samedi, décembre 4

Oum m'a tuer

Il est de ces questions obsédantes, brutales, torturantes, et qui restent pourtant sans réponse.


Pourquoi les tirettes sur les emballages ne fonctionnent jamais et déchirent tout sur leur passage, m’obligeant à engloutir tous les Petits Nécoliers, condamnés sinon à mourir de ramollissement accéléré ?

Pourquoi l’évolution est si bornée et préfère entretenir mes poils de jambes au lieu de me faire pousser un troisième bras ?

Pourquoi le type payé pour entretenir les allées, ronds points et terre-pleins aux feux rouges du coin se donne-t-il la peine de disposer des pots en fausse terre cuite et à y planter des fleurs guillerettes, si c’est pour laisser les grosses étiquettes des codes barres bien apparentes sur les pots ?

Pourquoi se mettre en tongs en décembre et garder ses bottes fourrées pour juin ?

Pourquoi je trouve que les autres se prennent des coups de vieux, alors que moi, incroyable, je ne bouge pas ? Presque pas une ride, à part sept huit de rien du tout, à peine. En fait, je suis la seule à ne pas vieillir, je comprends les djeunes, ils me comprennent, je suis trop cool. Non ? Mais je le saurais si je commençais à faire celle qui se croit encore jeune, hein ?


Pour les tirettes des paquets de gâteaux, à part une incompétence et un je m’en foutisme dignes d’une récompense industrielle spécifique, celle de la société qui se torche le mieux avec ses rapports conso par exemple, je ne sais pas.

Pour l’évolution qui me refuse un gain de temps et un confort accru dans les gestes du quotidien, j’imagine que c’est pour m’emmerdasser et qu’à peine j’aurais tourné le dos, les poils des femmes vont tomber, les bras vont leur pousser et les oreilles des hommes tomber, ça ne fera pas grande différence pour l’espèce mais ça fera toujours ça de moins à nettoyer.

Pour les tongs et les codes barres, c’est regrettable, mais que dire alors des stores en plastiques à toutes les fenêtres, des chemisiers écossais à jabot volanté, d’une voiture dont la couleur s’appelle Citrus Fire Metallic, ou encore de la manie de toujours écrire quelque chose sur le moindre pull ou tee-shirt ? C’est la mochitude comme dirait l’autre.


Pour le reste, angoisse sous-cutanée, miroir Ô mon miroir, la solution est d’aller se promener en famille en invitant la stagiaire de Justin. Très intelligente, capable de parler de politiques européennes très compliquées, d’employer des mots à fort pouvoir narrateur, qui connaît des pays que moi, non. Bref, une stagiaire qui vous ferait oublier que ses parents devaient encore être chastes dans les années 80.

Pendant cette promenade nocturne, vous vous extasiez sur la réussite de ce jardin illuminé, « Oh, des elfes, là, un loup, un Père Noël, des arbres scintillants, un dragon, ooohhhh, c’est boooo ». Vous êtes toute à votre émotion, redevenue un peu l’enfant qui léchait les vitrines des Galeries Lafayette pendant les fêtes, et puis toute ces ampoules, c’est une cure de luminothérapie un peu, alors le Richard Bohringer qui est en vous exulte, vous vous oubliez et là, devant un dauphin clignotant, vous vous mettez à imiter son cri en piaillant " Donnez-moi du Galak, donnez-moi du Galak ".


Silence poli.

Votre imitation était ratée, c’est un bide. Vous êtes sur le point de vous justifier, d’habitude vous êtes bien meilleure, hein Justin, j’suis drôle d’habitude ? Mais, dis-lui.

Et c’est là que la réponse tombe, par l’intermédiaire d’un Justin bien déprimé d’être capable de la connaître.

« Mais elle ne sait pas de quoi tu parles, elle n’a jamais vu la pub, je parie qu’elle ne sait même pas ce que c’est, le Galak ».

Mes neurones, encore alertes malgré ce tacle du temps qui passe, ont vite calculé que si l'érudite stagiaire ne se souvient pas d’une pub passée entre 1976 et 1983 alors que moi si très bien, c’est que je dois forcément être un peu en avance sur elle, chronologiquement parlant. De largement plus de 15 ans. Aïe.

Alors la réponse est non.

Je ne savais même pas que je n’étais plus si jeune que ça.

Mais maintenant si.


Il va falloir que j’arrête de dire LOL à mes baby-sitters.



vendredi, novembre 12

Aux petits oignons

Comme précédemment mentionné, Justin a quitté le navire pour 9 jours, préférant des réunions sans fin dans des salles surchauffées et un nombre incroyable d’aller-retour entre plusieurs capitales européennes – tout ça pour garder son statut Silver pouilleux qui ne donne même pas accès au salon où tu manges des œufs de lump pour pas un rond mais chut, à notre remuante compagnie.


Après plus d’une semaine, nous sommes encore tous là, y compris, Ô surprise, Chesapeake qui a pourtant testé de ma savate en miaulant plusieurs nuits vers les 2 heures du matin, pour boire, sortir, déclamer un peu de Ronsard au clair de lune, qu’en sais-je dans le fond.


Quand Justin m’a annoncé les dates de son voyage, je suis allée visualiser l’ampleur du tour de force qui m’attendait sur le calendrier, et là, stupeur, tremblements et mini-arrêt cardiaque. Il fallait qu’il parte pilepoil en même temps que la super nanny qui prend Timothée en playdate avec un petit voisin deux matins par semaine et n’aurait pas été contre un peu d’heures sup’ le week-end pour m’aider. Super nanny qui n’avait jamais quitté le territoire américain, limite jamais mis les pieds sur la côte pacifique mais qui d’un coup s’est dit « Et si j’allais voir ma sœur paumée dans une banlieue glauque irlandaise, en novembre, ça devrait être joyeux ». De là à y voir encore une preuve de l’esprit sadique et du sens de l’humour un peu barré de l’Univers tout entier travaillé par le besoin de me nuire, il n’y a qu’un pas, avouez.


Comme je ne suis pas ratte, j’ai sous le coude quelques conseils en cours d’homologation par le Mother of the Century Comity afin de vous épauler en pareille situation.


- Pour commencer, ça ne sert à rien de se faire remarquer à soi-même que l’on est la première personne de plus d’un mètre à nous adresser la parole depuis au moins deux jours. Ce genre d’observation n’est d’aucune utilité, ne fera rire personne et passera au-dessus de la tête de votre auditoire qui, je vous rappelle, n’atteint pas le mètre.


- Il faut utiliser au maximum l’école. Si ça ouvre à 9h15, vous pouvez vous planter devant la porte dès 9h, mouflette hurlante et écumante sanglée trop serrée dans sa poussette, il y a de bonnes chances que la maîtresse en ai ras le bol et ouvre exceptionnellement la porte un peu plus tôt en vous conseillant néanmoins de retirer la doudoune à cette pauvre enfant cramoisie. Idem pour le départ, si ça se termine à 12h15, qui va chipoter si vous arrivez, l’air d’avoir couru un 200 mètres haies, un tout petit peu avant 12h30 ? Oh, ça va, pour une fois. Et puis, sans vouloir balancer le père de la petite Liam, vous ne serez de toute façon pas la dernière.


- Je sais que c’est difficile mais il faut savoir se faire violence pour le bien des enfants, alors exit l’aspirateur. Vous devez déjà vous occuper de la vaisselle sale, sous peine de plomber votre empreinte carbone en flinguant le stock des assiettes en carton prévu pour les anniversaires – et, hum, vu les 57 lingettes quotidiennes utilisées par jour sur l’auguste érythème fessier de mouflette, ça va peut-être suffire au rayon j’aime tellement ma planète que je me torche avec. Ah, et puis il faut s’occuper du linge sale aussi parce que vous êtes une indécrottable radine qui dit que si, si, 3 pantalons par enfant ça le fait. Pour le ménage donc, c’est niet.


- Pour les repas, faîtes confiance à la science. De nombreuses études américaines l’affirment, un repas composé de Goldfish – petits crackers au fromage en forme de poissons, et pâtes au ketchup couvre l’ensemble des besoins nutritionnels = produit laitier+poisson+féculent+tomate (et céleri si vous prenez du ketchup bio, youhou, 2 légumes).


- Ne pas hésiter à mettre cette grande pensée tibétaine en pratique : « le cri vient à toi, ne lui ouvre pas l’oreille ». Bon, moi qui ai suivi un stage d’imprégnation bouddhique, via mini-conférences de 3 minutes de Mathieu Ricard sur Youtube, je suis habilitée à vous traduire cet enseignement, incontournable pour tout parent qui veut survivre : la boule quiès n’empêchera pas vos noctambules d’enfants de chouiner de 3 à 4, mais elle vous permettra d’être reposé quand viendra l’heure d’aller les chercher, sur les coups de 6 heures du mat’. Après crash test, c’est mieux de n’en mettre qu’une, dans l’oreille opposée à celle reposant sur l’oreiller si le karma veut que vous dormiez sur le côté, sinon tant pis pour vous. Ce que ne vous dit pas la pensée tibétaine c’est qu’il faut changer la bouboule d’oreille à chaque retournement, sinon ça ne sert plus à rien et vous entendez à nouveau fort et clair.


- Le DVD est votre seul vrai ami. Et si d’aventure vous cliquez sur « Repeat play », en faisant semblant de vous étonner, au bout de 2h08 de Chapi Chapo, que ça dure bien longtemps cette affaire, personne ne vous en voudra. Hooouuuu, c’est mal, vous n’assumez pas. OK, mais sachant qu’il fait nuit noire à 17h, que vous avez déjà fait 3 fois l’atelier cookies cette semaine, suivi inévitablement par l’atelier « Laisse Maman, c’est moi que j’inonde la cuisine je fais la vaisselle », il est peut-être temps de lâcher du lest.


Si avec tout ça vous ne trouvez pas le temps de vous faire une teinture, un gommage, 164 séries de 50 abdos, le dernier prix Femina et un bœuf Bourguignon mijoté à la perfection pour le retour du mari fourbu par la classe éco qui fait mal au dos, c’est que vous n’avez pas assez regardé Mad Men. Z’êtes pas au courant ? C’est le grand retour de la femme des fifties.



mercredi, novembre 10

Elle se marre, elle


Je ne suis pas jalouse de mon mari.


Mais quand même.


J’aimerais bien moi aussi me faire la malle pendant presque 10 jours pour dormir dans des hôtels avec sèche-cheveux et chaîne de cinéma à la demande, lire si je veux, manger au resto tous les jours, sans avoir de courses à faire, de menu à improviser ni de lave-vaisselle à vider en faisant attention avant de le refermer que la mouflette ne s’y soit pas planquée, à dormiiiiiiiiir, oui, des heures d’affilée, sans pleurs à identifier, sans se gourer de chambre parce qu’on a la tête dans le fion et qu’on a cru que c’était lui et non, raté, c’était elle mais maintenant c’est eux deux, jackpot. Je rêve d’oublier de ne pas oublier de racheter du lait, des bananes et des œufs sous peine d’une mise en grand péril de l’équilibre alimentaire familial. J’aimerais pouvoir me mettre en jupe sans avoir à me tortiller devant la glace en pied de la cuisine pour savoir si quand je mets mouflette sur le petit toboggan il n’y a rien qui pourrait aguicher le bon père de famille venu là pour l'heure réglementaire de quality time avec ses enfants. J’aimerais pouvoir mettre mon beau pull noir aussi, le seul qui n’a pas de bouloches parce que je ne le mets jamais car je vous le dis « pull noir le matin, gastro en chemin », et à vous le joli mouchetis façon Pollock sur le 35% cachemire.


Mais bon, j’ai des responsabilités moi, tout le monde ne peut pas se faire remplacer comme ça, au pied levé.


Alors je m’achète des pantalons en velours sur internet et laisse mes jupettes où elles sont, de toute façon elles ne doivent plus m’aller. Je me couche à peine plus tard que mes monstres parce que, c’est bien connu, ce sont les heures avant 21 heures qui comptent. Je m’enfile les restes d’Halloween en guide de dessert et je me demande ce que ma vie va devenir quand j’aurai tout mangé le chocolat.


Me restera plus qu’à tout fumer les Craven A j’imagine.