jeudi, janvier 29

La douloureuse

Aujourd'hui est arrivée une facture de la part de mon dentiste chez qui, souvenez-vous, j'ai été torturée au nom d'une croisade sans pitié contre le tartre.

Ici, tout ce qui concerne le domaine de la santé est compliqué : les contrats d'assurance sont à rallonges avec plein de lignes écrites si petit que l'aide du télescope Hubble n'est pas superflue, des astérisques, des exceptions, des clauses qui disent que si vous avez eu une angine entre 1985 et 1996 vous ne pouvez pas devenir bénéficiaire, et encore moins si votre deuxième prénom commence par un C.
Du coup, quand la compagnie accepte de vous assurer à prix d'or, vous êtes jouasse, un peu comme si vous aviez remporté le deuxième prix du conservatoire de Mulhouse en accordéon musette.
Mais, avant de vous vautrer dans l'euphorie et le soulagement – ayé, je peux faire du parapente dans le Grand Canyon, j'ai une assurance santé – relisez votre police attentivement et réalisez qu'en fait, pour les dents et les yeux, c'est mieux de payer un autre organisme. C'est normal, c'est pour tout le monde pareil.

C'est donc munie de mon assurance spéciale, que pour les dents, que je suis allée chez mon dentiste. La simple visite de routine annuelle s'est transformée en vision de gencive putréfiée et dents tombant sur mes chaussures à cause d'un peu de tartre mal placé. Mon instinct a été de fuir. Une anesthésie, pour un détartrage ? Et ça va coûter combien d'abord ?
Le prix annoncé par le secrétariat s'étant avéré supportable, surtout face à la perspective de finir édentée d'ici la fin de mon séjour, j'ai dit oui.
Une fois anesthésiée, l'assistante a passé un temps fou à examiner chaque dent, avant d'énoncer un chiffre, à une autre assistante. Déjà, j'aurais dû me méfier parce qu'un cabinet où l'assistante a sa propre assistante, c'est louche. Ecran plat dans chaque pièce de soin, canapé design, coussin brodés, décor floral et bougies allumées à 9 heures du mat dans la salle d'attente, c'est super louche.

Maintenant que j'ai reçu la facture, je sais le pourquoi des petits chiffres énoncés pendant un laps de temps qui aurait suffi à réaliser le détartrage – et m'aurait ainsi permis de profiter de l'anesthésie à son efficacité maximum : c'était pour que l'assurance sache, dent par dent, l'avancée de mon tartre, afin de dire, dent par dent, oui on prend en charge, ou pas.
Vu le complément de la facture ma bouche ne devait pas être si en péril que ça parce que l'assurance a refusé pas mal de dents on dirait.

Quand j'ai quitté le cabinet, la secrétaire m'a fait remplir un petit carton avec mes coordonnées dessus pour me l'envoyer au moment du prochain contrôle, soit dans trois mois, puis deux fois par an minimum.
Mais bien sûr.
Je crois qu'ils vont devoir faire sans moi pour financer la nouvelle table basse du salon d'accueil, faudrait voir à pas trop me prendre pour une vache à billets verts.

dimanche, janvier 25

Quand te reverrai-je ?

Pour répondre à l'émerveillement compréhensible de certains : oui, en ce moment ça bombarde sur ce blog, c'est un pilonnage de textes tous meilleurs les uns que les autres, je sais vous aviez perdu l'habitude et ça vous perturbe un peu.

Mais calmez votre joie et sortez les klinesques, cette fête du blog va s'interrompre momentanément pour cause de visite familiale et excursion à New York prévue en fin de semaine prochaine.
Vu comme ça ce présente, j'ai bien peur d'avoir deux jours peinarde à New York, sans poussette, sans pause dégringolade de toboggan, sans couches ni rien… mais sans appareil photo non plus.
Je vous rappelle que mon beau Nikon a été déposé début décembre, pour une réparation de quatre à six semaines, mais quand ils disent six semaines c'est vraiment au cas où, parce qu'en général en quatre c'est plié nous a assuré le vendeur qui se voulait connaisseur.
Si nous savons encore compter sur nos doigts, au quatrième top cela fera très exactement sept semaines depuis cette déclaration un tantinet optimiste.
Mais que s'est-il passé ? Mon Nikon s'est perdu au fond d'un carton et n'a pas pu appeler à l'aide vu que j'ai gardé sa batterie ?

Pour la faire courte, tout est de la faute de Rick.
Rick travaille chez Nikon, pas dans la boutique photo où j'ai déposé mon appareil et qui n'a fait que l'envoyer pour réparation à la maison mère, vous suivez ?
Rick n'est pas réparateur, il reçoit les appareils endommagés et j'imagine qu'il doit remplir une sorte de feuille de route, avec les coordonnées du boîtier et le nom de la famille à prévenir d'urgence en cas d'accident opératoire.
Rick, au moment de relever le numéro de mon Nikon, s'est dit "tiens, c'est pas un numéro américain, c'est zarbi, il faut que je fasse quelque chose", avant de mettre la feuille de côté.
Et puis Rick est parti en pause sandwich, il a reçu un sms de son pote Jeff qui lui disait "tro kifé la K-rin, tel mi", a donc tel Jeff, a savouré les commentaires fleuris portés sur l'anatomie et les compétences variées de ladite Karine, avant de retourner dans son cagibi pour tuer les heures le séparant d'un happy hour prévu de longue date avec son autre pote, Trevor.
Et puis la vie de Rick s'est poursuivie et au cours des semaines suivantes, il a assisté via sms au départ de K-rin, remplacée par une Kristie un peu trop olé-olé pour Jeff puis par une Jena, il s'est tapé quelques cuites, a eu des soucis avec son colocataire un peu amoureux de lui mais solvable, est arrivé en retard trois fois au taf en quinze jours, s'est remis au boulot parce que c'est la crise et que sa mère l'a fait flipper au téléphone en lui disant que si cette fois-ci il se refaisait virer, il ne pourrait pas revenir chez elle parce qu'elle a transformé son ancienne chambre en salon jeux et détente pour ses deux chiens et que maintenant ça va bien, à 27 ans il peut quand même s'assumer.

Un mois s'était écoulé quand Justin est entré dans la vie de Rick, qui essayait laborieusement de se reprendre en main.
C'est la boutique photo qui a donné le numéro de Rick à Justin, s'étonnant comme nous de ne pas avoir de retour prévu pour mon appareil sur leur fiche de liaison avec la maison mère.
"Salut Rick, c'est Justin, dîtes-moi où est-ce qu'il en est-il le Nikon à ma femme ?" a-t-il demandé en substance et en anglais.
Au bout du fil, un long silence meublé par un bruit de papier qu'on agite.
Très long le silence, et très agités les p'tits papiers.
"Ah ouai, ça y est, j'ai compris. Le truc c'est qu'il est pas de chez nous vot' appareil, alors j'ai besoin de ses papiers d'identité, genre facture d'achat, garantie, pour prouver que vous l'avez pas acheté au black chez les Chinois à New York, et que vous avez bien payé toutes les taxes."
"Intéressant… mais vous aviez l'intention de décrocher votre téléphone pour nous le dire, ou vous comptiez uniquement sur vos pouvoirs télépathiques ?"
Rick a dû sentir un léger agacement poindre sous la causticité de son interlocuteur, et il se l'est joué employé des temps modernes :
"Pour accélérer le processus, vous pouvez me faxer la photocopie de la facture, pour moi ça marche".

Fax envoyé il y a plus de deux semaines. Depuis, nous attendons que la pièce arrive de je ne sais pas où, parce que mon boîtier ne se fabrique plus, et qu'ensuite le tout soit renvoyé dans la boutique photo. ça va être serré pour New York.

Depuis, Rick a changé de colocataire et s'en mord les doigts parce que Trevor est un porc et que c'est le Bronx maintenant chez lui. Jeff s'est barré en Californie pour suivre Jena qui veut faire l'actrice et son boss l'a dans le collimateur pour une histoire de photographe pro à qui il aurait soi-disant raccroché au nez en essayant de prendre sa nouvelle copine, la K-rine en double appel. ça craint mec.


jeudi, janvier 22

Il avait la frite

Il y a deux jours, 20 janvier, Obama a prêté serment et deux millions d'enthousiastes ont fait le pied de grue dehors, frigorifiés mais avec la satisfaction de pouvoir dire plus tard "oui, j'y étais, regarde toutes ces photos d'anoraks et de cache-oreilles en moumoute, et ben c'était là, juste derrière, à deux kilomètres".
Je ne les envie pas car moi aussi j'ai eu mon 20 janvier, je n'étais pas devant le Capitole, mais à vol d'oiseau je n'étais pas si loin.

A journée historique, réveil matinal.
Après avoir tout tenté pour rendormir un fiston incorruptible, j'ai dû me résigner à lancer le mouvement à six heures et des cacahuètes. J'avais un fond de migraine depuis la veille et je le précise pour que vous mesuriez le courage quasi héroïque qu'il m'a fallu pour débarbouiller, nourrir, habiller et divertir un enfant mal luné pendant toute la matinée.
J'avais ficelé le plan d'aller camper chez une voisine, avec rehausseur, purée, jouets et tout le toutim vers 11 heures pour pouvoir suivre les événements sur son écran géant, vu que ne n'ai pas d'antenne sur ma télé, et encore moins le kaybeule qui coûte mensuellement l'équivalent de trois reins à Bogota et je n'en ai que deux, c'est-y pas la misère.

C'était sans anticiper une règle immuable sous notre toit : enfant levé tôt = enfant chouineur = enfant qui sieste de bonne heure. Donc à 11 heures j'en étais à tenter de gaver la bête et il n'était plus de temps de nous transbahuter avec armes et bagages à quelques rues de là.
Que faire ? Je ne pouvais quand même pas passer à côté de l'arrivée des anciens présidents en rangs serrés avec têtes de circonstances. Et comment prendre la mesure de la solennité des choses sans profiter des commentaires éclairant nos lanternes sur la couleur d'une cravate ou la longueur d'une jupe ?

Je n'ai peut-être pas le kaybeule, ni d'antenne, mais j'ai quand même allumé le récepteur, au cas où le miracle Obama aurait fait surgir CNN.
Avec un peu l'impression d'être dans l'arrière salle d'un salon de coiffure cubain, étant donné la qualité, l'image est tout de même apparue, waouh, il casse tout ce Barack.
Le seul canal qui ne diffusait pas de soap en espagnol était ABC, donc va pour ABC. J'ai ensuite bougé la télé, jusqu'à obtenir une qualité d'image qui ne relève pas de la torture rétinienne.
La présentatrice s'enthousiasmait sur le temps splendide et je ne pouvais que la croire sur parole vu que les parasites sur l'écran donnaient l'illusion d'une tempête de neige sur la ville.

J'ai aperçu les prestations de serment de Biden et Obama, entre les coupures d'image à chaque passage d'hélicoptères – et ils n'ont pas manqué -, un changement de couche, des chemises à étendre de toute urgence et une sieste à mettre en route.
C'est sûr que je n'ai pas vu, ni entendu grand-chose, mais hier c'est quand même moi qui ait expliqué à l'audience médusée – Justin et Chesapeake - le pourquoi des écharpes violette de Bush senior et de son épouse, ainsi que de quelques autres sénateurs, ah!

Pourquoi, bouillez-vous ?
Mais parce qu'en ce jour historique, on célébrait la Nation, pas les divisions, donc il n'y avait pas de républicains (dossards rouges), ni de démocrates (dossards bleus), mais des Américains (rouge + bleu = violet).

Et qu'on ne vienne pas me dire que ce n'était pas ça, l'info du jour.
D'ailleurs, si vous étiez sur le point de jeter cet affreux blouson vert et violet que vous portiez en 3ème, réfléchissez bien : rassembler ses adversaires c'est la marotte d'Obama, alors je parie sur le grand retour du purple et c'est Prince qui va chanter de joie sous la pluie (une référence subtile, limite subliminale, s'est glissée dans cette dernière phrase et le titre n'est pas en reste, sauras-tu les démasquer ?).



mardi, janvier 20

Le chaud must go on

Presque fin janvier, les fêtes sont derrière nous et l'heure est au bilan cadalistique.

Comme pour tout, les cadeaux aussi connaissent des années un peu ratées, où on est déçus, un peu mais pas complètement parce qu'on se dit que ça aurait pu être pire et que si ça se trouve, on trouvera le moyen d'utiliser ce mini fer à friser de voyage, même si avec nos cheveux épaississimo il faudrait se lever à 4 heures du mat pour espérer être présentable à l'heure du déjeuner et 4 heures du mat en vacances, ça va pas la tête ou quoi ?

Il y a des années carrément ratées, où le kit à cocktail avec les verres à martinis fluo genre on est à New York et on dirait qu'on est en 1983 ça va carrément pas être possible et que, oh what a shame, le chat il a tout cassé et il a avalé le guide des 111 meilleurs coquetels de Poitou-Charentes qui allait avec.

Mais, pour se remonter le moral, il y a les bonnes années, celles où on reçoit quelque chose de vraiment utile, qui fait authentiquement plaisir et qu'on en vient même à se dire "mais comment j'ai pu vivre jusqu'à aujourd'hui sans cette merveille ?"
Noël 2008 est tombé dans cette dernière catégorie. Mon cadeau me sert tous les jours, et je ne veux pas parler du livre pour m'apprendre à coudre qui, lui, attend son heure prochaine.
Comment vous décrire ma nouvelle meilleure amie – qui détrône la machine à laver à hublot, best friend 08 ?

C'est pas très cher, pas très lourd, moins encombrant qu'une contrebasse, ça peut se prêter mais ça manquera, c'est électrique et ça diffuse.
Mais késseucé ?

C'est une couverture chauffante.
Oui, le truc aux couleurs mochouilles qu'on n'imagine que sur une mémé arthritique avec poil au menton et tablier en nylon.
Je vous vois venir, "Trop la honte, oh la nulle".
Je reconnais que porter la couverture chauffante avec élégance, voire glamour, n'est pas donné à tout le monde et qu'il faut, pour l'assumer, une certaine dose d'humour sur soi.
L'usage de cet accessoire devrait donc être réservé aux gens drôles et frileux, soit une population mondiale estimée à 12 674 individus, mais il a été autorisé à plus grande échelle afin de ne pas tuer une industrie aux fins d'hiver difficiles.

Avant, je râlais contre le froid qui m'empêchait de dormir, je collais mes pieds glacés sur Justin qui subissait, avec le sourire. Maintenant, plus besoin de me rouler en boule pour essayer de me réchauffer, je peux m'étaler sur toute la surface pour profiter de la chaleur. Aux dires de Justin, il semblerait que ce changement dans l'équilibre des températures ait créé une force qui tenterait de l'éjecter du matelas chaque nuit, en se roulant méthodiquement dans la couette chaude, telle une endive dans une tranche de jambon géante, le laissant transi au bord du précipice. Je vous le dis, l'homme ne sait pas se réjouir pour autrui.

Et pour ceux et celles qui se poseraient cette fascinante question, non la bouillotte c'est pas pareil, la couverture est à la bouillotte ce que la lingette démaquillante est au gant de toilette savonneux, y'a pas offense et pardon à l'environnement.


samedi, janvier 17

Y'aura des poneys ?

Aujourd'hui, j'ai fait la connaissance de Shandra.
Shandra est bouleversifiée et l'a fait savoir à tout le playground. Enfin, aux trois malades mentales qui ont mis le nez dehors par un froid pareil, moi comprise.
Mais que ce passe-t-il Shandra ? s'exclame le chœur des ménagères de moins 5°C entre les orteils.
Mais elle va vous le dire ce qui ce passe, sa fille fête ses deux ans dans deux mois.
Supeeer ! Et ?

Shandra est très en retard dans la préparation de l'événement et elle vient d'apprendre quelque chose qui fait vaciller ses convictions les plus solides.
Il semblerait que ce ne soit pas bien vu d'inscrire "pas de cadeaux" sur les invitations à la petite sauterie, ce serait même impoli, elle qui croyait bien faire.
Elle a lu sur son forum que plein de mères de famille trouvent ça empoisonnant sous prétexte qu'elles adorent acheter des cadeaux pour des enfants qu'elles ne connaissent pas et que ce qu'elles adorent encore plus c'est recevoir des cartes de remerciements, qu'elles conservent dans une boite prévue pour, trombonées aux invitations correspondantes, et que cette passion du rangement leur permettra de remettre la fameuse boite à la prunelle de leurs yeux dans, mettons 15 ans, en espérant que la dite prunelle se mette à pleurer d'émotion commémorative.

Shandra voudrait faire plaisir à tout le monde.
D'un côté, celles qui veulent leurs cartes de remerciements, sans oublier le petit sac que chaque invité emportera au moment du départ, garni de stickers, coloriage, brosse à dent à l'effigie de Winnie le poux et autres joyeusetés réalisé par l'hôtesse de la fête.
Face à elles, celles qui pensent que c'est ridicule d'offrir vingt cadeaux à un pauvre gosse de deux printemps qui se mettra à hurler au bout de dix minutes parce que trop c'est trop, sous prétexte que ça ne ce fait pas de ne pas inviter toute sa classe de garderie, avec qui il est ami pour la vie ne l'oublions pas, et que donc, pas de cadals, merci.
Et puis, soyons honnêtes deux secondes, comme tout le monde se réveille à la dernière minute et court chez le Border's le plus proche, ou a son propre stock de cadeaux doublons à écouler, l'infortuné mouflet se retrouve avec quatre exemplaires de "Goodnight Moon" et six de "The Runnaway Bunny", et après c'est à la mère de se creuser la tête pour trouver autre chose en échange – remarquez, c'est l'occase de s'offrir ce bouquin de cuisine provençale qui la faisait rêver mais qu'elle trouvait un peu cher.

La discussion a ensuite dégénérée sur la question "est-il vraiment indispensable de remercier ses invités en leur offrant ce fameux sac cadeau à la sortie ?"
Et la réponse est oui.
Ces mêmes femmes sont d'accord pour reconnaître qu'à moins d'être tombées sur une mère de famille originale et prête à entamer sa fortune personnelle pour offrir quelque chose d'utile, qui ne risque pas d'exploser en douze mille pièces de plastique dans le gosier de leurs chérubins, non toxique, esthétiquement et acoustiquement supportable, le tout multiplié par vingt enfants, ces sacs finissent généralement à la poubelle au bout de quelques heures.
Oui, mais avec la carte de remerciement, personnalisée avec le nom de l'enfant et désignant le présent offert, c'est une tradition – vraisemblablement co-inventée par Mattel et Hallmark je ne vois que ça.
Moi qui ne suis pas physionomiste pour un sou, je ne sais pas comment elles font : vingt cadeaux, vingt prénoms avec noms de famille à retenir plus de dix minutes – oui parce que si vous ne retenez que le prénom, ça vous donne 6 Michael, 3 Jordan et 5 Jenny, vous êtes bien avancé après pour remplir votre carte.
Et puis ne me demandez pas pourquoi il faudrait remercier une nouvelle fois – parce qu'a priori vous avez déjà dit "merci" quand junior a ouvert son paquet - et par écrit des enfants encore illettrés pour être venus se goinfrer de gâteau et de sodas en mettant le souk dans votre salon, je n'ai pas saisi le concept.

Ah, le gâteau, parlons-en du gâteau. Shandra a fait la liste :
- entre celles qui ne laissent pas leurs enfants manger quelque chose qui n'a pas été cuisiné par un professionnel – allez savoir si cette mère n'a pas caressé le chat juste avant d'étaler la pâte en oubliant de se laver les mains, ou pire ?
- celles dont les enfants sont allergiques aux cacahuètes, au lactose, au gluten ou aux œufs,
- celles dont l'enfant est diabétique,
- celles qui de toutes façons ne tolèrent pas de grignotages en dehors des repas parce que l'obésité rôde – OK, ça c'est pour les birthday parties d'expats…
Autant tout de suite s'orienter vers des petits cakes individuels garantis sans allergènes, sans goût, sans sucre, casher et sans calories, artistiquement badigeonnés en vert fluo par le pâtissier du supermarché, c'est moins risqué.

Tout à coup, Shandra a regardé sa montre et a récupéré sa fille en vitesse. Elle attendait un magicien qui venait auditionner pour le fameux jour et il fallait encore qu'elle s'imprime la liste des 35 questions à lui poser, comme "si Jimmy demande à aller aux toilettes, avez-vous un tour moins spectaculaire pour faire patienter les autres pendant son absence, pour qu'il n'ait pas l'impression d'avoir raté le show, ce qui pourrait lui faire de la peine et l'inciter par la suite à se retenir d'aller aux toilettes et donc créer des problèmes sur le long terme ?"

Dans moins de 4 mois c'est l'anniv de fiston, je sens qu'on va s'marrer.


mardi, janvier 13

Satisfait ou remboursé


Je ne suis pas la première à m'extasier sur les services après-vente américains. Ici le "customer service" est à l'avant-scène, il rutile, ce n'est pas le bureau au fond du couloir, celui qui n'a même pas un calendrier périmé punaisé au crépi beigeasse et où on colle Bruno, le stagiaire abruti, mais filleul de la femme du meilleur pote du délégué du personnel.

Ici, oui, le client a le droit de changer d'avis après l'achat d'un tapis en moumoute turquoise de 12m², et s'il trouve que son jus d'orange a un drôle de goût on ne lui répond pas que l'un de ses plombages doit être pourri, comme ne manquerait pas de le faire Bruno.
Mais non, mais non, pas de problème, on présente ses plates excuses, on rembourse, on échange, on distribue des bons d'achats ou, si la réclamation ne nécessite pas autant de petites attentions conjuratoires de procès, des gadgets un peu nases au logo de la marque, on conseille, on ne discute pas et on espère que le client reviendra dépenser plein de sous chez nous très bientôt.

Donc les premiers temps, j'étais impressionnée : y'a pas à dire, ces Américains ont le sens du service. Puis, après avoir eu affaire en six mois à plus de "customers services" américains qu'en quinze ans en France, le constat s'est jeté sous mes roues : l'importance et le soin apporté aux services clients est proportionnel aux recours, et si on y va aussi souvent, c'est que la qualité des produits laisse à désirer ma pauvre Simone.

Reprenons les choses dans l'ordre :
- Chez notre suédois préféré, les rideaux ont des trous, la visserie des meubles à monter est souvent incomplète, et les plantes vertes ont une durée de vie égale au temps qu'il vous faut pour rentrer chez vous, et encore. Bonjour la standardisation mondialisée, tiens. On se croirait dans les années 80 en France, quand il fallait bien trois passages chez le suédois avant de pouvoir monter une malheureuse Billy.

- Chez "Les bébés c'est nous", il y avait l'année dernière un pervers qui sévissait dans le rayon barrières de sécurité en retirant des pièces des emballages ou en endommageant les barreaux. Nous ne saurons jamais ce qui motivait ce désespéré mais comme je ne peux pas garantir la fin de ses activités, surtout faites suivre toute information à ce blog qui transmettra. Acheter 4 barrières identiques nous aura largement permis de roder le moteur de la voiture.

- Chez "La cible", les pantalons achetés pour fiston en 18 mois ont un tour de taille qui conviendrait à son grand frère de 4 ans.

- Chez "La cible" toujours, j'ai acheté une caisse enregistreuse à fiston qui est un maniaque compulsif du bouton qui fait du bruit quand on appuie dessus. Je précise parce qu'il y a deux écoles irréconciliables, voyez. Par exemple, son copain Léonard aime toutes les télécommandes, avec ou sans piles, il s'en moque. Fiston non, il faut qu'il se passe quelque chose sinon où est le plaisir ?
Donc, une jolie caisse rouge et beige, avec un tapis qui roule, une balance qui pèse, des touches qui bipbip et un tiroir caisse qui driling quand on l'ouvre. Mais le truc le plus mieux, c'est un micro qui vous fait une voix saturée de caissière excédée par le responsable du rayon produits d'entretien qui ne répond pas à l'appel.
Pendant deux jours fiston a dû se battre pour accéder au tiroir caisse, parce que j'enchaînais les annonces et que ça rigolait jaune dans la salle repos de ma superette c'est moi qui vous le dis - "Gilbert est attendu en caisse n°2, merci" "Gilbeeert siteplé caisse n°2" "Gilbert tu as exactement deux minutes pour virer tes fesses du canapé, merciii".
Le tapis roulant nous a fait une petite frayeur mais finalement rien de méchant. Non, celui qui nous a quittés, sans prévenir, c'est le micro. Fiston a bavé dessus en lançant un ultime "pouca pouca herqui" (pour les non linguistes, je précise que herqui veut dire merci, et je calme les admiratifs, non, fiston n'est pas le fils illégitime de Nadine de Rothschild, mais plutôt celui d'un perroquet. La signification de Pouca, par contre, reste obscure, avis aux experts), et fini, plus rien. Je suis à deux doigts d'aller pleurer chez "La cible", mais avec la bave de fiston et les traces de dents un peu partout ça va être difficile de plaider le "I don't know what happened, I just opened the box and bam, no micro." Que vais-je devenir ?

- Chez le revendeur Mieleux du coin – quand je dis le coin, c'est pas le coin de la rue hein, il faut compter une bonne heure aller-retour, on est repartis avec un aspi comme chez nous. C'est quand on a voulu s'en servir, deux mois plus tard donc, qu'on s'est aperçu que le manche principal était pété, et qu'une autre pièce aussi.
Pour les deux mois plus tard, je goleri, herqui.

- Le jour où j'en ai eu ras le pompon de courir après fiston pour essayer de l'asseoir sur sa petite chaise à l'heure du repas en collectant les bouchées à moitié mastiquées dans son sillage, une belle chaise évolutive – avec harnais - a fait son entrée dans nos vies. Super affaire sur internet, dépêchez-vous, il n'y en aura pas pour tout le monde, on se dépêche, il en reste une pour nous, ouf. La chaise pour enfant la plus chère à l'est du Pecos arrive, on (heu, Justin) la monte, et on se demande si c'est normal qu'elle soit aussi bancale. A ce niveau là, ce n'est même pas la peine d'y mettre votre bébé de six mois, autant le balancer direct par terre vous gagnerez du temps. Forcément, le temps qu'on fasse l'échange, notre couleur n'était plus dispo.

C'est à se demander s'ils n'ont pas carrément supprimé les services "contrôle qualité" en recasant le personnel dans les services après-vente.


vendredi, janvier 9

Et pif, Annie

Je ne rate jamais la galette des Rois, la frangipane c'est mon faible.
Slurp, une part de galette tiède avec un verre de lait froid pour le goûter, quel régal, j'en salive sur mon parquet.

L'année dernière, quelques mois après notre arrivée ici, l'angoisse est montée juste après Noël. Comment allais-je survivre sans au moins UNE part ? Je sais que ça fait un peu junkie, mais je tiens à signaler pour ma défense que l'année encore d'avant, je n'avais pas pu en profiter à fond – à savoir, sur une période incompressible de 30 jours - pour cause de diabète gestationnel et que donc, légitimement, j'étais en droit de réclamer double ration.
Bon, OK, sur sommation de ma conscience sourcilleuse, je dois ajouter que les examens de contrôle du diabète ont été fait EN PLEINE période de l'épiphanie et qu'il se pourrait qu'un léger abus de frangipane les jours précédant la prise de sang ait finit par déclancher un phénomène d'intolérance au sucre chez un organisme saturé de glucose.

Donc angoisse, disais-je, pas de galette au pays des cupcakes fluo.
Je ne sais pas d'où me vient cette idée, mais j'étais persuadée que pour la faire soi-même il fallait avoir suivi un stage chez Lenôtre (pauvres nous, c'est trop tard maintenant, de toutes façons), et comme ma seule formation en cuisine a été assurée par ma tante du sud-ouest et que tout ce qui ne nécessite pas un bon demi-litre de graisse de canard pour une livre de produit n'est pas admis dans sa cocotte, point de galette au menu, et c'est tant mieux me direz-vous.
Mais ma vision du monde a un peu changé quand Caroline est venue dîner avec une belle galette homemade. Même qu'elle soutenait que c'était fastoche à faire. J'ai dit "Houa, t'es trop forte, jamais je pourrai", et je ne l'ai pas crue.
On sait ce que c'est, les nanas qui triment comme des galériennes du faitout pendant deux jours dans leur cuisine et soutiennent que non, non, les six douzaines de sushis et les cinquante-huit raviolis vapeur c'est vraiment rien à faire, j'te jure.

Donc cette année, ma décision était prise, j'allais tenter le tout pour le tout, j'allais me lancer dans cette grande aventure des cuisinières des temps modernes, de celles qui regardent de haut l'intoxication alimentaire et se jouent d'une pâte feuilletée réputée hyper casse-gueule à faire : j'allais faire ma propre galette, géante, fourrée d'un bon kilo de frangipane, une galette obèse.

Je vous fais donc part de ma recette, testée pour vous.
Pour faire une bonne galette, il faut :
- une motivée qui se dit que tant pis, il gèle dehors mais elle ira quand même chercher cette poudre d'amande au péril de ses orteils.
- un fiston qui décide de coopérer à sa manière et réchauffe préventivement sa mère en se mettant à courir partout pour l'empêcher de lui enfiler la mancagoufle, la panoplie manteau-cagoule-moufle.
- une cuisinière, poussant un enfant hurleur, qui touche les limites du zen et préfèrerait de beaucoup mettre la main sur un paquet de poudre d'amande mais visiblement ça ne se fait pas dans ce pays.
- la même, munie de la poudre qui en fait s'appelle farine il fallait le savoir, qui décide d'abréger ses souffrances et saute sur une pâte feuilletée un peu chère mais avec une belle médaille dorée sur le paquet qui dit qu'elle est bonne.
- une recette trouvée sur le oueb et une fève mal sucée et encore incrustée de vieille frangipane dans un tiroir.
- un fiston qui sieste.
- Un mari pour la manger.
- 32 minutes à 425°F

J'ai eu la fève.

Oui, je l'avais nettoyée.

mardi, janvier 6

Y'a plus de saisons

Question existentialo-philoso-à-deux-balles du jour : est-on encore un vrai Français quand on rate toutes les grandes expériences météorologiques de ses compatriotes ?
Je m'explique.

Ce n'est pas moi qui vais vous apprendre l'importance du temps qu'il fait, ni l'intérêt que l'on porte à savoir celui qu'il fait chez les autres.
Et quand toutes nos connaissances vivent un événement climatique hors du commun et que l'ensemble de la France métropolitaine y a droit, de quoi parle-t-on puisqu'on n'est pas là pour le subir ?

Cette question a commencé à me turlupiner après le Noël 1999.
J'étais seule à Paris, j'avais travaillé, vu des copines, pas regardé la télé et peu mis le nez dehors. C'est donc comme une fleur poussée de la dernière averse que je me suis pointée à la Gare Montparnasse, au petit matin, prête à me tailler dans le sud-ouest. Le hall était désert, les panneaux d'affichage des TGV hors service, les boutiques fermées et deux ou trois pékins avec valise battaient la semelle sans trop comprendre. Des étrangers sûrement.
Une tempête ? Quelle tempête ? J'avais bien noté un peu de vent en fermant les volets mais pas de quoi décorner les bœufs non plus. Et puis après, ben ma foi, quand je dors, je dors.
J'ai dû attendre la réparation de l'antenne sur le toit pour pouvoir admirer l'ampleur des dégâts et réaliser que j'étais complètement passée à côté d'un truc dont on parlerait encore dans vingt ans, et que moi je ne pourrais jamais dire "oh oh la la, je me rappelle, c'était quelque chose" en étant sincère. C'est comme si j'avais été cryogénisée et que j'arrivais tout droit d'une galaxie parallèle.
La tempête du siècle, 80 morts, des forêts dévastées et moi je pionçais, peinarde.
De toute façon, foutue pour foutue, j'avais déjà raté l'éclipse totale du 11 août.

Pour l'hiver 2002-03, j'étais à Washington avec Justin – oui, on a un abonnement – et mes voisins ont bien rigolé quand ils ont vu mon manteau de parisienne dépérir dans la cinquantaine de centimètres de neige amoncelée sur les trottoirs.
C'est qu'il n'a pas qu'un peu neigé cet hiver-là. Les flashs d'alerte à la télé étaient quasi-quotidiens, les journaux hystériques sur le thème On va tous mooouuurir, et la municipalité de Washington a fini par ne plus avoir de crédits disponibles pour le déneigement des routes secondaires et des trottoirs. La ville a même été paralysée, les gens sont restés chez eux, c'est dire l'importance du phénomène.
Je faisais partager cette météo dingo à la famille et aux amis qui ne manquaient jamais de demander "et vous avez quel temps" ? Ils répondaient "ouah" et voilà. L'hiver 2002-2003 a été un hiver normal de mémoire de Français, pas de chutes de neige hors normes à signaler, donc circulez, rien à raconter.

En août 2003, nous nous préparions à passer 10 jours au Guatemala et à rentrer à Paris. De la chaleur caniculaire et des 19 500 morts, nous n'avons entendu que des "Pfff, qu'est-ce qu'il fait chaud, 28°C cette nuit !" Complètement à la masse là aussi, on a réalisé début septembre, en rentrant.
Maintenant, dès qu'il fait très chaud plus de trois jours consécutifs, tout le monde reparle de la canicule, où ils étaient, combien il faisait, qui a failli mourir, et ces pauvres vieux que personne n'a réclamé et mon Dieu mais dans quel monde on vit. Je ne peux que faire celle qui comprend, parce que je n'étais pas là et que je ne sais pas comment c'était.

Et là, de nouveau aux Etats-Unis mais cette fois-ci branchée sur le 20 heures, je note que le climat fait à nouveau des siennes en France. ça caille tellement que les présentateurs météo se sont mis à donner les températures en "ressenti", à l'américaine, et non plus sous abris pour tenir compte du petit vent frais qui congèle les gambettes, il n'arrête pas de neiger, pour un peu on patinerait sur la Seine, les avions ne décollent plus et, encore une fois, je ne suis pas là, je rate tout.

Chez moi aujourd'hui il fait 0,6°C et il pleut. C'est la louze.

vendredi, janvier 2

Pastiche (51)


Quand d'autres risquent l'ablation accidentelle du pouce gauche en jouant au chirurgien avec des huîtres et que la sphère blogueuse est désertée, je pastiche sans modération.
Avant de répondre à la question qu'au moins onze d'entre vous se posent, "mais c'est un pastiche de qui, de quoi ?", je dois féliciter et jeter sur le devant de la scène Flo et Quadra et compagnie qui ont su ouvrir l'œil, et le bon, comme disait mon grand-père qui n'était pas le dernier pour une franche rigolade bissextile.

J'avais donc choisi de pasticher deux blogueuses assidues que j'aime beaucoup lire. Leur style est diamétralement opposé, ce qui m'a facilité les choses avouons-le, et leur univers reconnaissable de loin.
Pastiche (1) fait référence à Madame L., et à ses billets du soir ornés de photos qu'elle publie chaque jour. Poétique et suranné, son blog est un conte sur les petites choses de l'ordinaire.
Pastiche (2) s'est frotté à a n g e l, une mine de textes (depuis 2004 !) pour faire rigouler les gens tous seuls devant leurs ordis et ça marche tellement bien qu'il vaut mieux éviter quand on est au boulot, surtout en open space.

Flo, Quadra et compagnie : ne croyez pas que vous allez vous reposer sur vos lauriers. Sans le savoir, vous avez remporté le droit d'être taguées, mais quelle chance, quel honneur et quelle joie surtout. Pour assurer un semblant de parité, je tague aussi Yibus, parce que je sais qu'il aime écrire et parce qu'il n'est pas à une figure imposée près.
Pour rassurer ceux qui ne sont pas familiers des blogs, quand je tague quelqu'un c'est que je lui fais une proposition, je l'invite à répondre à un questionnaire, à relever un défi littéraire etc, je ne me pointe pas devant chez lui avec mes bombes de peinture fluo.
Je vous invite donc à pasticher à votre tour un ou deux blogs de votre choix, de la photo du jour à la recette de cuisine, en passant par le tour d'Auvergne en patinette et sans les mains, le but étant de nous faire (re)découvrir des blogueurs que vous appréciez.
Attention, il ne s'agit pas d'imiter, mais bien d'écrire votre post personnel à la manière d'un autre blog, avec son style et non le vôtre.
Si vous acceptez, vous pourrez alors, à votre tour, balancer la patate chaude à ceux qui auront deviné, ou à vos pastichés.

En 2009, tu marneras comme un bœuf.