus s’était cassé la margoulette et appelait au secours enfermée chez elle, et bien je peux vous dire qu’ils n’ont pas traité la femme bien enceinte que j’étais très aimablement et que la mamie, certes désagréable mais vieille, a été rembarrée avec une désinvolture qui n’était pas raccord avec le beau casque rutilant. Donc les pompiers, niet.

Quant au facteur, là je rigole parce que l’année dernière je ne lui ai pas envoyé dire. Non, je ne suis pas allergique aux fonctionnaires et je n’ai rien contre tout ce qui touche de près ou de loin au courrier postal. Je me sentirais même solidaire sur plusieurs fronts voyez, comme le fait d’être sous(pas)-payée et de passer pour une fainéante aux yeux de beaucoup alors que bon, s’occuper d’un bébé à plein temps fait de vous une loque humaine à la résistance nerveuse salement éprouvée et au dos brisé, voilà c’est dit.
Mais là, rien à voir avec des efforts mal récompensés. Il fallait vraiment être gonflé à l’hélium pour se pointer sur les paliers. Je m’explique : j’habitais un immeuble de 110 appartements, répartis entre 7 cages d’escaliers de 8 étages. Et en quoi consistait la tâche matinale du facteur, qui n’est pas payé aux pourboires, dois-je le rappeler ? A déposer ses énormes sacs de courrier à la loge de la gardienne, à charge pour elle de trier et de se taper tous les escaliers pour déposer les enveloppes sur les paillassons because l’assemblée des copropriétaires n’a jamais voulu entendre parler de boîtes aux lettres, mais là n’est pas le sujet. Alors le facteur (qui ne se fatiguait pas non plus à sonner pour les recommandés puisque la gardienne a mis en place un système de procuration pour réceptionner à la place de ses gentils résidents), il pouvait toujours se brosser pour voir l’ombre d’un billet. Mais la gardienne, alors là oui, et pas qu’un peu, la pauvre.

Mais attention, je suis peut-être une horrible radine de mauvaise foi, je n’en reste pas moins un cœur tendre. Alors à tous, un joyeux Noël, happy Hanukkah, radieux éternuement du Bouddha et que Ganesh soit avec vous. Et au fait, non, pas la peine de me remercier, je n’ai pas eu le spirit, alors les cadeaux on verra ça l’année prochaine.

dimanche, décembre 23

Bien le bonjour chez vous

Chaque jour qui passe, le facteur dépose son lot de vœux pré-imprimés. La saison de l’envoi en masse de cartes « Happy holidays » est ouverte, et je m’interroge sur l’utilité de la chose.

Et d’un, ça coûte la peau des fesses, qu’elles soient achetées toutes faites ou qu’elles aient été réalisées à partir de photos de famille par un professionnel, et de deux, qu’est-ce qu’on est censé faire une fois qu’on les a reçues ? Ne me dites pas «y répondre» parce que c’est ce que je redoute d’entendre. Non mais parce que bon, quand les gens partent en vacances et s’amusent à inonder toute leur famille et amis de cartes postales, les destinataires ne sont pas obligés de faire pareil, ils ne partent peut-être pas en vacances ou ont sans doute mieux à faire. Mais là, quelle excuse à mon silence postal? Si encore l’usage était réservé à la famille et amis proches, je m’en débrouillerai, un mail et c’est plié : «Oh eh les gars, ne m’en veuillez pas mais vous savez comme je suis… bon vœux chez vous aussi».

D’ailleurs c’est à peu près ce qui ce passe chaque année en France. Le problème, c’est que tout le monde par ici fait des cartes pour tout le monde, y compris le facteur, les maîtresses d’école et les parents des élèves, les voisins du bout de la rue qu’ils connaissent de loin, et les vagues collègues de bureau avec qui ils ont dû déjeuner une fois par hasard. C’est limite si ils ne gardent pas une liste de tous leurs anciens camarades d’école, médecins ou voisins à qui envoyer une carte et je crois que c’est très très mal de ne pas y aller de sa photo devant le sapin et de réciproquer tous ces bon vœux, limite ça doit même porter malheur à tout le quartier et c’est pour ça que les voisins commencent à nous regarder comme des harengs pas frais.

Avec toutes les personnes rencontrées par Justin lors de ses nombreux séjours ici, vous imaginez bien que le facteur y va de son petit paquet quotidien et que, si la première carte a été posée sur la cheminée pour faire joli, les suivantes ont vite été reléguées dans un tiroir, surtout celles arborant des photos d’enfants que je ne rencontrerai probablement jamais, vu que je ne connais déjà pas les parents.

Petit aparté pour dire à ceux qui me lisent, que je connais et qui m’ont envoyé leurs vœux que tout ce qui précède ne les concerne en rien et que leur carte trône et magnifie mon salon, c’est qu’il ne faudrait pas qu’ils arrêtent de me lire sur un bête malentendu.

Pour le reste du tas qui augmente chaque semaine depuis près d’un mois, je répète : que faire ?
Raser les murs et passer pour une Française sans manières, je ne vois que ça.

jeudi, décembre 20

Plein le dos

Je sais, vous mourriez d’inquiétude suite à l’absence de post ces derniers jours, et vous aviez de quoi. Plus d’une semaine le dos cassé, des maux de tête quotidiens et des difficultés à respirer, vous croyez que ça donne envie d’écrire des trucs marrants sur la vie vous ? Non, ça donne juste envie de flinguer le camion de pompier qui passe toute sirène hurlante à 23h alors qu’il n’y a pas une voiture à l’horizon et que tout le monde dormait. ça donne envie de flinguer aussi les ouvriers latinos qui refont le muret de la voisine et qui se sentent obligés d’attaquer à 7h du mat avec la radio à fond les manettes, week-end compris. De flinguer également, et sans sommation, les nanas qui ne peuvent pas s’empêcher de se pencher sur fiston peinard dans sa poussette en poussant de grands cris à l’américaine pour s’extasier sur cette merveille de la nature, merveille qui était en train de s’endormir et se met donc à manifester sa manière de penser sur un mode plutôt sonore.

Mais tout ça n’est rien en comparaison de tout ce que je rêve de faire subir à la personne qui travaille au service dessert de chez Trader Joe's, celle qui en réunion essorage de cerveau pour trouver des idées de pâtisseries un peu plus originales que l’apple pie s’est écriée : « Faisons un plateau de baklavas ! » Jusque là, rien à redire. Mais c’est la même qui, au moment de concocter la recette, s’est sentie obligée de dire «Oh mais John, tu oublies un truc essentiel, l’élément secret que toutes les mères turques chuchotent sur leur lit de mort à leurs filles bonnes à marier, tu ne voies pas John ? Mais enfin, les baklavas sans cannelle, ce ne sont pas des vrais baklavas ! » Je ne la connais pas personnellement mais je la déteste, comme je hais ses confrères qui mettent de la cannelle dans les céréales du matin, dans le thé, dans le café, dans toutes les pâtisseries des quatre coins du globe, et même dans les pains aux raisins, bande de sagouins hérétiques.

Tout ceci me permet de vous faire part d’une conclusion scientifiquement éprouvée par mes soins ces derniers jours : la douleur n’aide pas à se faire des amis.
Je suis donc allée comme une grande chez le chiropracteur, un peu flippée à l’idée d’en ressortir handicapée à vie mais il y a des moments dans l’existence où il faut savoir prendre des risques.

Arrivée dans la Rehabilitation clinic, me voilà accueillie par la personne qui va tenter de me rendre ma bonne humeur légendaire. Tout d’abord il faut remplir une feuille pour qu’elle cerne le problème, parce que « back pain » avec la main posée à l’endroit du sinistre, ça ne lui suffit pas. Elle me file des dessins de corps humain à colorier là où ça ne tourne plus rond, et des smileys censés indiquer l’intensité de la douleur, qu’il faut flécher vers les bons endroits. La douleur va donc de 0 (il faudra me dire l’intérêt de venir se faire tripatouiller à prix d’or si on ne souffre pas) à 10, douleur qualifiée d’ « insupportable ». J’ai failli créer le mien, le 11, avec une tête d’hallucinée et une Kalachnikov au poing mais comme je suis archi-nulle en dessin j’ai laissé tomber parce que ça n’aurait ressemblé à rien et vous imaginez le bide si j’avais dû me lancer dans une explication foireuse vu mon anglais.

Nous sommes ensuite passées dans la salle de soin, vaste espace occupé par une douzaine de tables rangées sur la gauche avec autant de grands rideaux pour les isoler. J’étais la seule mais la Doctoresse a quand même tiré le rideau, des fois que ma pudeur soit gênée par le regard insistant du mur d’en face. Il faut dire qu’en France chez mon ostéopathe je suis limite à poil (bon, elle est presque aveugle, mais quand même), alors les simagrées de ce genre quand on souffre on s’en bat légèrement le coquillard. Mais ne voulant pas être soupçonnée de harcèlement d’aucune sorte, elle m’a aussi donné une grande blouse à enfiler, une fois mon pull et tee-shirt enlevés, pour j’imagine protéger mon ventre de tout contact trop intime avec la table d’examen.

Le verdict est vite tombé : deux vertèbres déplacées et une attache de côte vrillée (ma traduction), rien que ça. Au moins elle m’a confirmé ce que je commençais à subodorer, que la douleur ne serait pas partie toute seule. La pensée magique a ses limites et c’est bien dommage ma bonne dame.

Ensuite et vas-y que j’appuie là où ça fait bien mal, pour vérifier que définitivement oui, ça fait mal. Et vas-y que je malaxe en prévenant à l’avance de tous mes mouvements : « Là je vais appuyer avec le plat de ma main et ça va être très douloureux pendant une à deux secondes mais ensuite vous sentirez un soulagement, ok, je peux y aller ? Bon inspirez à fond et ensuite, quand vous expirerez, je vais y aller, ok, on y va ? » Mais vas-y donc, arrête de parler et vas-y bon sang ! Ultrasons, électricité, patch de froid, massage, craquements à gauche, puis à droite, étirements de la colonne, le tout sur fond de musique planante à tendance new age et 1h15 après, passage à la caisse.

Rien à dire, c’est une pro. Bon, je ne vais pas vous la faire, je souffre encore mais c’est normal, ça devrait aller mieux d’ici vendredi. Sinon ? Ben rebelote pour les massages, les ultrasons et tout le toutim, mais cette fois ci au tarif ami de la famille.
Donc j’espère pouvoir rengainer mon flingue d’ici quelques jours et être d’humeur plus joyeuse, c’est Noël quand même. Esprit de la fête donne moi la force. Allez, je m’entraîne : oh ! qu’il est beau ce faux renne lumineux que le voisin a mis dans son jardin, et, waou, y’a même deux pingouins qui clignotent, j’adore.

vendredi, décembre 14

Courage, fuyons !

Pour les curieux qui s'inquiètent, Chesapeake fait encore la tête au sapin, il lui en veut beaucoup d’avoir essayer de l’exterminer en lui tombant dessus. Bien sûr, ce serait trop de lui demander de faire le rapport entre son escalade dudit conifère et la chute de ce dernier, il faut bien admettre que ce chat est un âne.
Du coup, il ne s’aventure toujours pas dans le salon, et comme on est pleins d’humour, quand on a envie de rigoler, on le transporte à proximité du sapin pour essayer de lui faire battre son record d’accélération départ arrêté.

Son retour au pays de ses ancêtres, car ce félin est américain de naissance, va de déboires en catastrophes.

Pour commencer, on était à peine installés dans la maison qu’il s’est pris pour un grand chasseur d’écureuils, ce qui lui a valu de longues heures perché dans un arbre à miauler au lieu de chercher un moyen de redescendre. Oui, parce que les rares fois où il s’est retrouvé dans cette situation, disons à trois mètres du sol, il a fini par descendre en se prenant pour un singe : patte de derrière vers le bas et les pattes avant enserrant le tronc avec l’énergie du désespoir, manière de redescendre tout à fait grotesque et moyennement efficace il faut le reconnaître. Humilié, parce que ce chat a sa fierté voyez-vous, il a décidé de laisser tomber les rongeurs et s’est mis en tête de faire ami-ami avec les autres chats de la rue.

N’ayant pas la moindre idée de la conduite à tenir en pareille circonstance, il s’est présenté de lui-même sur le terrain du gros mâle d’en face qui n’a pas très bien pris la chose. Non parce qu’il y a une étiquette, on ne fait pas ce qu’on veut dans la vie et le gros roux et blanc s’est chargé de lui faire entrer ça dans sa petite tête de chat d’appartement parisien. Gros miaulements, bagarre, feulements et traversée de la rue au triple galop par un Chesapeake qui n’a rien compris. Peut-être était-ce un mauvais jour pour son voisin ? Très courtois et soucieux de ne pas paraître indifférent aux malheurs d'autrui, notre abruti de service y est retourné. Rebelote, avec en prime un peu de sang sur le museau. Mais l’affaire ne s’est pas arrêtée là car le voisin s’est dit que s’il n’agissait pas tout de suite, ce crétin à rayures qui ne parle même pas sa langue allait le harceler tout l’hiver. Alors le matou s’est déplacé en personne, dans notre jardin, pendant que Chesapeake chassait les feuilles mortes soulevées par le vent. Gros miaulements, bagarre etc. Si je n’étais pas allé ouvrir la porte, je pense qu’il en aurait fait son dîner.

Depuis ce jour ce voisin fait preuve d’une grande courtoisie en visitant régulièrement notre jardin, histoire de rappeler qui était là d’abord. Mais maintenant je n’ai plus à le chasser en faisant de gros bruits parce que Chesapeake, à qui il doit rester un semblant de jugeotte, court se planquer dès qu’il le voit traverser la rue.

mercredi, décembre 12

Le choix de l'embarras


Bon, vous êtes au courant, c’est bientôt Noël. Et qui dit Noël, ou fêtes de fin d’année pour être politiquement correct, dit échanges de cadeaux au pied du sapin, ou de la cheminée, ou devant le radiateur à bain d’huile faute de mieux. Soit le 24 au soir - l’estomac dilaté et un peu saoul, soit le 25 au matin - bien trop tôt pour avoir eu le temps de prendre un café et les nerfs déjà un peu sciés s'il y a des enfants surexcités à proximité, c’est l’ouverture des paquets.

« Oh, un pull trop petit et qui ne s’échange pas vu que ta mère avait coupé l’étiquette avant de te l’offrir à toi l’année dernière, c’est une super bonne idée. Ah, un parfum qui sent pas bon, un chapeau trop petit, une compilation des plus beaux slows de l’année 83 – me reste plus qu’à faire une boum, L’Alchimiste youpi, pour quoi faire des torchons ?, un podomètre, un set de correspondance, un autre de calligraphie, des crèmes anti-rides – que le coupable s’auto flagelle sur le champ, un truc qui fait mousser le lait, et un qui fait mousser le bain, un manteau ridicule pour le chat, un abonnement à la piscine pour la cousine ado complexée qui n’ira jamais, des bougies au chocolat spécialisées dans le mal de tête, un bon d’achat à utiliser dans une boutique à soixante bornes, un affreux collier qu’il aurait été fait main ça serait pas pire ».

Noël c’est l’enfer. Tous les ans je me dis que ce serait bien d’acheter tout au long de l’année, au fur et à mesure des trouvailles, sans bain de foule obligatoire. Mais non, je fais comme tout le monde, je piétine, désespérée et prête à mordre, pour finir par acheter à peu près n’importe quoi dans l’urgence.

Mais je n’étais encore jamais allé aux Etats-Unis. Je ne savais pas.
Depuis je revis, je fais des bonds dans mon salon, je me marre. Car maintenant je le connais, j’en ai même un exemplaire. Je veux parler de l’inimitable SkyMall, que même les catalogues de l’Outilleur et de l’Homme moderne c’est de la gnognote à côté. Le concept c’est que quand on prend l’avion avec United Airlines, on trouve ce catalogue à chaque siège pour qu’on puisse continuer à consommer, des fois qu’il nous prendrait l’idée saugrenue de nous reposer. Et ils sont gentils chez United parce qu’ils offrent le catalogue, on a le droit de l’emporter chez nous et de commander depuis notre ordinateur. Le «centre commercial en plein ciel», à côté les six pages de Duty Free d’Air France c’est la superette de Montbron sous Forêt
.

Le problème c’est l’embarras du choix. Comment se décider entre autant de trouvailles toutes plus utiles les unes que les autres ?
Il va falloir m’aider.

Tout d’abord, il y a le réveil à roulettes, qui se carapate quand vous éteignez la sonnerie. Imaginez, il est 7h, vous venez d’écraser votre réveil d’un poing rageur et le voilà qui se précipite par terre grâce à ses deux énormes roues et son système anti-choc, tout en recommençant à sonner. Mais il est sympa, il flashe dans le noir pour vous aider à le pister (49,95$).

Il y a un truc TRES énervant pour ses collègues de bureau : le tapis de souris qui fait batterie. Dès que vous gigotez vos doigts ou le mulot, vous faites un solo, avec 8 sons de percussions différentes, yeah (39,95$).

Pour votre animal de compagnie fatigué, l’escabeau moquetté pour accéder à votre lit, qui se transforme en rampe si votre gentil toutou souffre d’arthrite, c'est-y pas mignon tout plein ? Quand même 199,95$ pour de l’agglo et de la moquette que même pas vous en voudriez dans vos placards.

Accrochez-vous, je n’en suis qu’à la page 26.

Pour les flippées de l’araignée, l’aspirateur à insectes avec un manche d’une cinquantaine de centimètres pour ne pas approcher sa petite mimine de trop près des fois que la bestiole soit championne olympique de saut en longueur (49,95$).

Nostalgiques des Dents de la mer ? Le requin télécommandé pour piscine ou bord de mer est fait pour vous mais attention, si mamie est cardiaque oubliez car la bestiole est sacrément ressemblante (99,95$).

Dans la série « Il faut le voir chez soi », je recommande chaleureusement le robot d’Elvis – le buste en taille réelle, qui bouge et chante huit titres du King… 299$, télécommande incluse. Mais à ce prix là c’est l’Elvis de 1968 qu’on vous promet, dans je cite « toute sa gloire qui fend le cœur », juste avant sa période grosses rouflaquettes et combi à paillettes. Ouf, on a eu peur.

Avez-vous déjà eu besoin d’un escabeau qui fasse porte-sopalin ? Non ? On en reparlera quand vous serez bloqué tout là-haut, les mains pleines de poussière et que vous direz « mais que vais-je devenir, mes mains ne sont plus présentables, je n’oserais jamais redescendre dans un tel état, quelle honte » (199$ pour le modèle le plus haut).

Un truc pour mettre dans sa voiture, qui donne l’heure, l’altitude, la météo et fait boussole. Un truc que le temps que tu lises t’es tout mort dans le ravin (89,95$).

Et puis pour les adeptes du « laisse moi boire ma bière peinard », l’appareil qui dit quand les grillades sont prêtes. On met un bout de métal dans la viande, connecté à une base sans fil (qui se clipse élégamment à la ceinture) et ça donne la température ainsi que l’avancée de la cuisson. Auparavant on lui a indiqué le type de viande et la cuisson recherchée, la machine se charge donc de prévenir quand c’est prêt. Et comme on n’arrête pas le progrès, elle dit d’abord «presque prêt», pour vous laisser le temps de terminer l’apéro (75$).

lundi, décembre 10

Chesapeake fait sa fête au sapin

Tous les ans, le week-end de mon anniv, on fait le sapin. C’est comme ça. Comme il était hors de question de le payer 50 dollars, en soldes paraît-il, j’ai étrenné mon permis tout neuf pour nous transporter jusqu’à Home Depot. Je suis une conductrice stressée, ça je pense que tout le monde l’aura compris, alors quand je dis que j’ai conduit jusqu’au Home Depot, un samedi après-midi, sur une 4 voies et au péril de nos vies, avec changement de file en prime, j’attends des félicitations, merci d’avance.

Sur place, une demi-heure à faire le tour des sapins, à hésiter : «Celui-là il à l’air bien… Non, il n’a pas de tête. Et celui-là, il a la bonne taille… non, il est tout rachitique. Ah ben celui-là il est génial, c’est lui… D’accord mais alors, il faut soit déménager, soit faire un trou dans le plafond», on a fini par trouver le gagnant, le sapin 2007. Pour se sentir chez lui, il a mis un peu de sa résine dans la voiture toute neuve mais on a fermé les yeux parce que enguirlander son sapin de reproches c’est pas trop l’esprit de Noël.

Arrivé dans notre salon, on l’a installé, arrosé au pied puisque, il faut le savoir, les sapins américains ne sont pas comme les autres et il faut leur mettre les pieds dans cinq litres de flotte sinon il paraîtrait qu’ils perdent toutes leurs épines alors que c’est même pas des épicéas. Hydraté, notre sapin a été décoré. Il sent bon, il resplendit et Chesapeake, le chat, décide de l’apprivoiser en allant boire un peu à son pied. Oui, parce que notre chat aime boire là où ce n’est pas prévu pour. Chesapeake soutient que c’est tendance de picoler dans des endroits improbables comme les vases de fleurs, les gouttes de condensation sur les vitres ou, geste ultime de désespoir, directement dans la baignoire quitte à se tremper les coussinets. Il a affiché un tel dédain pour les boules en passant à côté qu’on l’a laissé faire, inconscients que nous sommes. En même temps, pour empêcher ce chat d’aller là où il a décidé d’aller, il faudrait attacher un berger allemand au pied du sapin le temps des fêtes de fin d’année et on n'a pas trouvé d’agences de location.

La soirée s’est écoulée, feu de cheminée et odeur pin des Landes, ah ce qu’on est bien, oh ce que c’est beau.
On se couche. On s’endort. Un bruit de chute assourdissant nous réveille en sursaut une demi-heure après. Je pense à une étagère qui serait tombée avec de la vaisselle dessus, je vois des miettes de porcelaine partout, un vrai carnage mais pensez-vous, ce n’est que le beau sapin vautré sur le sol du salon. Le temps de se demander ce qui a bien pu se passer, on réalise qu’il y a cinq litres de flotte en vadrouille sur le parquet. Et nous voilà, à près de minuit, à ramper au milieu des épines pour éponger les dégâts. Merci les mignonnes décorations en papiers rouge qui déteignent et transforment le sol en mare sanguinolente. Justin fonce au sous-sol, et y retrouve la moitié de la flotte, échappée entre les lattes du plancher.
Il y a aussi retrouvé le coupable, traumatisé, planqué dans le clic-clac.
Chesapeake est un crétin.

Moralité, quand on a un chat débilos, il faut impérativement attacher son sapin de Noël avec des câbles, ce que nous avons fait le lendemain à la première heure. En même temps, vu l’ampleur du traumatisme chez la bête, il va lui falloir quelques jours avant d’oser poser une patte dans le salon, on a un peu de répit avant la prochaine catastrophe. Réjouissons-nous, fiston ne marche pas encore.

vendredi, décembre 7

Permis de conduire, La chute

J’avais planifié une ultime répétition de créneau la veille du retour de la vengeance de la Française qui en a marre et qui va tout péter au MVA si on ne lui donne pas son permis, et que ça saute.

J’allais donc sortir mais la motivation n’était pas ponctuelle à notre rendez-vous alors j’ai décidé de traîner un peu sur l’ordi avant de caser fiston dans son siège auto, et bien m’en a pris. Qu’y lis-je ? Les mots que j’avais espéré en vain depuis le début de cette bouffonesque affaire de permis, l’annonce que le Maryland a bel et bien un accord avec la France et que par conséquent, il ne saurait être question de toute une série de tests mais d’une simple conversion de permis, rien de plus. Et comment l’appris-je, vous entends-je vous ébaubir ? (J’adore cette phrase, je crois que je vais la recaser). Mon bienfaiteur est un lecteur de ce blog qui m’a pris en pitié et qui, j’imagine, ne voulait pas se taper 53476 épisodes du permis de conduire. Un gentil Français tout fraîchement expatrié avec femme et enfants dans le Maryland et qui venait donc de suivre le même parcours que moi. A l’exception, et c’est là l’info qu’il ne fallait pas manquer, qu’ils sont allés au MVA de Gaithersburg, et qu’il me déconseillait vivement celui de White Oak. Ah ben ça c’est sûr, si il y a UN endroit où il ne vaut mieux pas pointer son nez, c’est là que je vais. Je dois avoir un radar à plans foireux.

Dire que je me sentais soulagée serait comme dire que les Français ont été satisfaits de gagner la coupe du monde de foot en 1998. Je frôlais l’hystérie la plus totale, en proie à un délire me faisant pousser des « hou hou hou… yip yip…rooooo j’y crois pas ». Adieu révision de créneau, ce que je regretterai peut-être amèrement un de ces jours prochains, et bonjour permis de conduire finger in the nose, « hou hou hou ».

C’est ce que je croyais, naïve que je reste. Les choses les plus simples pour les autres sont toujours un peu plus tarabiscotées pour moi, il serait temps que je le comprenne.
Mardi matin, nous avons donc pris la direction du MVA de Gaithersburg, remplis d’espoir et, au fond de nous, d’un peu de doute aussi, c’est qu’on devient parano à force. On a fièrement donné tous nos papiers à la gentille préposée avant que son ennui manifeste ne la fasse décéder sous nos yeux, et on a attendu le verdict. ça n’a pas traîné : « Mais il manque un tampon pour certifier la traduction de votre attestation de mariage et comme vous n’avez qu’une pièce attestant de votre domicile, ça ne va pas être possible. » A White Oak personne ne nous avait dit ça, tous nos papiers suffisaient à prouver que j’habitais bien avec Justin. Soupir, respiration ventrale, tentative de négociation sur le thème « Oui mais regardez, la traduction du permis de conduire est certifiée, elle, ils ont dû oublier de tamponner celle du certificat de mariage ». Que nenni. « Si vous n’avez pas une seconde preuve de domicile, vous devez faire certifier cette traduction ». Arrrggg, ne surtout pas tenter de l’étrangler, ça ferait mauvais genre de si bon matin. Justin est resté très calme et a demandé à voir un manager. Et c’est reparti, direction bureau 36.

La manager arrive, très sympa, ça change. On explique tout le schmilblick avec de grands sourires genre « regardez comme on est gentils et suintant de bonne foi », mais rien à faire. Je sors ma botte secrète : « regardez, sur mon passeport, il y a mon nom d’épouse, c’est une preuve de mariage ça, non ? » Ben non.
Et en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, on était de retour à la voiture, même pas énervés, juste blasés et découragés. C’est qu’ils devraient se mettre d’accord au MVA : un coup il n’y a aucun problème avec les papiers mais il faut repasser le permis, et quelques kilomètres plus loin c’est une simple conversion de permis mais les papiers ne conviennent pas, il y a de quoi virer dingo.

Mais Justin ne s’est pas laissé démonter. Il s’est saisi de la liste des traducteurs agréés par le MVA, et il a réussi à nous en dégoter un pas loin et qui n’avait rien à d’autre à faire là, maintenant, tout de suite, qu’apposer son tampon sur notre feuille. L’espoir renaissait.
Un quart plus tard nous étions dans l’appartement de ce monsieur très gentil au français impeccable. Vérification de notre traduction, coup de tampon facturé une misère pour le service qu’il nous rendait et, délestés de nos cinq dollars nous sommes repartis vers le MVA.
Et c’est là que le sommet de l’absurdité a été atteint : on passe à un autre bureau, et le préposé qui nous reçoit balaye de la main notre traduction enfin certifiée en disant que puisque les deux noms sont sur le passeport, c’est bien suffisant.

On respire, on garde le sourire et on se dit qu’il doit y avoir une caméra cachée quelque part.

Mais toutes les bonnes choses ont une fin et il a suffit d'un petit quart d’heure pour faire de moi l’heureuse détentrice d’un permis de conduire du Maryland, valable jusqu’en 2012. Voilà qui me laisse le temps de voir venir.
Mais je ne peux pas clôturer ce sujet sans remercier encore, et cette fois publiquement, devant des milliers de lecteurs assidus, Xavier, l’homme grâce à qui vous n’entendrez pas parler de mon 12ème échec à l’examen de conduite, gloire à lui et bonheur et prospérité sur sa famille pour les cinquante prochaines générations, ça vaut bien ça.

Vive ce blog sans qui je n’en serais pas là, vive Xavier pour le choix de ses lectures, vive moi ( j’ai le droit c’est mon anniv aujourd’hui) et vive la France.

mercredi, décembre 5

Permis de conduire, épisode 4 - dans l'enfer de la drogue

Alors que je mette les choses au clair dès le début : l’alcool c’est de la drogue et la drogue… c’est mal, c’est le diable que vous invitez dans votre gosier de junkie.
Tout de suite ça met dans l’ambiance. Et bien samedi dernier, c’est ce qu’un gentil instructeur d’auto-école m’a rabâché indéfiniment. Oui, parce qu’ils disent « 3 hours drugs and alcohol program » mais en fait ça dépend de là où vous tombez parce que chez MD Discount Driving School c’est pas des flèches et le temps de faire les photocopies et tout, ben ça a duré pas loin de 4 heures en fait. En même temps, quand on va dans une « auto-école discount » il ne faut pas non plus s’attendre à des records d’efficacité.

Tout a commencé à 8h30. J’ai fait la queue pour m’inscrire – et payer – avant d’aller m’installer dans une salle avec des sièges qui ont des accoudoirs rabattables pour écrire, enfin ils étaient à peu près tous cassés mais de toute façon, pour ce qu’il y avait d’intéressant à noter, ça n’a pas manqué. En attendant que le gentil instructeur arrive, on nous a laissé avec la télé branché sur Discovery Channel et une émission spéciale sur les détournements de voitures et les poursuites de police à Los Angeles, j’imagine que ça devait avoir un but éducatif mais vu les rires et les commentaires de la salle je ne suis pas sûre qu’il ait été atteint. J’ai eu un moment d’inquiétude en me rendant compte que j’étais la seule non-hispanique de l’assistance. Il n’aurait plus manqué que je me tape le programme en espagnol. Mais l’arrivée de trois Coréens en rang serré, engoncés dans des parkas à fourrure, m’a vite rassurée.

Vers 9H15 les bavardages ont diminué et la salle est gentiment entrée dans une léthargie qui ne devait plus la quitter.
Et c’est alors que les choses sérieuses ont démarré. L’instructeur, enfin le professeur comme il s’est présenté, est entré en faisant des blagues genre « Je ne me suis pas réveillé… alors c’est bien ici la fête ? » et je vous fais grâce du reste. Les cinq minutes suivantes ont été occupées à nous faire répéter que conduire n’est pas un droit, c’est un privilège. Ça j’avais remarqué, merci. « Conduire est un ? »... Et la quarantaine de personnes de répondre mollement « Privilège », et lui reprenant à la manière des télévangélistes, gueulant comme s’il faisait face à un amphi de 500 personnes « Un quoi ? »… « Privilège » devenant de plus en plus inaudible à mesure que la salle se rendormait. Il faut préciser que les 9/10ème de l’assistance parlait très très mal anglais, voire carrément pas du tout alors il se fatiguait un peu pour rien. Ensuite, pour nous redonner goût à l’existence, car il avait bien senti que son show avait éveillé quelques pulsions suicidaires dans le groupe, il nous a répété plusieurs fois « Aujourd’hui est le premier jour du reste de votre vie, vous devez en profiter », et d’insister encore et encore « Le premier, vous comprenez ? », oui merci, on est peut-être pas anglophones mais on n’est pas débiles non plus. De toute façon, on aurait opiné du bonnet à n’importe laquelle de ses remarques positivistes à deux balles, juste pour qu’il se la ferme un peu et laisse la gentille fille bilingue du premier rang, recrutée de force à l’instant, faire la traduction en espagnol.

Les choses se sont corsées quand il nous a annoncé que la session allait se terminer par un test sous forme de questionnaire à choix multiples. Comment ? Parce qu’en plus il fallait prouver qu’on avait écouté ? Ah mais voilà qui changeait la donne, parce que sans alcool la fête a beau être plus folle, il était hors de question que je perde à nouveau une matinée de week-end à me taper le live de Mister Cocktail, sans façon merci.
J’ai donc décidé de me concentrer un minimum. En fait, minimum c’est bien le mot puisque le prof s’est lancé dans une liste de points clés, qui en fait correspondaient aux questions de la première partie, puis a enchaîné avec des mots clés correspondant à la seconde partie du test. Les informations délivrées sentaient le réchauffé : conduire est un privilège – et oui, encore, des fois qu’on soit tous atteints d’un Alzheimer précoce, l’alcool est une drogue, boire ou prendre des médicaments (y compris sans ordonnance comme du paracétamol ou un sirop contre la toux) alors que l’on s’apprête à prendre le volant est illégal. Ensuite on a atteint un point qu’il devait estimer plus compliqué à comprendre que les autres : conduire la nuit est plus dangereux qu’en plein jour. Tout le monde ne fait peut-être pas la différence entre le jour et la nuit, alors, pour appuyer sa démonstration, il a éteint plusieurs fois la lumière en mettant une main devant ses yeux et en faisant semblant de se prendre le bureau dans les guiboles : « night…danger…understand ? », toujours traduit en espagnol, au cas où. Bon après un tel investissement physique il était crevé alors il a fait lire la suite du manuel par des gens de la salle, en alternant les lecteurs anglophones et les hispanophones, interminable et inutile puisqu’on avait tous le manuel en question sous les yeux. Il a refait surface pour nous démontrer, petite voiture à l’appui – oui oui, des jouets genre Majorettes – que quand on a bu, la voiture ne roule plus droit et risque de se manger un rouleau de scotch, ça faisait trop peur.

Le test est enfin arrivé. Comme la première question était un peu compliquée (identifier une drogue, le PCP, à partir de son nom complet dont les trois parties commençaient par P-C-P), il a préféré nous donner la réponse. Les manuels sont passés sur les genoux et les premiers à terminer ont fait circuler les réponses. De toute façon, pour être sûr qu’on arriverait à gruger dans de bonnes conditions, le prof a quitté la salle pendant cinq minutes.

Et il a ensuite fallu attendre les résultats, en matant un film sur des gens qui boivent avant de conduire, ou même pendant, et qui meurent à la fin comme il se doit, en tuant d’innocentes adolescentes en prime, si c’est pas malheureux.

Ma voisine de devant, la traductrice, stressait comme c’est pas permis et j’ai cru bon la rassurer en lui assurant qu’une seule bonne réponse suffirait à l’obtention du fameux certificat. Elle a jugé que je prenais tout ça beaucoup trop à la légère. Comme elle suivait le programme pour la seconde fois, j’ai évité de lui dire que selon moi fallait vraiment être décérébré pour rater ce pseudo-test, ne suis-je pas délicate ?

Allez, foin de tout ce suspens, évidement je l’ai eu, en fait on l’a tous eu je crois bien. Tonnerre d’applaudissements, merci.

Ne reste plus qu’à retourner au MVA maintenant, et là je ferai moins ma maligne.

A suivre

lundi, décembre 3

Permis de conduire, épisode 3 - aux frontières du réel

Jeudi dernier, à l’heure où les livreurs du Washington Post s’adonnent à leurs acrobaties de lanceurs de javelot amateurs, nous sommes partis vers le MVA de White Oak.

Inutile de faire trois paragraphes sur le comment je me sentais : mal dormi, le ventre en boule et les mains un peu moites, il ne manquait plus qu’une bonne poussée d’acné pour me renvoyer au lycée un jour de contrôle de math.

Le MVA est un bâtiment administratif, donc fonctionnel, ce qui est un euphémisme à l’américaine pour éviter de dire que c’est une grosse bouse architecturale et que la personne qui a décidé de l’agencement de l’espace et de la déco intérieurs devrait passer huit heures par jour dans ce hall de gare aux néons aveuglants et au lino motif déjections variées, juste pour lui faire admettre que ses partis pris esthétiques sont nuisibles à la santé mentale.
Tout est en open space, de la file d’attente de l’accueil jusqu’au bureau le plus éloigné, et l’avantage c’est qu’on peut sentir l’odeur de gâteaux apéro à la crevette du type un peu gros, tout là-bas. Je rappelle qu’il n’était pas encore 9 heures du matin.

Notre numéro est appelé rapidement et nous nous dirigeons vers le bureau 3, tellement microscopique qu’on dirait un jouet, comme les fausses cuisines ou les faux étals de primeurs pour les enfants. C’est mon jour de chance, j’ai affaire au gourmet à la crevette. Il n’a l’air ni réveillé, ni terrassé par l’envie de se montrer aimable alors on se fait discrets. Les courriers de l’assurance santé et de celle de la voiture ne peuvent pas servir de preuves de domicile… on reste calmes et on tend une lettre de la banque. C’est bien mais il faut deux preuves distinctes. Justin, qui lui a un permis tout neuf de l’Etat du Maryland, atteste que j’habite bien avec lui et comme on a le livret de famille, le certificat de mariage et sa traduction c’est accepté, ouf merci.
Ca y est, le processus était sur le point de s’enclencher et il n’était plus temps de se demander comment s’actionne l’essuie-glace arrière. Résignée, j’essayais juste de réunir le peu de calme encore présent à l’appel.
C’est si près du but que le gros type à la crevette a eu l’idée saugrenue de demander le certificat prouvant que j’avais suivi le « 3 hours drugs and alcohol program », consistant à passer 3 heures dans une auto-école à s’entendre dire que l’alcool c’est mal et que conduire sous paracétamol fait de toi un junkie. J’avais l’intention de le faire, pas trop le choix en même temps, mais après les épreuves, une fois que j’aurais réussi. Et ben, le type, il ne voyait pas les choses sous cet angle et il soutenait qu’il faut le faire AVANT les épreuves. Justin, qui est à la limite de connaître le site web du MVA par cœur était sûr de lui : il n’est dit nulle part que ce programme est à suivre AVANT. Ce qu’il s’est empressé de dire au type, appuyant son argumentation sur le fait que le permis étant envoyé longtemps après le jour de l’épreuve, cela laisse le temps de suivre le programme et d’envoyer l’attestation au MVA. C’est qu’il n’avait pas très envie d’avoir pris sa matinée pour rien vous voyez, ni de revivre l’enfer d’avoir à me supporter en plein stress alors ça rend persuasif ces choses là. Le type ne savait que répéter qu’il fallait le suivre AVANT et que c’était dit sur le site, alors de guerre lasse il nous a envoyé au bureau 9, le bureau de la manager.

Alors au bureau 9, j’ai cru que c’était encore Halloween. Quand la manager s’est avancée vers nous, j’ai eu un flash et j’ai pensé à la sorcière de Blanche-Neige, vingt ans et une verrue en moins. Elle a écouté Justin pour le principe mais n’a rien voulu savoir. Le programme est à suivre AVANT, des fois qu’à l’examen du code je ne sache pas répondre à la question « boire de l’alcool avant de prendre le volant, c’est…a/une bonne idée pour rester éveillé ou b/mal, l’alcool est une drogue ».
Quand Justin lui a demandé de lui montrer où se trouve l’info sur le site internet, elle a commencé à s’énerver en disant que nous étions les seuls à nous être trompés et que ce n’était jamais arrivé – sa manière de le dire sous-entendait clairement qu’il fallait être des abrutis hors catégorie pour ne pas comprendre quelque chose d’aussi évident. Quand Justin a insisté, pour le principe, elle a balayé ses questions en disant que tout ça n’était que de la sémantique (c’est parce qu’elle est capable de répondre ça qu’elle est manager en fait) et que donc, merci d’être passés mais il faut partir maintenant. Elle était incroyablement agressive et j’en ai fait la remarque à Justin. Croyez-le ou non, cette gorgone a entendu et a répondu, « I can understand that, you know ». Je lui ai donc dit dans la langue de chez moi qu’il fallait qu’elle se calme mais ça n’a pas eu l’air de l’émouvoir et elle a continué a faire son geste en direction de la porte tout en en disant « au wevoiw ».

Donc ce qui n’est qu’une simple formalité pour beaucoup se transforme chez moi en saga avec rebondissements à couper le souffle. Surtout ne ratez pas, dans le prochain épisode, ma descente dans l’enfer de la drogue.

A suivre

samedi, décembre 1

Permis de conduire, épisode 2

Je ne voulais pas passer Noël sur cette histoire de permis mais il était inimaginable que je me présente au MVA sans une sérieuse remise à niveau, en tous cas pas si je souhaitais avoir une chance de repartir avec le précieux document.

Commençons par le commencement : la voiture. Elle a beau être japonaise, elle n’en est pas moins automatique, comme la majorité des voitures en circulation ici. Cela ne veut absolument pas dire qu’elle fait les créneaux comme une grande, ni qu’elle grillerait le pain ou se prendrait pour une cafetière les matins de grands frimas. Non, Madame passe ses vitesses toute seule. Super. Jamais conduit une automatique moi. D’ailleurs, la première fois que j’en ai vu une, j’ai cru qu’ils avaient remplacé les chiffres par des lettres, c’est dire.
Alors je ne pense pas que vous vous rendiez bien compte de la situation mais c’est toute une éducation à refaire. Il faut que mon pied gauche, qui a toujours eu un côté tête brûlée je dois le reconnaître, comprenne qu’il n’a rien à faire, qu’il est tout à fait inutile de se précipiter sur une pédale qui n’existe même pas. A force de m’entraîner tous les samedis sur le parking de l’Elementary School d’à côté je pensais que ça finirait par rentrer mais non, rien à faire. Tant que j’y suis, j’ai aussi un petit compte à régler avec ma main droite. Si elle voulait bien cesser de chercher à ramener le boîtier de vitesses au point mort car, rappelons-le, il n’existe pas non plus, cela m’éviterait de ressembler à une toquée incapable de se maîtriser, merci.

Mais tout cela n’est rien car j’ai la folie de croire que l’examinateur, dans son immense sagesse, saura pardonner à mon pied sa gigue entêtée. Non, le pire c’est l’exercice imposé du créneau. Si je le rate ce maudis créneau ce ne sera pourtant pas faute de l’avoir révisé sur le parking de ladite Elementary School où je m’attends d’ailleurs chaque week-end à trouver des spectateurs munis de pop-corn, attirés par mon animation gratuite mais néanmoins stupéfiante – il faut aimer les films français, ceux où la caméra bouge peu et où il ne se dit pas grand chose parce que ma maxime quand je me gare c’est « petite vitesse et grande lenteur ». Je révise donc. Justin me place des cartons en guise de plots et c’est parti pour la franche rigolade ponctuée de « aïe, j’ai pas tourné dans le bon sens… c’est pas grave je ressors et je recommence (genre sûre de soi et pas paniquée)… heu, mon cœur ? Faut que je tourne vers où pour ressortir ? » Ou alors ça part bien, super bien même, ça ressemble à un créneau plié en deux, trois manoeuvres max et puis tout à coup « Quoi contre-braque ? Mais c’est ce que je fais ! Quoi plus vite ? Mais je peux pas… ah ben je viens de toucher le carton… oui, je sais que j’ai pas le droit le jour de l’examen ! Non, je ne crie pas ! ».

Et on ne rit pas car ce n’est pas toujours de ma faute. Oui, outre mon astigmatie qui me complique un peu la tâche, cette voiture a un capot coupé en biseau. Vous ne visualisez peut-être pas bien mais moi, derrière mon volant, je me gare toujours le nez qui pointe trop vers l’extérieur alors qu’il faut que je sois parallèle au trottoir sinon adieu permis. Et je ne veux pas entendre que puisque je le sais, je n’ai qu’à corriger de moi-même… je fais ce que je peux mais cette voiture est fourbe et des fois son capot est plus droit que d’habitude. (Je viens de relire la dernière phrase et il me semble utile de préciser que ces exercices d’entraînement ont toujours lieu avant l’apéro).

Je vous épargne la révision du code, assortie de découvertes fascinantes comme l’interdiction d’entrer dans une rue si un camion de pompier s’y trouve… oui c’était votre chemin et maintenant vous êtes perdus à cause des deux sens interdits qui vous ont fait tournicoter. Et bien tant pis pour vous, z’aviez qu’à avoir un GPS.

Allez, après des heures de révisions et d’entraînement, il était temps d’y aller. Après consultation des astres et de quelques entrailles de dindes épargnées par Thanksgiving, le jour le plus propice a été décidé. Jeudi dernier ce serait.

A suivre