jeudi, décembre 31

Le grand méchant croup


Il y a de la réclamation dans l’air, de l’injustice à réparer même. Mais comment, fiston voit ses exploits étalés, ses nuits décortiquées et ses biberonnages disséqués alors que les journées de mouflette restent plongées dans un silence assourdissant, voire limite inquiétant ? On suspicionne sévère et on s’interrogationne.

Ce n’est pas mon genre de me défiler, alors laissez-moi vous rassurer sur le sort de la dernière arrivée.
Déjà, on sait que, contrairement à certains qui ont pris tout leur temps avant de faire entendre le son mélodieux de leur hurlement strident, mouflette aime la ponctualité. Elle va même au-delà du concept et, pour elle, avant l’heure c’est déjà l’heure, principe qu’elle applique aux heures des repas comme au reste.

Elle n’est pas de ces bébés qu’il faut réveiller pour manger. Elle se moque de ce qui est marqué dans les livres, non, elle n’attend pas 3 à 4 heures entre ses biberons et, oui, à plus de 2 mois et largement plus de 6 kilos, elle boit encore 6 à 7 fois par jour, et même 8 si ça lui chante… 5 bibs espacés de 4 longues heures, vous voulez l’affamer ou quoi ?
Avec un fiston qui ne crache toujours pas sur ses 4 rations de lait chaud quotidiennes, ça peut donc monter à 12 bibs à nettoyer en 24 heures et, pour que mouflette tétouille sans avaler d’air, les siens sont composés de 6 pièces, à démonter avant savonnage, je vous laisse donc faire le compte des trucs en plastoque à faire reluire.
Oh, et puis non, j’vous le dis, c’est estomaquant, vous allez croire que je me suis lancée dans l’élevage : 64 bidules à ne pas oublier au fond de la bassine, Mesdames et Messieurs, j’ai bien dit 64. C’est peut-être un détail pour vous mais pour nous, ça veut dire beaucoup.

Si j’entre dans le détail de nos vaisselles, c’est bien qu’il n’y a pas grand chose d’autre à raconter concernant mouflette, quelques soucis de tuyauterie mis à part. Elle parle énooormément, sourit en plissant le nez dès que quelqu’un passe dans son champ de vision tellement bionique qu’elle repère les mouches à 10 mètres et elle s’entraîne même à traverser la nuit sans ravitaillement.

Une fin d’année calme et reposée donc ?
Je rappelle qu’il y a 2 enfants dans cette maison et, comme si être en vacances scolaires et sans nounou pour quinze jours ne suffisait pas, fiston a passé les derniers jours à incuber sans qu’on ne se doute de rien.
La chose a été rendue publique hier, quand fiston s’est réveillé en pleurant et en faisant un bruit de forge à l’agonie à chaque sanglot.
Après avoir renoncé assez vite à tout espoir de rendormissement, j’ai collé un enfant un peu amorphe devant la télé, noté une légère fièvre, constaté un appétit pour les gâteaux toujours vaillant, attendu jusqu’à la sieste d’après-midi – sieste émaillée d’appels, de pleurs et de quintes caverneuses, avant d’embarquer le patraque chez le médecin parce que pas envie d’attendre le milieu de la nuit avant de me dire que j’aurais mieux fait d’anticiper, ou pire, nous retrouver comme des pignoufs la nuit de la Saint Sylvestre à poireauter aux urgences, entourés d’intoxiqués par du vin californien vieilli en fûts de chêne. Donc, direction le centre médical, et plus vite que ça.

La toubib a eu l’air de dire que j’aurais pu éviter de me déplacer. P’tête ben mais c’est mon premier enfant, alors je ne suis pas encore spécialiste de la sphère ORL et diagnostiquer une pharyngite doublée d’un croup n’est pas à la portée de la débutante que je suis, very sorry du dérangement.
Je vois vos yeux s’arrondir. Oui, le croup.
Si vous êtes comme moi, vous avez croisé ce mot chez Zola, ou à la cour de Louis the fourtine pour ceux qui sont en contact avec leurs vies antérieures, comme la goutte ou la petite variole. Mais zici, à l’avant-veille de l’aube des années 10 ? Comme quoi.
Après renseignements, le croup peut aller jusqu’à l’impossibilité totale de respirer, avec intervention des secours d’urgence et intubation en soins intensifs. Quand même.

J’ai indiqué qu’un bébé de 2 mois risquait d’être infecté à la maison. Réponse ? « Tant qu’elle respire, qu’elle ne devient pas toute bleue et qu’elle n’a pas trop de fièvre, pas la peine de venir. » Me voilà rassurée.

Depuis, à la maison, c’est pleurs, toux, sommeil en pointillés et humeur en conséquence. J’en regretterais presque la bonne vieille gastro des familles.

Mais les parents font de la résistance et pour ce soir on a des munitions, champagne, foie gras et tarte au citron maison, de quoi tenir jusqu’à des dix heures et demi facile.

Allez fidèles lecteurs, ne tournons pas autour du pot, l’heure est venue de se la souhaiter heureuse et en bonne santé.

mercredi, décembre 16

Parce que les fleurs c'est périssable


Noël c'est bien et les vacances c'est top. Forcément, les vacances de Noël c'est encore mieux puisqu'on en sort couvert de cadals tous plus beaux et plus utiles les uns que les autres.

Alors pourquoi cette année vois-je la chose d'un autre œil ? Hein, pourquoi donc ?


Je répète : va-can-ces.

Non, pas pour moi, c'te bonne blague. Non, les vacances de Noël, c'est pour les petits, ceux qui croient encore que le Père Noël va débarquer par la cheminée et que ses rennes magiques volent pour de vrai dans le ciel. Pour les autres, celles qui ont dépassé ça à 6 ans et préfèrent maintenant croire que le glumatol B49 est le véritable avenir du botox et que son pouvoir tenseur n'a pas d'égal sur terre, les vacances de Noël c'est la fin des haricots de l'école pour quinze jours.


Alors que les journées sont les plus courtes de l'année, et que ça caille aussi un max, les instits poussent nos chérubins vers la porte en clamant des Merry Christmas, very soulagées d'en avoir fini jusqu'à l'année prochaine.


Mais, qu'est-ce que je vais en faire, moi, de mon excité de service, celui qui a besoin d'être sorti pour s'ébrouer en liberté plus régulièrement qu'un épagneul, sous peine d'explosion de mes tympans et craquage de mes nerfs ?

Et puis qu'est-ce que je vais lui dire, lundi prochain, quand il réalisera qu'il ne verra pas sa maîtresse adorée, celle dont il prononce le nom en dormant ?

Alors, non seulement me voilà spoliée de mes 4 heures de folle liberté hebdomadaires, mais en plus l'usage veut qu'on se fende d'un truc pour l'instit et son assistante, pour leur souhaiter de bonnes fêtes parce que dire "Au fait, Joyeux Noël chez vous", ça ne suffit pas. Non, c'est mieux de le dire avec un cadeau, du fric, un peu de sueur, de l'imagination, du qui se mange, qui fait des bulles dans un bain ou qui tient chaud aux mains, du qu'est pas beau mais qu'elle fera semblant d'aimer avant de l'offrir à sa factrice, du n'importe quoi mais quelque chose.

Alors là, les amis, c'est du lourd, du culturel. Soit vous êtes un autochtone et tout va bien pour vous, vous saurez vous en tirer haut la main, soit vous arrivez d'ailleurs et ça ce complique.

Il faut savoir que les écoliers d'ici passent un nombre d'heures à peine croyable à tenir un pinceau, à découper, dessiner et réaliser des trucs et des machins, avec de la colle à paillettes, de la laine, de la feutrine, du métal, de l'argile, tout le tremblement. Ici on fait du Art and Craft dès le berceau, des merdouilles artisanales certes, mais qui rendent l'autochtone habile de ses mimines et nettement plus créatif que nous autres, pauvres rescapés du cours d'EMT bi-mensuel.

Du coup, quand il s'agit de réaliser un truc original, joli et personnalisé, vous avez le choix :

- vous passez l'heure bénie de la sieste des mouflets à découper deux ronds dans un feuille de papier trop mou avec des ciseaux cranteurs pour enfant (essayez, pour voir, avant de vous marrer), dans l'idée de faire dessiner fiston et de coller cette merveille sur les sacs cadeau – personnalisation assurée. Seulement voilà, c'est l'heure du goûter, fiston n'est pas d'humeur et c'est pas la peine d'insister, alors vous n'avez plus qu'à imiter un barbouillage d'enfant de 2 ans.
OU
- vous confiez vos deux enfants à votre nounou Latina, expliquez que vous ne pouvez absolument pas être dérangée pendant les trois prochaines heures, et vous faites une de vos nombreuses spécialités, les sablés de Noël en forme d'étoile, de sapin ou de tête de renne, avec glaçage posé à la seringue et perles argentées pour le relief. Après quoi, vous enchaînez en confectionnant d'adorabeuls petits kits à chocolat chaud en superposant des couches de cacao, de sucre et de cannelle dans des petits pots trop cute, avec étiquettes so amazing réalisées la nuit d'avant sur DesignPro.

- Vous glissez au fond du sac la boîte de chocolats from Paris, avec Eiffel tower dessinée sur le couvercle, carte de vœux et carte cadal calées par-dessus. Pour que votre sac en papier recyclé marronnasse ait un air festif, vous vous coupez en l'entaillant dans le but d'y faire passer un peu de raphia rose pour fermer. Ce qui est dommage c'est que personne ne pourra vous croire quand vous essaierez de dire que c'est fiston qui a tout fait. Un an de plus et c'était bon.
OU
- Vous placez vos merveilles dans une panière en bambou tressé, ajoutez quelques décorations de Noël faites en vitesse, sans y penser, une guirlande de cranberries séchées et une imbélivébeule orange sculptée de clous de girofle, vous calez avec du papier de soie aux couleurs coordonnées et délicatement froissé, emballez d'une grande feuille de plastique épais et transparent et nouez le tout d'un énorme ruban en satin écarlate, very Christmas indeed.

- vous lancez un fiston hilare au triple galop dans le couloir de l'école, muni d'un sac dans chaque main, et piaillant "Joyeux Nowel" à la ronde.
OU
- vous faites votre arrivée à la sortie des classes, une panière dans chaque main et explication détaillée de chaque élément les composant prête à jaillir au moindre compliment. You know, it's nothing, really.



Joyeux Christmas tout le monde

mardi, décembre 8

Gault et Millau


Hier, le temps d'une soirée, j'ai repris contact avec la vie d'une citadine, invitée que j'étais dans un resto réputé par un Justin décidé à mettre le paquet pour fêter mes vingt-cinq ans et quelques.

A mes yeux, l'une des plus grosses différences culturelles entre eux et nous concerne la nourriture.
Prenez hier soir.

Ça partait pourtant pas mal : quatre personnes nous avaient informés de leurs prénoms et souhaité une bonne soirée dans les cinq minutes qui avaient suivi notre arrivée, la maison nous avait fait goûter le vin qu'on avait commandé, pour être sûrs de notre choix et le sommelier s'était déplacé jusqu'à notre table pour nous aider à trouver quelque chose qui corresponde à notre description et dont le tarif soit à 2 chiffres.
Le genre d'endroit où on se sent pris en main, avec une armée de latinos prêts à bondir de derrière les pots de fleurs, carafes d'eau en main, pour remplacer illico toute gorgée avalée.

Justin se serait bien laissé tenter par des fruits de mer en entrée mais, manque de bol, y'en avait plus. Déjà ça partait bof bof mais l'homme n'a pas froid aux yeux et commande du foie gras.
Les deux petits médaillons arrivent, perdus dans une immense assiette blanche décorée de petits cercles marrons ressemblant à la trace laissée par un verre d'apéro sur une table basse, on aurait presque eu envie de leur demander de nous donner une assiette propre, mais on sait se tenir alors on a juste rigolé.

Justin se lance et va pour attraper un bout de pain dans la panière, mais son choix est rendu difficile par une profusion de resto qui veut vous en donner pour votre argent : trois ou quatre sortes de pains très briochés, sucrés, dégoulinants de beurre et/ou avec arômes déconcertants. Du coup, c'est un peu comme manger du foie gras sur un pain au chocolat à la cannelle.
Justin appelle notre serveur pour lui demander du pain normal, de la farine, de l'eau et un peu de sel quoi. Regard fuyant mais ton assuré "Bien sûr bien sûr, pas de problème", mais on pouvait lire la bulle au-dessus de sa tête, avec une jolie collection de points d'interrogation "??? C'est quoi du pain normal, qu'est-ce qu'il a qui va pas mon pain d'abord ?"

Revient le sommelier, ou plutôt le spécialiste des cas difficiles, improvisé Grand Boulanger et qui écoute Justin lui expliquer que son foie gras ne peut pas être dégusté sur ce pain là et que trop de saveurs tue la saveur un peu.
Aïe, c'est à ce moment qu'on a perdu le faux sommelier-boulanger, son cerveau ayant disjoncté à l'idée que trop de cannelle puisse nuire à quoi que ce soit. Mais, comme c'est un professionnel et qu'il ne sera pas dit qu'il ait pu laisser des clients repartir avec leurs exigences insatisfaites en bandoulière, il est allé nous chercher des crackers, de 3 sortes différentes s'il vous plaît, fromage, sucre et autres bizarroïdités.

Ensuite est arrivé le plat.
La description sur le menu était sibylline et j'avais seulement compris que c'était du faisan. Je m'attendais donc à un os, avec de la viande autour, et une sauce, très certainement sucrée parce qu'il ne faudrait pas que le client tombe en hypoglycémie entre l'entrée et le dessert.

Deux serveurs arrivent en grande pompe et déposent deux assiettes qui paraissent d'autant plus vides qu'elles ont la circonférence de ma roue de secours, se regardent et se penchent, complètement synchro, en agitant une petite cuillère dans une toute petite saucière en inox, ça fait "gling gling gling" et, si on me demande mon avis, je dirais que c'est plus que démonstratif et qu'on n'est pas chez Mickey.
Après avoir répandu un millilitre de sauce rouge, ils nous ont laissés devant ce qui s'est avéré être trois tronçons de saucisse enveloppés de bacon, secs comme un coup de trique et pas très goûtus, soyons honnête.
Justin, qui sait positiver, lui, a réussi à trouver un peu de saveur au petit cube de patate mal cuite et champignons intercalés servant d'accompagnement.

Le restaurant s'enorgueillissant de son chef pâtissier, j'ai relevé le défit du dessert en commandant une sorte de tarte au citron, au vu de la description qui en est faite.
Le chef a réussi un exploit absolu devant lequel il faut s'incliner : réaliser une pâte qui ne soit ni brisée, ni sablée, ni feuilletée, bien que sa tendance à s'effriter entre les dents de la fourchette puisse semer le doute.
Et la garniture de la pâte ? Un onctueux lemon curd comme savent si bien faire les anglo-saxons ? Que nenni, un flan citronné de sept centimètres d'épaisseur, genre recette expresse Alsa, côtoyant une boule de glace au goût franchement répugnant – même l'indulgence de Justin n'a pas pu y revenir, c'est dire.

Je pense que ceux et celles qui s'apprêtent à sortir dîner à Washington vont s'inquiéter maintenant, et à juste titre. Je tiens le nom de ce bijou de la gastronomie locale à la disposition des intéressés.

Mais quand même merci à un Justin plein de bonne volonté mais qui ne pouvait pas savoir. La prochaine fois je sens le Pizza Hut me pendre au nez, et je l'aurai bien cherché.