samedi, février 28

J'te cause plus #2


Voilà des jours que je presse mon ciboulot pour mettre au point une définition du Monde du dessous, une description claire et nette, deux-trois phrases limpides qui tailleraient si bien le costume de cette mère underground que vous vous seriez exclamé "Ah, mais j'en connais, oh, en fait c'est moi", mais comme je cherche encore et que je me vois mal mettre ce blog en veilleuse jusqu'à la Trinité en attendant que la clarté frappe mes méninges fatiguées par un hiver qui a trop duré y'en a marre, le printemps c'est quand il veut, et parce qu'essayer de noyer le poisson ça fait rigoler cinq minutes mais pas plus, tant pis, je me jette dans la fosse aux concepts tout pourris qui tiennent pas la route.

Pour vous donner quand même une idée, je dirais que le Monde du dessous rassemble les parias du playground, celles qui sont un peu à côté de la plaque d'une manière ou d'une autre.
Présenté comme ça, vous vous sentez immédiatement concerné, non ?
Et pourtant, je suis une mère du Monde du dessous.
Voilà, maintenant que j'ai fait mon coming out, ça va détendre l'atmosphère.
"Oh mais non, pas toi, tu es trop… enfin, t'es pas assez…"
Et pourtant si, voyez plutôt.
Je suis étrangère et je parle pas pareil que les autres à mon enfant.
Pour les unes, je suis trop élégante pour un mardi matin au parc du coin, entendez que j'ai fait l'effort de virer mon bas de pyjama et que j'ai même mis un pantalon non molletonné et prévu pour être porté à l'extérieur de chez soi, alors que pour les autres je suis un affront sur pattes à Oscar de la Renta.
En général, je n'emporte pas de nourriture pour une heure de toboggan à cinq minutes à pieds du frigo parce que dans mon pays on est convaincu qu'un enfant peut survivre jusqu'à 3, voire 4 heures sans nourriture.
Je suis capable de me fâcher, de dire non et de ne pas céder à un bon gros caprice, ignorant les roulements de fiston au sol et les regards choqués des Perfect Mums alentour, ce qui suffit déjà en soi à m'exclure de cette dernière catégorie.

Dans le Monde du dessous, il y a aussi celles qui sont un peu baba aux entournures, bandana dans les cheveux et pied nu en hiver dans leurs sabots fourrés. On se dit qu'elles ont raison de ne pas se prendre la tête, vieille salopette deux fois trop large et taches de compote sur le tee-shirt, mais leur coolattitude ne résiste pas à l'arrivée de quelques Barbies girls.
On la voit alors s'approcher du cercle pour tenter un "Hi Kirstie, hi Jen !", donnant à entendre aux autres nullasses comme moi qu'elle, au moins, connaît leurs prénoms. Son bonjour ne récolte jamais plus qu'un regard lointain et à ce moment la baba revit ses années lycée, ses tentatives pataudes à copiner avec ces filles trop populaires pour accepter quelqu'un de pas assez comme elles.
Mais ce qui est encore plus pathétique que ces atermoiements d'une trentenaire mal habillée qui rêverait de luncher avec Barbie, c'est quand la fille de la baba, appelons-la C., se fait pousser sur l'escalier du grand toboggan par Skipper, la fille d'une des Barbies ici présente.
C. fait comme on lui a appris et demande à l'autre fille de s'excuser en lui disant qu'elle lui a fait mal.
Skipper fait comme sa mère et ne tourne même pas la tête, dégringole le toboggan et repart dans l'escalier.
C. redemande à Skipper de lui présenter ses excuses, parce qu'elle lui a fait vraiment mal, ou peur, bref.
Skipper s'en tape le coquillard et part ailleurs avec ses amis.
C. se tourne vers sa mère et lui demande, en pleurant, d'obliger Skipper à lui demander pardon.
La baba se retrouve alors bien dans la mouise puisqu'il est hors de question qu'elle se mette à courir après Skipper, la seule chose à faire en pareille circonstances étant de s'adresser aux parents. Or, la baba sait parfaitement qu'elle ne peut pas interrompre le cercle pour un truc de ce genre, elle qui travaille si fort à ce qu'un jour une des filles lui réponde enfin.
Que faire ?
C. pousse sa mère à intervenir, de plus en plus fort, et deux têtes du cercle viennent de se tourner pour voir qui peut bien être aussi nuisible à leurs tympans délicats.
Que faire ?
La baba traîne sa fille hurlante à l'autre bout du parc pour la consoler dans un coin et lui expliquer que Skipper ne s'est pas rendue compte de l'accident et que donc elle ne peut pas lui demander de dire "I'm sorry".

Dans le Monde du dessous, il y a aussi celles qui sont juste bizarres, pas nettes, un peu fêlées.
Celles qui font de la balancelle avec leur fille de six ans en mettant tout leur poids dans le mouvement et en hurlant, hystériques, "Out of controoool !", jusqu'à ce que leur fille terrifiée soit éjectée en vrac deux mètres plus loin.
Celles qui vous voient tous les jours et demandent, tous les jours, l'âge de fiston.
Celles qui viennent au parc avec leur fils de 4 ans qui a des difficultés de concentration et qui vous expliquent, faux fusil de chasse hyper réaliste cassé en deux et cartouches à la main, que viser la cible électronique posée au pied d'un arbre n'a rien d'un jeu pour sa famille, c'est un exercice scolaire.

Le Monde du dessous abrite aussi les décalées, celles qui à 40 piges s'habillent et se coiffent comme leurs mères de 75.
Celles qui s'improvisent instits et épèlent tout ce qu'elles disent à longueur de journées : "Oh, regarde le e-c-u-r-e-u-i-l, il est en train de m-o-u-r-i-r ".
Celles qui ne parlent que sous forme de questions : "Est-ce qu'il y a quelque chose de mieux qu'un peu de lait quand on a soif, hein Johnny ? Tu t'amuses bien Johnny ? On va bientôt y aller, okay Johnny ?"
Celles qui ajoutent un peu de vodka ou de rhum dans leur thermos de café pour se donner du courage.
Celles qui seraient perdues sans leurs anti-dépresseurs.
Celles qui mangent le goûter de leurs enfants en douce parce qu'elles ont la dalle, oh non ça c'est mal.

Nous toutes avons bien de la chance parce que les Perfects Mums disent bonjour au Monde du dessous, elles, mais c'est normal, elles sont parfaites.

Allez, un peu de patience et vous saurez ce qui les rend si parfaites.




jeudi, février 19

J'te cause plus #1

Je vous aurais volontiers fait une saga sur mes vacances de quinze jours les pieds dans la mer des Caraïbes, mais comme j'ai préféré annuler et rester sous la grêle et dans le froid, je me rabats sur My playground drama de fin d'hiver, que même HBO peut se brosser pour l'avoir en exclu, c'est tout pour vous. Comment je vous gâte, si remerciez-moi, y'a pas de raison.

Mais quelle idée bizarroïde, annuler les Caraïbes et labourer le mulch de son parc pour y trouver des trucs à raconter? Vous n'avez pas tort mais, croyez-moi, il s'en passe des choses entre les balançoires et les toboggans, des trucs pas très nets même. A côté de ça, les Caraïbes c'est de la gnognotte et je ne me déplace pas pour si peu.

Autant que vous le sachiez tout de suite: le playground, c'est la cour de récré, et je ne dis pas ça à cause des garçons qui se poursuivent en brandissant des branches d'arbre à la pointe acérée et meurtrière. Ni à cause des filles qui conciliabulent en secret dans le dernier wagon du petit train et s'arrêtent tout net dès qu'une autre fille s'approche pour jouer avec elles, s'éloignant en riant et la laissant pleurer toute seule en queue de convoi.
Tout ça est finalement très classique.
Non, les vrais coups bas partent de plus haut. Les remarques vachardes et les coups d'œil qui n'en pensent pas moins se savourent entre grandes personnes, et je dirais même entre femmes si je n'avais pas peur de me faire traiter de sexiste traître à la cause.

Dans le playground le plus proche de chez moi, celui que je connais le mieux donc, il faut choisir son camp. En gros, je dirais qu'il y a 4 catégories d'adultes : la Barbie girl, le Monde du dessous, la Perfect mum et les Nannies.

Aujourd'hui vous allez faire la connaissance de Barbie girl.
(L'auteur décline toute responsabilité si à la lecture de ce billet I'm a Barbie girl in a Barbie wo-o-orld se met à trottiner dans votre tête, z'avez qu'à avoir des références musicales potables, Come on Barbie, let's go party!)

Pour commencer, la Barbie girl n'est pas obligée d'être blonde mais c'est quand même mieux, même si dans la sous-section 2 des statuts du groupe il est rajouté que châtain clair avec balayage c'est limite mais ça peut encore passer. Bien sûr le brushing n'est pas optionnel.
La Barbie est une ancienne membre de l'équipe des cheerleaders de son lycée, à savoir les greluches supportrices de leurs équipes mâles de sport co, en mini jupettes et culotte assortie au maillot et ouf de soulagement car vu la hauteur du jeté de jambe… dois-je rappeler que les matchs sont des lieux où s'exprime la joie de se barber en famille sur des gradins ?
La Barbie girl, et ça lui est très utile dans sa vie de tous les jours, est passée maître en maniement de pompons, hurlement de "Youhou" et classement alphabétique " J-U-N-I-O-R H-I-G-H, JUNIOR HIGH!!!! Youhou!!!" et elle est souvent devenue un peu sourde à force.

Si Barbie préfère rester avec d'autres Barbies dès qu'elle met le nez hors de chez elle, c'est parce que le meilleur plan botox de la ville ou le dernier truc médicalement certifié pour perdre trois kilos en deux heures ça ne se partage pas avec la première venue.
Donc, la Barbie girl retrouve ses semblables au playground. Elle est toujours bien habillée – enfin, ni jogging ni pyjama - maquillée – houlà, beaucoup trop - et ne recule jamais devant un abus caractérisé de laque et crêpage de queue de cheval.
Pour le plan d'occupation du sol, les Barbie girls lâchent leur marmaille et se plantent, en cercle, en plein milieu de l'aire de jeu, ce qui leur permet d'être vues de partout, et donc, limite les risques d'avoir à se déplacer pour faire un contrôle visuel de la situation. C'est qu'il ne manquerait plus qu'elles aient à intervenir dans les jeux de leurs enfants bien repassés et priés de ne pas se rouler dans la boue.

Elles arborent la même longueur de cheveux, le même nez et font semblant d'ignorer que le monde autour hallucine sur leurs implants mammaires. Elles rigolent en cascade et leur cercle ne connaît pas les temps morts d'une conversation normale. Il faut faire vite, faire rire et faire envie, en moins de 8 minutes, temps moyen de parole imparti à chacune. Le cercle ne se rompt pas et la tentative d'un "Bonjour les filles" de la part d'une désespérée de la catégorie numéro 2 ne récoltera pas même un regard. Le cercle est sourd au Monde du dessous.

Il peut exceptionnellement arriver que la Barbie girl se retrouve seule en terrain découvert. Elle dégainera aussitôt son portable et ne le lâchera qu'une fois bien à l'abri derrière le volant de son énooorme SUV, ou peut-être pas d'ailleurs car la Barbie girl sait à peine conduire avec ses deux mains libres et trouve que papoter avec ses pinecos plutôt que regarder la route c'est plus le fun dans sa vie.
Le Barbie truc c'est d'avoir un forfait i-phone illimité, sinon elle est obligée de faire ses courses en silence et seule et ça c'est la loose de la Barbie.

Mais le Monde du dessous n'est pas loin, il rôde.



vendredi, février 13

An apple a day


Toute préoccupée que j'étais par fiston malade, mais aussi par la perspective d'un Justin Newyorkant sans gants ni manteau, et donc finissant par me chourer la polaire que j'avais emportée, je me suis finalement laissé convaincre par une grand-mère passée 5ème dan en matage de virus et un Justin décidé à arpenter du musée.
Et puis ce n'était pas comme si on partait à l'autre bout du pays, ou que l'occasion risquait de se représenter de sitôt.
Et des voisins étaient prêts à accompagner chez le pédiatre en cas de besoin.
Et ce n'était que pour 2 jours.
Et il fallait bien que je fête le retour de mon boîtier de chez Nikon, juste à temps.
Et pas du tout, je ne cherche pas à me justifier.

New York, nous voilà.

D'habitude nos nuits à New York c'est plutôt auberge de jeunesse avec lits superposés et radiateur glougloutant toute la nuit, pieux squatté chez les parents d'un ami ou chambre d'hôtel microscopique ouvrant sur un mur. Mais là, attention les mirettes, on se l'est joué aventuriers des temps modernes, parieurs sur internet. Le principe et simple : vous choisissez un quartier, un nombre d'étoiles et vous indiquez la somme que vous consentez à payer pour la nuit. Après, c'est le site qui vous dit si votre enchère a été acceptée, et si oui, par quel hôtel. Suspens suspens.

C'est comme ça qu'on a choisi Times Square, autant assumer sa touriste attitude jusqu'au bout, et qu'on s'est vu attribuer une piaule au Hilton, excusez du peu.
Bon, je ne vais pas cracher dans la soupe, ça vous changera, mais quand même : pas de bouteille d'eau, deux pauvres sachets de sucre pour le café, 1 unique kleenex remis en boule dans sa boîte et même pas de gel douche, j'ai dû me laver au shampoing, c'est moyen niveau confort international standardisé 4 étoiles à tous les étages, ça.

Comme j'avais une soif de chameau en rupture de jeûne, je suis allée dans la salle de bain pour remplir le verre à dent. Tellement chlorée que même l'eau à l'intérieur de la javel n'avait pas pu survivre, infect, pouarc, vite mon crachoir.
Donc, parce que c'est le Hilton et que la maison ne recule devant aucun sacrifice, j'ai ouvert le minibar.
A quoi reconnaît-on la ploucasse de service ?
Au geste qu'elle fait pour attraper un mini-micro tube de N et N's pour voir à quoi ça ressemble, "Oh ben à $4 ça doit faire dans les 50 cents le confetti au mauvais chocolat que y'a même pas de vrai beurre de cacao dedans".
La ploucasse, non seulement attrape le tube de N et N's, ce qui déclenche un ressort pour pousser vers l'avant le tube suivant, mais elle ouvre des yeux ronds quand le cadran plein de numéros sur le haut du petit frigo se met à afficher "$4" en clignotant et en bipant. La ploucasse réalise alors que c'est comme ça qu'ils comptabilisent ses consos. Trop tard ! La ploucasse, radine, se dit "Ah ben non alors, les bâtards, manquerait plus que ça", et elle reglisse le tube dans la tirette, ce qui immanquablement redéclenche le ressort. Le frigo rebip, reclignote et refacture $4. N'est pas ploucasse qui veut.

Ensuite on a visité Times Square. Il faisait froid, y'avait des vendeurs de places de spectacle partout, tenant des extraits de critiques de journaux qui disaient, quelle que soit la pièce, que c'était le spectacle le plus "Waouh de l'année", le plus "Incroyable du siècle" ou le plus "Drôle jamais joué à Broadway". Plein de vendeurs de bonnets aussi et, prise dans l'ambiance, j'ai même failli m'en acheter un, avec les tresses sur les côtés que si t'as une moustache on te prend pour Depardieu jouant Obelix.

A Times Square c'est plein de lumières et c'est un peu Lost in translation, mais en anglais et sans décalage horaire. C'est rigolo, ça clignote, ça fait de la musique, c'est rouge, bleu, doré. C'est rigolo, ça ne s'arrête jamais, ça fait plein de bruit, on a mal à la tête, ça sent la frite et y'a pas moyen de manger ailleurs que dans une chaîne de restos. C'est rigolo, y'a pas une place de parking à douze blocs à la ronde, et quand je dis pas une, c'est pas une. C'est rigolo parce que pour économiser les $54 que facturait l'hôtel pour se charger de notre voiture, on a fini par échouer dans un parking privé à un quart d'heure de marche et payé $40.

A Times Square, il y a un énorme "Les jouets c'est nous", et tous les parents de jeunes enfants nous avaient dit "Allez-y, vous allez trouver un super cadeau pour votre fiston". En avant, marche.
Fiston peut toujours se rhabiller pour le cadal, mais son père, par contre, a flashé sur la démonstration d'un tout petit hélicoptère, tout léger, "Même si il tombe, il peut pas se casser, regarde, les hélices sont molles, c'est génial… Mais non, ça ne serait pas raisonnable… hein, ça ne serait pas raisonnable ? Et si on colle Chesapeake au régime pendant trois mois, ça le fait, non ?"
Donc, depuis, Justin se prend pour le héros de Supercopter et je nourris le chat en cachette.

Et puis il y a eu une demi-journée au MOMA aussi.
Visiter le MOMA 24 heures après la Barnes, c'est comme jeter sa fournée de macarons ratés et déguster des Ladurée à la place en se disant que dans la vie y'a des trucs pas croyables tellement ils sont parfaits.

Et puis à New York il y a le hasard, un ami de Paris envoyé par son boulot et croisé le temps d'un dîner.

Et puis il y a des découvertes, des chocs, des "Mais qu'est-ce qu'ils m'ont foutu chez Nikon, je suis paumée dans mon menu, j'y retrouve plus rien… Mais, attends, non, j'y crois pas !".
Et il y a des Justin qui "Allons bon, qu'est-ce qui ne va pas encore avec ton Nikon, t'as des taches ?"


Ce
n'est
pas
mon
boîtier.

mardi, février 10

Renoir comme une taupe

Allez, le suspens a assez duré et comme l'immense majorité d'entre vous l'avez deviné, nous avons finalement quitté le navire et laissé la grand-mère s'occuper du convalescent, le tout sans même nous prendre pour de mauvais parents, tant qu'à faire, hein.

Comme un arrêt à Philadelphie était prévu de longue date pour aller découvrir la Barnes Foundation, on s'est dit qu'il serait toujours temps après la visite de poursuivre la route vers le nord, ou de tourner les talons et revenir au chevet du malade.

Je préfère vous mettre en garde, on ne va pas "à la Barnes" comme on va chez le coiffeur.
On réserve 20 à 40 jours en avance, en indiquant, par ordre décroissant de préférence, ses plages horaires d'arrivée. Si on est bien informé, on réserve aussi une place de parking, ce qui évite d'avoir à se taper deux kilomètres à pied sous la neige car la Barnes est en pleine zone résidentielle, avec zéro place pour se faire un créneau des familles sur verglas, rien.

Une fois garées, Mesdames, il faut ranger vos escarpins car tout talon inférieur à 2 inches de diamètre est considéré comme potentiellement fatal au parquet, même pas marqueté permettez moi d'ajouter. Mephisto doit sponsoriser le lieu puisque ça nous fait tout de même un talon de quasi 5 centimètres de diamètre, voilà déjà de quoi chambouler mon sens esthétique de haute volée.

Si vous avez des ados en stock, examinez attentivement leur pull. Les vêtements qui ne moulent pas le corps doivent être déposés au vestiaire ("fit snugly", c'est pas moi qui le dis). Et non, ne vous dites pas que pour simplifier les choses, ils n'ont qu'à faire la visite en tee-shirt. Vous avez oublié qu'à la fin de votre inscription en ligne, on vous a prévenu que les locaux sont maintenus à une température constante de 70°F (21°C°), et que donc une petite laine n'est pas de trop.

Vous laisserez vos caméscope, appareil photo, bloc note et pinceaux mâchouillés au vestiaire puisqu'il est même interdit de faire des croquis, si jamais vous faisiez dans la copie d'impressionnistes au stylo 4 couleurs c'est rapé, et vous veillerez à rester à une distance de 18 inches de tous les objets (46 centimètres). Pour ce dernier point, n'ayez crainte, un très beau scotch noir collé au sol est là pour vous le rappeler.

Ce que je vous recommande, mais ce n'est bizarrement pas conseillé, c'est le port de la minerve, extrêmement utile au bout d'une heure de visite à se tordre les vertèbres vers le plafond, non pas que ledit plafond ait un intérêt particulier, mais c'est quand même lui qui a la meilleur vue sur pas mal d'œuvres, grâce à un type d'accrochage et de disposition des tableaux connu sous le nom de "Plus y'en a, mieux c'est".

Vous me direz, "Mais arrête donc de râler deux secondes et enchante-nous avec les peintres que tu as admirés, fais-nous rêver en évoquant leurs palettes, donne toi un peu de mal et parle de la peinture burdol !"
Puisque vous le prenez sur ce ton, je vais partager avec vous une théorie qui m'est venue en cheminant gaiement de salle en salle, gentiment cornaquée par deux gardes et trois chiens de berger : Renoir n'avait rien d'original, le pauvre gars était juste myope. J'irais même plus loin en déclarant devant témoins que Renoir est à la peinture ce que David Hamilton est à la photo, et David Hasselhoff à l'automobile pendant qu'on y est.
Ne croyez pas que je dis ça à la légère, j'ai eu incroyablement le temps de peaufiner cette affirmation qui s'apprête à ébranler le monde de l'art puisque la Barnes ne lésine pas et offre à vos regards, non pas 50, ni 100, ni 150, mais 181 Renoir Mesdames et Messieurs, oui 181, 1-8-1.

J'aime pas Renoir.
Pas une salle sans au moins une paire de toiles floues avec des femmes à la peau rose comme un petit cochon de lait et au regard aussi expressif que ledit petit cochon d'ailleurs. Tiens, v'là que me vient une question : y avait-il un charcutier dans la famille Renoir, je ne sais pas, même un vague oncle ? Ceci pourrait expliquer cela.
A intervalles réguliers venaient des paysages qu'on aurait dit le sud, made by Cézanne en personne. 69 quand même.
59 Matisse mais c'est pas les meilleurs, 46 Picasso et alors là, on se demande encore où ils étaient les 46. Je rappelle que 1-8-1 Renoir Mesdames et Messieurs, mes cornées et rétines ont pris des mesures drastiques d'auto-protection et sont allées tchatcher avec celles de Justin, dehors. A pas vu les Picassi.

En sortant nous avons téléphoné et les nouvelles du malade n'étaient pas terribles. Pas alarmantes non plus mais pas top quand même. Il neigeait, Justin avait oublié son manteau à la maison, nous n'étions qu'à deux heures de route… dans les deux sens…

Siiiiiiiii, je le refais !

To be continued.



jeudi, février 5

I want to wake up in a city

Si fiston lit ces lignes, qu'il soit assuré de toute mon affection, et de toute celle de son père itou, là n'est pas le sujet.
Oui, mon fils peut lire mon blog si il veut, c'est un geek, un vrai. C'était pas difficile à comprendre vu l'énergie qu'il dépense à me faucher le mulot pour cliquer dessus comme un stakhanoviste et à se hisser sur la pointe des orteils pour assommer mon clavier de son poing baladeur si l'occasion lui est donnée, soit à chaque fois que je perds de vue son potentiel de faiseur de boulettes à la chaîne et que je commets l'erreur fatale de lui tourner le dos.
Mais là encore, ce n'est pas le sujet.

Vous l'ignorez, mais nous sommes passés à un cheveu d'un drame majeur. Enfin, quand je dis "nous", c'est pas vous, c'est juste nous, Justin et moi, à moins que vous aussi ayez frôlé l'annulation du week-end de farniente new-yorkais, ce qui n'est pas statistiquement impossible mais relativement peu probable alors arrêtez de tout ramener à vous.

Tout s'annonçait au poil : une grand-mère expérimentée et pas du tout impressionnée par les cascades et galipettes de l'énergumène, un Nikon tout beau – Hein ? Quoi ? Mais alors Tu l'as récupéré ? Ne vous affolez pas, nous y reviendrons - , un temps annoncé magnifique et un hôtel en plein Times Square.
Seulement voilà, je ne savais pas que mon salon avait été choisi par une bande de virus mal élevés comme camp de base en vue de l'invasion éclair du Maryland, opération qui restera dans l'histoire sous le nom de "Liquidation totale".
Fiston a rendu les armes le jeudi matin, la veille de notre départ. Comme je ne suis pas une mauviette, surtout quand c'est les autres qui souffrent, je ne me suis pas affolée, j'ai laissé la nature suivre son cours comme le ruisseau qui dévale la montagne et la poussière retourner à la poussière, si vous voyez ce que je sous-entend pas du tout lourdement.

Quand les choses ont commencé à se précipiter et que fiston s'est transformé en enfant super sage, genre je reste assis devant la télé sans broncher, avec télécommande à portée de main et je ne la remarque même pas, je me suis dit qu'un passage chez le pédiatre ne serait peut-être pas inutile. Quand, une heure après, le même enfant tout sage s'est mis à refuser toute boisson en devenant de plus en plus blanc et calme, on est partis.
Après trois-quarts d'heures d'attente durant lesquels le fiston s'est endormi dans mes bras, j'en étais à me dire qu'une amputation spontanée de mes deux avant-bras archi-ankylosés n'était pas à exclure quand m'est venue l'idée brillante de déposer le petit malade sur la table d'examen, faite pour ça, elle.
Le diagnostique n'a pas pris dix plombes, ni le remède. Il fallait le réhydrater. Une infirmière lui a ouvert de force le bec en me demandant d'aller coller un micro comprimé sous sa langue. Au troisième essai j'y étais presque mais cette folle a lâché, alors moi j'ai largué vite fait le truc sur la langue et basta. Je veux bien que ce soit plus efficace sous la langue mais c'est pas elle qui s'est portée volontaire pour aller mettre ses doigts au milieu des 16 dents acérées.
Trente secondes après le gobage de cacheton, "A boire!" a déclaré le fiston. Retour maison.

Et c'est là que s'est posé le terrible cas de conscience.
Un enfant qui n'est pas au top mais qui s'hydrate, donc sur le chemin de la guérison, une grand-mère qui en est à son 6ème petit enfant alors pensez donc, c'est pas une petite gastro de rien qui va l'émotionner, et nous, hésitants mais quand même hyper motivés pour nous casser, faut nous comprendre, ça n'était pas arrivé depuis 20 mois.

Alors, mais alors ?

New Yorki ou New Yorka pas ?

New Yorki pendant deux heures ou pendant deux jours ?

To be continued.

Ouiiiii, je sais, c'est super énervant.