Je fomentais depuis quelque temps l'envie de déblatérer des choses ironiques et blessantes sur ma cuisinière électrique, au nom de l'égalité. Il n'y a aucune raison que la machine à laver, le lave-vaisselle ET l'aspirateur s'en soient pris plein le moteur sans qu'elle fasse partie du lot.
Si je l'ai épargnée pendant un an, c'est grâce à son timer intégré.
Un timer super simple à régler et qui bip bip distinctement quand la cuisson est terminée. C'est merveilleux, c'est le progrès. Vous haussez vos sourcils broussailleux, vous demandant de quel progrès il peut bien s'agir.
Je parle de simplicité, d'un bouton que quand on appuie dessus il fait défiler les minutes, bête comme un réveil digital.
Si je roucoule de satisfaction devant cet accessoire, c'est que mon four précédent n'avait qu'une horloge, munie de trois aiguilles et d'un cadran stendhalien qui tournait par tranches colorées en rouge ou noir, mais qui ne chantait pas Jeanne Mas pour le même prix.
J'étais infichue de m'en servir, ce qui ne m'a jamais empêchée d'essayer parce que je ne suis pas plus nulle qu'une autre, didiou ! Le machin revanchard faisait alors retentir son driiiinngg strident aux moments les plus discutables, genre deux heures du matin, quand on dort trop profondément pour réaliser qu'on n'est pas en cours de sciences-nat et que ce n'est pas une alerte incendie et qu'on ne doit donc pas se précipiter dans l'escalier telle quelle et au plus vite. Il y a des silences embarrassés dans l'ascenseur après, quand on croise un voisin.
C'est ainsi que mon timer américain m'a incitée au silence concernant le gros défaut de ma Kenmore. Oui, tous les appareils de cette maison sont des Kenmore, c'était une opération "achetez-en un, repartez avec le magasin", quelle chance on a quand j'y pense.
Attention, j'ai la reconnaissance ingrate et l'indulgence vite oublieuse quand on se met à me compliquer l'existence, ce qui a fini par arriver vous l'aurez deviné sinon je ne serais pas là en train de vous tenir en haleine sur les raisons de la disgrâce de ma cuisinière électrique.
Pour comprendre pourquoi ma patience a fondu telle le beurre dans les épinards, je dois faire un petit flash-back de rien du tout.
Tout allait pour le mieux dans l'univers radieux de ma cuisine, j'étais encore en paix avec ma Kenmore.
C'était même fête puisqu'elle comptait un nouvel occupant, un cadeau longtemps désiré en secret et deviné par une oreille drôlement finaude et généreuse.
Un plat à tajine venait d'être livré et j'avais passé l'après-midi à le préparer – oui, ça se prépare ce genre de plat, ça ce bichonne : immersion de deux heures dans la baignoire, massage à l'huile d'olive puis sauna à 160°c pendant trois heures.
Il était fin prêt à étonner nos papilles et mes munitions étaient prêtes depuis la veille : paprika, cumin, pruneaux, viande et légumes, je n'avais plus qu'à me lancer.
Ce que j'ai fait sans crainte.
C'est bête mais j'aurais du me méfier.
J'ai entendu un bruit, comme un "tchoc" mais j'ai pensé "c'est le plat qui se dilate".
Pour que le tajine soit réussi, il faut laisser cuire longtemps, à la fin c'est limite confit, c'est le but, c'est comme ça que c'est bon.
Quand le temps a été venu et que j'ai retiré mon plat de la plaque, j'ai alors pu constater qu'en effet, deux heures de cuisson ça confit, il n'y avait qu'à voir pour s'en convaincre la couche bien épaisse de matière noire sur l'émail blanc de la cuisinère et à l'intérieur des coupelles en aluminium qui tapissent le dessous de ses résistances électriques que c'est limite impossible à atteindre et il faut la journée entière quand on veut les nettoyer.
Plutôt que confit moi j'aurais dit cramé, brûlé, incrusté, tatoué limite.
Mais pourquoi, comment, quand ?
Le "tchoc".
Le plat s'est fendu au bout de dix minutes d'utilisation et tout ce qui était à l'état liquide s'est barré en douce par en dessous, direct dans les coupelles.
Je ne sais pas si vous visualisez le tableau : une cuisinière – pas moi, l'autre - incrustée d'une matière qui n'était pas sans évoquer la roche vitrifiée par une explosion nucléaire, une fumée irrespirable due aux résistance ointes de ladite matière si ça se trouve un peu cancérigène, un enfant soudé à ma jambe gauche et en pleine crise de mais moi aussi j'existe, un plat flambant neuf et déjà fêlé, de l'agneau presque cru et des carottes croquantes et moi, triste parce que c'était un beau cadeau et intérieurement à la limite de l'implosion nerveuse parce qu'il y avait de quoi.
Alors je vous le demande :
- dois-je mettre le lâche abandon du plat sur le dos d'un complot visant à m'empêcher de triompher culinairement et d'ainsi étendre mon emprise sur les papilles du Monde ?
- pourquoi cette configuration archaïque de résistances électriques arrive-t-elle à perdurer alors que ce serait tellement plus simple à nettoyer sans ces fichues coupelles ?
- y a-t il quelqu'un qui accepterait de balancer le nom du pseudo-génie qui a mis au point ce système, toujours encombré de débris cramés, en train de cramer ou qui finiront par cramer, que je pourrisse le karma de ses héritiers ?
Après avoir envoyé un email cinglant mais empli d'espoir à Mister Tajine himself, figurez-vous qu'il m'a contactée. Non seulement il a été charmant et n'a même pas essayé de me faire croire que j'avais du me planter quelque part, mais il a en plus proposé de m'envoyer le jour même un autre plat, d'un autre modèle plus solide sans que j'ai à le demander.
Mister Tajine jamais ne se débine.
lundi, décembre 15
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6 commentaires:
Je compatis! Et je m'associe au pourissage de karma des héritiers du concepteur des fours impossibles à nettoyer pour cause de coupelles et/ou de résistances mal fichues.
Pour le plat à tajine, une astuce qui date d'un de mes boulots d'été dans lequel je vendais des très jolis plats en terre cuite (ou en céramique, je ne suis même pas sûre de la différence): il faut faire tremper le plat 1 à 2h dans l'eau froide avant la première utilisation. Mais Mister Tajine qui jamais ne se débine te l'aurait dit j'espère.
ou la la, qu'est-ce qe je peux pester avec ma cuisiniere a tortillons moi aussi ! mais enfin, quelle idee d'inventer un truc comme ca ! moi je dis que l'inventeur 1) c'est un mec 2) c'est un gros macho qui detestait les femmes 3) c'est un sadique !
Je ne compte plus les nettoyages apres lait qui deborde ou petits pois qui se font la mal en dessous.
Après moultes relectures (17, au bas mot), j'ai cru mal comprendre.... Je vérifie...
En fait, j'ai malheureusement tout à fait bien compris... Et dire que madame était resplendissante dans la voiture (ignorante du complot kenmorien qui s'ourdissait), elle bégayait de joie : "on va manger du tajine (bis repetitas)".
Mais la daube, c'est bien aussi.
et bien voila, ce qui rejoint mon billet sur le service apres vente.
Yka demander!
Bon, finalement, tout est bien qui finit bien. Ce qui a marche avec Mister Tajine pourrait-il marcher avec Mister Kenmore? Si tu lui expliques que sa cuisiniere craint, voire presente un danger qui met ta vie en peril chaque jour, peut-etre te proposera-t-il un autre modele?
en tout cas, on dirait un vrai conte de noël ! (c;
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