mercredi, décembre 31

Pastiche (2)



PitiFistonmimi m'a tueR

Alors je te préviens, toi la perfect mum de service, toute dégoulinante de perfectitude maternelle, pas la peine de me donner de conseils à propos de ce qui va suivre, sinon je crois qu'il va y avoir du sang sur les murs de ma cuisine virtuelle, tu seras préviendue maintenant c'est toi qui voizes.

Tu auras deviné, lecteur adoré qui n'aime que moi, je traverse une période difficile, mes nerfs vont lâcher, je craqueeeuuuu.
Mon PitiFistonmimi, celui que j'en ai qu'un alors je l'aime beaucoup, pas trop le choix hein, celui-là même a décidé de faire mourir sa reum d'un arrêt cardiaque et je crois pouvoir affirmer, je suis pas médecin non plus mais y'a des signes qui ne trompent pas, que j'ai déjà eu deux ou trois alertes sérieuses d'arrêt subit du myocarde.

PitiFistonmimi met tout à sa bouche.
PitiFistonmimi, qui aura tout bientôt 20 mois, s'assoit sur les théories freudiennes, il s'en tape le coquillard à qui mieux mieux de savoir qu'il est censé être passé en phase anale depuis 6 mois. Et comme je ne peux pas TOUT surveiller en permanence, même si j'essaye faut pas croire, il arrive, environ 26 fois par jour, que je sois obligée d'aller lui chatouiller les amygdales pour récupérer le demi régime de banane qu'il s'est enfourné d'un coup ou le kilo de Rivoire et Carret. Infarctus du myocarde 1 - moi 0.
J'ai remisé par devers moi les pneus des camions et petites voitures, mais ils sont pas bien les Chinois, ils veulent que PitiFistonmimi finisse étouffé par une jante d'ambulance ou quoi ?

PitiFistonmimi (nan, j'ai pas de raccourci clavier, ça te défrise ?) aime le chat.
Il adore lui regarder le fond des mirettes en le collant contre le mur. Et le chat, ben il vire un peu parano, il se demande si il ne devrait pas lui coller une triple mandale carpée dans la tronche pour lui apprendre le concept d'espace vital. "Gloups ils sont où ses yeux maintenant ?" 1 – moi 0.

Pitifistonmimi (nan, toujours pas) vit une passion contrariée avec les escaliers.
Il maîtrise hyper bien la montée. Le problème c'est que :
a) il a oublié un truc en bas alors il s'arrête, se gratte la tête pour essayer de se rappeler c'est quoi ce truc que j'ai oublié en bas déjà ? Et emporté par l'élan de son gratouillis, commence à tanguer et finit par dévaler les marches. Goule en vrac 1 – moi 0.
b) il a atteint le palier et se dit qu'en fait c'était mieux en bas et il redescend très très vite, si vite que j'ai pas le temps de comprendre ce qu'il fabrique, et le temps que je comprenne, il est déjà en bas. Goule en vrac 2 – moi 0.

PitiFistonmimi (lalala … non on t'a dit) est un varappeur dans l'âme.
Comme la chose castratrice qui lui sert de mère ne fait rien qu'à barricader les escaliers, il est obligé de faire preuve d'originalité. Ce fou de la tête escalade donc le canapé et dégringole par-dessus le dossier de l'assise, boîte crânienne en avant c'est plus marrant. Un cerveau, pour quoi faire ? 1 – moi 0.
Bon, puisque les canapés c'est niet, PitiFistonmimi s'attaque aux chaises et là aussi, deux options pour le voltigeur à mains nues :
a) il escalade les chaises de grands et se met debout dessus. Les mains posées sur le haut du dossier (je la fais visuelle pour les mous du bulbe à déficience concepto-spatiale), il commence à la faire tanguer d'avant en arrière, ouh là c'est trop de la balle, ça fait balançoire, et le truc le plus marrant c'est que ça fait accourir sa mère, toute blanche et déjà en train de composer le 911. Explosion de l'aorte 1 – moi 0.
b) il attend d'être chez des amis, sanglé sur un rehausseur. Là, l'enfant qui n'essaye jamais de se faire remarquer, oh que non c'est pas son genre, plie les jambes, place bien ses pieds sur le rebord de la table et pousse d'un coup, de toutes ses forces. La chaise qui se renverse et s'éclate en arrière sur le parquet 1 – moi 0.

PitiFistonmimi (Ctrl Q dans ta face) est fasciné par les portes.
Enfin, surtout par les charnières. Et comme c'est le fils de sa mère, à savoir donc qu'il est beau, rigolo mais surtout incroyablement intelligent, il a fait le lien entre "hop hop hop, je glisse ma main l'air de rien dans la charnière, je fais mine de refermer la porte et je regarde ma reum en douce en disant aïe aïe et je parie qu'elle va se mettre à crier : attention, non, attention, non, non, non" et il a raison, hin, hin, hin. Amputation cardiaque 1 – moi 0.

PitiFistonmimi ( il n'y a plus d'abonné au numéro que vous avez demandé, il n'y a plus d'abonné au numéro… répète après moi) est cleptomane.
Tout est bon dans le cochon, et surtout n'importe quoi, c'est mieux, genre les ciseaux oubliés sur la table basse, le big coutal à barbaque posé trop près du bord du plan de travail, la plaquette de Dolip en attente d'être rangée… n'importe quoi on t'a dit. Et qu'en fait-il ? Il est encore en phase orale… alors il le bouffe c'te bonne gueubla. PitiFistonmimi est un clepto-avaleur-de-sabres. Eventration oesophagienne 1 – moi 0.

Là je ne t'ai fait que les dangers domestiques, ô lecteur de mon cœur qui m'aime d'amuuur, mais crois-moi sur parole, PitiFistonmimi n'est pas inhibé en public, il sait très bien faire dégringoler les pyramides d'oranges au supermarché ou accueillir le facteur en lui tendant les bras et en l'appelant papa, mouarf, que c'est rigolo, heureusement que le postman y cause pas le Molière.

Je suis donc fourbue-mourue à peu près vingteutreize fois par jour, voire par heure, alors soyez sympa avec ma pomme, mettez-y moi tout plein de gentils commentaires réconfortatoires.
Dans le doute, merci quand même bande de petits saligauds pouasseux d'ingratitude.

bonus track bonne année à moi
Remerciement spécial, standing ovation et haie d'honneur au Ketchup Monster qui s'est invité pour le réveillon, ça tombe bien, on allait être treize à table. Ta mère la truie en Toulotte devant l'Alcazar, KM.

bonus track 2 j'ai failli oublier
Bonne année les gens.



mardi, décembre 30

Pastiche (1)


La petite chaise rouge

Il est des matins où Madame V. se réveille un peu plus tôt que d'habitude. Des minutes chapardées au chaos de la journée, quand il est encore temps de savourer la tiédeur de la couette en regardant le vent faire danser les ombres sur le rideau tiré.

Ces minutes là sont bien plus longues. Derrière ses paupières refermées, elle dresse la liste de ce qui les attend aujourd'hui, de ce qu'elle va devoir faire absolument, et de ce qu'elle pourra oublier et remettre à plus tard. Ce qu'elle aime dans ses dimanches c'est n'y retenir que le superflu et le laisser s'étirer comme un pont du mois de mai.

Et ce dimanche là est un peu spécial, il a un superflu très essentiel en réserve pour la famille V. Une chaise rouge de petit garçon est arrivée hier et attend d'être assemblée pour être présentée à un grand bébé qui ne sait pas encore bien où s'asseoir dans cette maison.
Madame V. est impatiente et se dit qu'elle devrait déjà avoir pris sa douche, en profitant du sommeil prolongé de monsieur Timothée, mais elle n'arrive pas à s'extraire de la douceur de ses plumes. Tant pis, après ce sera la course.

Monsieur V. passe la tête par la porte de la chambre et lui dit qu'il va sûrement neiger, les nuages noirs arrivent. Madame V. fronce le nez et hésite. Elle sait qu'il n'aime rien tant que la faire sauter hors du lit en annonçant la neige, quand il ne fait même pas assez froid pour ça. Mais Monsieur V. persiste et ouvre le rideau sur un ciel qui vire au sombre. D'un bond elle est à la fenêtre et confirme, oui c'est certain, ce sera aujourd'hui.
Vite, il n'est plus temps de paresser, Madame V. se précipite dans la salle de bain et laisse Monsieur V. s'occuper d'un enfant qui a senti l'effervescence et appelle pour participer.

Comme une répétition, une semaine exactement avant Noël, les premiers flocons ont commencé à se déposer délicatement sur les roses hivernales, ourlant d'hermine leurs pétales resserrés. Il n'est pas encore dix heures et elle regarde ses hommes qui s'affairent avec leurs tournevis pendant que la suite pour violoncelle n°2 résonne dans le calme concentré des petits travaux domestiques.

Il sera bien temps après d'improviser le déjeuner, d'oublier le pain dans le congélateur, de mettre de la pommade sur une méchante bosse, de réfléchir à une idée de sortie malgré le froid, de penser, planifier, organiser.

Pour l'instant Bach résonne et un petit monsieur très fier vient de s'asseoir sur la chaise rouge en faisant bravo avec les mains et c'est ça qui compte.


dimanche, décembre 28

On a piqué le patron

Depuis que j'ai récupéré la vieille machine à coudre de ma grand-mère, il y a bien de cela cinq ans, je me dis souvent qu'un jour je me mettrai à la couture. Je vois déjà les jupes que je me ferais, les tuniques, les pantalons de fiston, limite c'est moi qui couds mes manteaux.

Mais la couture c'est technique.
Attention, je ne pars pas de nulle part puisque les bonnes sœurs qui se sont chargées de mon élevage durant trois années ont essayé de m'inculquer quelques notions, vite balayées hélas par un esprit titilleux et déjà farceur. Mon sens de la potacherie avait en effet vite trouvé son rythme de croisière, à savoir 1 heure de cours de couture = 2 heures de colle le mercredi après-midi.
Vous imaginez bien que je n'ai pas de grands restes en ce qui concerne le point de chaînette ou les boutonnières.
Mais j'ai de la suite dans les idées alors j'ai fourgué la machine dans le déménagement.
Au bout d'un an, je me suis décidée à acheter un mètre de tissu avec des lapins et des chats marrants pour fiston.
Il n'y avait plus qu'à lui coudre un sac pour ranger ses chaussures quand on part en week-end, c'est-à-dire toutes les Saint-Glinglin mais on n'est jamais trop prudents en matière de semelles crottées.

Et c'est là que Noël est arrivé.

Justin, trop heureux de ce nouvel engouement à trois jours de la distribution des paquets et légèrement dans la mouise puisqu'on avait dit "on ne s'offre rien" et qu'il venait d'apprendre que j'avais changé la règle suite à deux idées qui m'étaient venues et que ce n'est pas si souvent alors j'avais envoyé bouler notre accord.
Justin donc, s'est dit "Oh oh, l'occase est trop bonne, vite, avant qu'elle ne change de lubie, je vais lui offrir un livre qui explique la couture".

Et me voilà donc au pied du sapin, découvrant Sew Me, chef-d'œuvre de la littérature couturière au titre en jeu de mot hilarant de la Baltique (ça se prononce comme "sue me", qui veut dire "faites-moi un procès", si avec ça l'éditeur n'a pas remporté le 1er prix interrégional de la vanne 2008 c'est qu'on aurait du recompter les votes).

Je me voyais déjà, domptant ma Singer et rhabillant la famille, c'était Noël et j'étais jouasse.
Mais j'aurais du me méfier parce que quand on est moi, ce qui est une de mes spécialités encore exclusives, il ne faut pas s'étonner de ne trouver que deux patrons à la place des trois annoncés sur la couverture du livre.
(Pour les vraiment très nuls – genre comme moi - qui risqueraient d'être totalement largués à partir de maintenant : un patron est une sorte de modèle qui permet de découper les différents éléments d'un vêtement à la bonne taille, avant des les assembler à l'aide d'une machine à coudre, avec du fil et une aiguille donc.)

Or non seulement il manquait un patron, mais c'était celui de la jolie jupe trapèze, l'exact modèle que je rêve de me coudre depuis que je me prends pour une petite main de chez Dior. Il aurait manqué celui de l'horrible chemise de cow-boy, m'en serais-je foutu, ah ça oui, mais là c'était trop de poisse, mon Noël buvait la tasse.

"Calme-toi, on va échanger le livre" a dit Justin, zen.
"Mais j'ai déchiré l'enveloppe des patrons, c'est foutu maintenant" ai-je répondu, positive en toutes circonstances.
"T'en fais pas, on va l'échanger" a rétorqué l'homme stoïque et sûr de lui.

Allez, comme c'est Noël, je bichonne mon lecteur, et je lui offre non pas une, mais deux fins possibles à cette histoire au suspens haletant :

1 – Si la scène s'était déroulée à Paris :
"Bonjour, on m'a offert ce livre hier et il manque un des trois patrons… en fait, si on regarde de plus près, on se rend compte qu'un des côtés de l'enveloppe contenant les patrons a été décollée… quelqu'un a volé celui de la jupe et c'est celui-là qui m'intéressait".
"Ah c'est dommage, mais je ne peux pas vous reprendre ce livre, vous avez ouvert l'enveloppe des patrons, il est invendable maintenant"
"Evidemment je l'ai ouverte, sinon comment je saurais qu'il en manque un?"
"D'accord, mais il ne fallait pas déchirer l'enveloppe, c'est comme si vous me rameniez une boîte de pâté entamée, ce ne serait pas possible… et ben là c'est pareil, c'est pas possible".

2 – Si la scène s'était déroulée à Washington :
"Bonjour… reprendre 1ère phrase scène précédente (flemme de retaper, ça va bien j'ai toasté des milliards de petits fours, j'ai battu une pâte à cake infâme, j'ai porté fiston qui s'approche du quintal… j'ai mal aux muscles).
"Je vois le problème. Vous voulez un remboursement simple ou vous souhaitez que je vous recommande le livre pour un échange ?"

Pour mes lecteurs au cerveau embrumé par un excès de festivités et d'alcool, ou pour les éternels indécis qui auraient du mal à se décider entre les deux possibilités, je donnerai deux indices :
a) J'habite à côté de Washington
b) J'avais le sourire en sortant de la librairie.


mardi, décembre 23

Mais Thérèse, si je peux me permettre, une bonne paire de chaussettes et hop !

Ah, Noël… le calendrier de l'Avent avec ses images de gros dodu à barbe bouclée et ses petits cadeaux que si tu as moins de 36 mois tu as toutes les chances de t'étouffer avec. Les vitrines et la fausse neige qui dessine des rennes qui ressemblent à des vaches. Les magasins et leurs faux paquets posés à 80 cm du sol pour que tous les enfants piquent des crises pour repartir avec et non, la dame qui s'est improvisée étalagiste elle dit que ce n'est pas possible parce qu'elle ne va pas repasser le réveillon à faire des faux cadeaux, ça va bien merci. Le sapin qui sent bon et ses boules rouges qu'on a des yeux globuleux et un gros pif si on s'y regarde de trop près. Le bolduc qu'on essaye de friser avec les ciseaux et qu'une fois sur deux ça ne marche pas. La table du réveillon et sa nappe bien repassée. La dinde rôtie et ses marrons fondants dans le jus. La bûche et ses faux champignons en meringue molle et une ou deux scies en plastique.

Tout ça c'est Noël.
Enfin, je le croyais.

Cette année, pas de calendrier, pas de ruban ni de papier cadeau parce que ça pollue et que le papier journal c'est aussi bien, pas de jolie nappe, pas de dinde parce que pour deux ça ferait beaucoup et Thanksgiving n'est pas si loin, pas de marrons, ni de bûche.
Mais des livres et quelques jouets pour fiston sous un beau sapin amarré - pas la peine d'appeler la DDASS, et un peu de foie gras et du confit pour ses parents - pas besoin non plus d'hélitreuiller Alain Ducasse, ce sera Noël quand même.

En fait, pas si sûr.

Peut-on vraiment s'imaginer que c'est Noël quand on n'a pas de Christmas stocking suspendues au-dessus de la cheminée ?
Rigolez pas, après Halloween, il se pourrait bien que ce soit la prochaine tradition à se pointer de par chez vous dans pas si longtemps.
Mais si, vous voyez de quoi je veux parler, ces grandes fausses chaussettes rouges et vertes qui sont mises en place en même temps que le sapin et qui poireautent jusqu'au jour J pour livrer leurs trésors ?
Les origines de cette coutume sont assez imprécises mais il paraîtrait que ça ait démarré en Europe et que ce soit Saint-Nicolas qui, en déposant de l'argent dans des chaussettes qui séchaient chez des gens pauvres, ait lancé la mode, tout le monde espérant ensuite tomber sur des lingots dans leurs bas de laine au petit matin.

En regardant les chaussettes de mes voisins par la fenêtre de ma cuisine - à chacun ses manies –, je me suis demandé comment font les gens pour se procurer autant de petits cadeaux.
Naïve que je suis. Je n'ai pas pris la mesure de cette tradition. C'est comme se demander avec admiration comment font les gens pour savoir où acheter leur sapin.
Dans tous les magasins il y a des stands intitulés "stocking stuffers", de quoi bourrer ses chaussettes à petits prix, ce qui donne tout de suite une idée sur la qualité des machins en question.
Ca va de la brosse à dents édition spéciale Noël, au paquet de bacon séché, en passant par toutes les cochonneries made in China que vous pouvez imaginer, comme le mini-ventilateur de poche qui tentera de vous sectionner quelques phalanges et vous coûtera 12 $ en piles de remplacement.

Je ne suis déjà pas très shopping à gogo alors si en plus d'essayer d'être un peu originale, en faisant plaisir si possible, il faut maintenant s'occuper de bourrer des chaussettes avec des kilos de trucs personnalisés et top tendance - et là il faut bien chercher-, c'est ma mort.

Je vous souhaite malgré tout de Happy Holidays parce que je suis comme ça, la chaussette sur la main (ou la moufle sur le pied c'est vous qui voyez).


lundi, décembre 22

lundi, décembre 15

Tajine tout cru, tajine foutu

Je fomentais depuis quelque temps l'envie de déblatérer des choses ironiques et blessantes sur ma cuisinière électrique, au nom de l'égalité. Il n'y a aucune raison que la machine à laver, le lave-vaisselle ET l'aspirateur s'en soient pris plein le moteur sans qu'elle fasse partie du lot.

Si je l'ai épargnée pendant un an, c'est grâce à son timer intégré.
Un timer super simple à régler et qui bip bip distinctement quand la cuisson est terminée. C'est merveilleux, c'est le progrès. Vous haussez vos sourcils broussailleux, vous demandant de quel progrès il peut bien s'agir.
Je parle de simplicité, d'un bouton que quand on appuie dessus il fait défiler les minutes, bête comme un réveil digital.
Si je roucoule de satisfaction devant cet accessoire, c'est que mon four précédent n'avait qu'une horloge, munie de trois aiguilles et d'un cadran stendhalien qui tournait par tranches colorées en rouge ou noir, mais qui ne chantait pas Jeanne Mas pour le même prix.


J'étais infichue de m'en servir, ce qui ne m'a jamais empêchée d'essayer parce que je ne suis pas plus nulle qu'une autre, didiou ! Le machin revanchard faisait alors retentir son driiiinngg strident aux moments les plus discutables, genre deux heures du matin, quand on dort trop profondément pour réaliser qu'on n'est pas en cours de sciences-nat et que ce n'est pas une alerte incendie et qu'on ne doit donc pas se précipiter dans l'escalier telle quelle et au plus vite. Il y a des silences embarrassés dans l'ascenseur après, quand on croise un voisin.

C'est ainsi que mon timer américain m'a incitée au silence concernant le gros défaut de ma Kenmore. Oui, tous les appareils de cette maison sont des Kenmore, c'était une opération "achetez-en un, repartez avec le magasin", quelle chance on a quand j'y pense.

Attention, j'ai la reconnaissance ingrate et l'indulgence vite oublieuse quand on se met à me compliquer l'existence, ce qui a fini par arriver vous l'aurez deviné sinon je ne serais pas là en train de vous tenir en haleine sur les raisons de la disgrâce de ma cuisinière électrique.

Pour comprendre pourquoi ma patience a fondu telle le beurre dans les épinards, je dois faire un petit flash-back de rien du tout.
Tout allait pour le mieux dans l'univers radieux de ma cuisine, j'étais encore en paix avec ma Kenmore.
C'était même fête puisqu'elle comptait un nouvel occupant, un cadeau longtemps désiré en secret et deviné par une oreille drôlement finaude et généreuse.
Un plat à tajine venait d'être livré et j'avais passé l'après-midi à le préparer – oui, ça se prépare ce genre de plat, ça ce bichonne : immersion de deux heures dans la baignoire, massage à l'huile d'olive puis sauna à 160°c pendant trois heures.
Il était fin prêt à étonner nos papilles et mes munitions étaient prêtes depuis la veille : paprika, cumin, pruneaux, viande et légumes, je n'avais plus qu'à me lancer.
Ce que j'ai fait sans crainte.
C'est bête mais j'aurais du me méfier.
J'ai entendu un bruit, comme un "tchoc" mais j'ai pensé "c'est le plat qui se dilate".

Pour que le tajine soit réussi, il faut laisser cuire longtemps, à la fin c'est limite confit, c'est le but, c'est comme ça que c'est bon.
Quand le temps a été venu et que j'ai retiré mon plat de la plaque, j'ai alors pu constater qu'en effet, deux heures de cuisson ça confit, il n'y avait qu'à voir pour s'en convaincre la couche bien épaisse de matière noire sur l'émail blanc de la cuisinère et à l'intérieur des coupelles en aluminium qui tapissent le dessous de ses résistances électriques que c'est limite impossible à atteindre et il faut la journée entière quand on veut les nettoyer.
Plutôt que confit moi j'aurais dit cramé, brûlé, incrusté, tatoué limite.

Mais pourquoi, comment, quand ?
Le "tchoc".
Le plat s'est fendu au bout de dix minutes d'utilisation et tout ce qui était à l'état liquide s'est barré en douce par en dessous, direct dans les coupelles.
Je ne sais pas si vous visualisez le tableau : une cuisinière – pas moi, l'autre - incrustée d'une matière qui n'était pas sans évoquer la roche vitrifiée par une explosion nucléaire, une fumée irrespirable due aux résistance ointes de ladite matière si ça se trouve un peu cancérigène, un enfant soudé à ma jambe gauche et en pleine crise de mais moi aussi j'existe, un plat flambant neuf et déjà fêlé, de l'agneau presque cru et des carottes croquantes et moi, triste parce que c'était un beau cadeau et intérieurement à la limite de l'implosion nerveuse parce qu'il y avait de quoi.

Alors je vous le demande :
- dois-je mettre le lâche abandon du plat sur le dos d'un complot visant à m'empêcher de triompher culinairement et d'ainsi étendre mon emprise sur les papilles du Monde ?
- pourquoi cette configuration archaïque de résistances électriques arrive-t-elle à perdurer alors que ce serait tellement plus simple à nettoyer sans ces fichues coupelles ?
- y a-t il quelqu'un qui accepterait de balancer le nom du pseudo-génie qui a mis au point ce système, toujours encombré de débris cramés, en train de cramer ou qui finiront par cramer, que je pourrisse le karma de ses héritiers ?

Après avoir envoyé un email cinglant mais empli d'espoir à Mister Tajine himself, figurez-vous qu'il m'a contactée. Non seulement il a été charmant et n'a même pas essayé de me faire croire que j'avais du me planter quelque part, mais il a en plus proposé de m'envoyer le jour même un autre plat, d'un autre modèle plus solide sans que j'ai à le demander.

Mister Tajine jamais ne se débine.

jeudi, décembre 11

Plein les bottes

Entre deux averses et me contrefichant du crachin sporadique, je me suis dit qu'il en allait de ma survie d'aérer le fiston, d'autant qu'un insolent 17°C nous narguait de derrière les carreaux.
Quand il pleut, il mouille et il y a des flaques d'eau.

Fiston adooore les flaques, et moi un peu moins mais je me fais une raison depuis que j'ai mis la main sur une paire de bottes en caoutchouc. Mais ces bottes ont leurs limites.

Un fiston qui tape des pieds en éclaboussant tout autour c'est potentiellement photogénique alors je ne résiste pas et je m'agenouille pour immortaliser la scène. Or, je n'ai plus mon appareil, ce qui signifie que j'ai ressorti celui d'avant, dont les deux batteries tiennent chacune 3 minutes et 21 secondes en mode veille, et dont je ne sais plus trop me servir par manque d'entraînement.
Donc fiston saute, se marre comme un fou et je rate TOUT parce que je me perds dans le menu de mon Canon.

Je rate les petites mines trop marrantes, mais je rate surtout le tombage de postérieur au milieu de l'énorme flaque, le récupérage sur les mains, le retombage mais vers l'avant cette fois, suivi de la roulade consciencieuse du ventre vers le dos, toujours au milieu de la flaque à présent bien remuée et donc boueuse.

Quand il pleut, y'a pas à dire, il mouille.

lundi, décembre 8

Hasta la vista


Il y a trois semaines ma vie a un peu changé, elle s'est allégée on va dire, grâce aux bons soins d'une nounou.

Connaissance d'une des nourrices francophones que je côtoie régulièrement au parc, elle avait trois grands enfants et le poids de 25 années d'expérience professionnelle qui parlait pour elle. Je n'en revenais pas de ma chance, 3 demi-journées par semaine une vraie nounou allait s'occuper de fiston , jusque là habitué à la jeune fille qui reste 2 semaines, ou à sa cousine inexpérimentée, gentille mais pas fute-fute.
Là on upgradait, on quittait la classe éco de la garde d'enfant pour se reposer dans le salon des business.
Avec une professionnelle pareille, pas besoin de longues listes de recommandations, elle savait.

Fiston est un peu difficile pour les repas… pas de problème, elle savait.
Au parc, il faut le tenir à l'œil parce qu'il aime bien tenter des figures acrobatiques pas toujours homologuées, de préférence en haut du toboggan… pas de problème, elle savait.
Pour descendre les marches du perron, je préfère que fiston ne soit pas dans la poussette, c'est dangereux et ça abîme le matériel… pas de problème, elle savait.

Qu'est-ce que c'était commode d'avoir affaire à quelqu'un qui savait tout.

Dès le début de la deuxième semaine, il m'est apparu qu'elle ne devait pas savoir que quand on part une bonne partie de l'après-midi, avec goûter au milieu, c'est mieux de prévoir une couche et des lingettes. OK, pas de problème, elle avait compris.

Dès la fin de la deuxième semaine, je me suis aperçue qu'elle quittait la maison après le réveil de fiston, avec retour prévu en fin d'après-midi, sans penser à chauffer et emporter le biberon du goûter préparé à cet effet, et dûment signalé. Coup de téléphone sur son portable, retour à la maison sans une allusion. OK, j'imagine qu'elle avait compris.

Au début de la troisième semaine, j'ai rendez-vous chez le dentiste, et quitte donc la maison en même temps qu'elle.
Lorsque j'arrive devant la porte, je trouve fiston engoncé dans sa poussette, qui attend que Perfect nounou sorte des toilettes. Je trouve ça étrange, mais elle me dit que c'est plus pratique… elle doit savoir, mais bon, c'est étrange quand même. De là, je lui demande comment elle compte descendre la poussette, chargée des presque 12 kilos de fiston, parce que vous savez que je ne veux pas que vous la descendiez comme on descend un trottoir, c'est dangereux si elle vous échappe et, au risque de me répéter, c'est mauvais pour le châssis. Non, non, Perfect nounou va porter la poussette, pas de problème, elle a compris.
Je pars vers mon rendez-vous mais quand même, je me demande.
Alors je reviens sur mes pas et je me planque derrière la voiture des voisins.

Je me sentais un peu ridicule, mais un truc me turlupinait, je voulais en avoir le cœur net. Est-ce que c'était cette manière agacée qu'elle avait de me couper la parole dès que j'essayais d'exprimer une attente nette et précise qui m'a mis la puce à l'oreille, allez savoir.
Toujours est-il que j'ai pu vérifier que Perfect nounou faisait comme je le craignais et que je pouvais bien dire ce que je voulais pour mon enfant, elle devait savoir mieux que moi. De retour de chez le dentiste, je n'ai rien pu dire, la bouche tellement anesthésiée que même mon "see you Wednesday" est passé en pertes et profits.

Evidemment, c'est la première chose que j'ai évoquée la fois suivante, je lui ai dit que je l'avais vue et que pas dans les escaliers blablabla - avec la sensation de me répéter un peu beaucoup - … OK, OK, it's OK, elle a compris c'est bon maintenant.
Et puisqu'on en était aux trucs qui fâchent, elle voulait savoir si on lui payait Noël ET le jour de l'An ou qu'un des deux ?
Sur ce, elle me laisse réfléchir jusqu'au vendredi et bien le bonjour chez vous.

Je n'aime pas du tout, mais alors pas du tout, qu'on me fasse sentir coupable de vouloir faire respecter le peu de consignes que j'ai par rapport à la sécurité de mon enfant. Et j'apprécie encore moins de devoir traiter avec une personne de mauvaise foi et qui ment pour avoir la paix, on a passé l'âge.

J'étais sur le point d'appeler Justin pour cette histoire de congé, quand j'ai avisé le calendrier sur le mur. Si Noël est toujours le 25 décembre, c'est un jeudi. Idem pour le jour de l'An. Et elle ne travaille pas chez moi le jeudi… du coup je ne voyais plus trop le rapport mais on s'est dit que ça devait être l'usage d'offrir le pont et on a donc décidé de lui payer le vendredi 26 pour qu'elle reste en famille, notre cadeau de fin d'année quoi.

"OK, mais montrez-moi le calendrier, c'est pas un cadeau, je vous dis que c'est férié".
C'est là qu'elle a commencé à me fatiguer, très sérieusement.
Non, ce n'est pas férié, il fallait vérifier avant de m'agresser avec tes acquis sociaux et tu pourrais dire merci puisqu'on te donne une journée de repos en famille, au pied du sapin, c'est Christmas spirit.
Peut-être qu'elle aurait préféré une carte-cadeau ?

Sur ce, commence la quatrième semaine, ce matin.
J'étais en train d'écrire au sous-sol, pour rester loin des yeux de fiston qui se cramponne à moi avec l'énergie du désespoir le plus intégral dès que Perfect nounou est dans les parages.
J'entends la barrière de sécurité qui ferme l'escalier s'ouvrir et Perfect nounou qui s'annonce.
Il fait -5°C dehors et elle veut vérifier que ce n'est pas une très bonne idée d'emmener fiston cultiver des engelures au parc… je croyais qu'elle savait.

Et puis fiston s'est pointé en haut des escaliers.
Puiqu'elle l'avait quitté dans le salon et que c'est bien connu qu'un enfant de 18 mois ça ne se déplace pas, Perfect nounou n'avait pas refermé la barrière.
Comme ledit enfant cultive à plein temps son option triple saut avant, il s'est lancé.
Oui, tout l'escalier la tête la première.

Après avoir ramassé fiston qui hurlait, j'ai demandé à Perfect nounou de s'en aller.
Elle a essayé de dédramatiser et m'a coupé la parole pour m'expliquer que les accidents arrivent tout le temps, qu'elle le sait puisqu'elle officie depuis 25 ans.

Fiston, qui ne jure que par son "bye-bye" à présent bien maîtrisé, a interrompu ses sanglots, et sans que je dise rien, s'est tourné vers elle et lui a très distinctement dit "au revoir", deux fois. On aurait dit Giscard d'Estaing un peu.



(Rassurez-vous, deux bosses, quelques bleus et une grosse peur)

dimanche, décembre 7

A la bonne mienne

C'est mon anniversaire.
Youpi.


Certains prétendent, en brandissant le calendrier grégorien, que j'entamerais ma 37ème année. On ne doit pas avoir le même almanach alors, parce que le mien me donne, allez, 25-26 ans à tout casser.
D'ailleurs il n'y a qu'à juger par vous-mêmes, je n'ai même pas mes dents de sagesse.

Mais si, absolument, je vis très bien cette année supplémentaire, je m'en réjouis même, ça m'exalte, je sens la sagesse ancestrale des croulants fondre sur moi, telle le chocolat Nestlé dessert sur ma poire.
Ma trentaine s'enfuit, tout fout le camp.
Même le dentiste le dit.
Moi qui n'y allais que pour un bête détartrage annuel, j'ai eu droit à un méga nettoyage, option grattage sous la gencive. Le genre de nettoyage qu'on ne fait qu'une à deux fois dans sa vie, parait-il.

Oh, je vous sens inquiets d'un coup. Vous comptez sur vos doigts, en réalisant qu'on ne vous a encore jamais fait le coup et que bientôt ça va être votre tour. Laissez-moi vous rassurer complètement : oui, on anesthésie.
En ce qui me concerne, le gentil dentiste a eu la main légère sur la pommade prévue pour préparer la gencive en l'endormant un peu. Tellement légère que les piqûres d'anesthésie ont juste été un cauchemar et que j'ai TOUT senti, craquage dans le palais en prime. Là, moi ça va mieux mais vous, je vois vos épaules se crisper d'appréhension et de douleur anticipative. Rassurez-vous, si votre praticien est aussi sympa que le mien, il vous autorisera à crier, même fort.

Je rappelle - pour ceux qui ne suivent ce blog que d'un œil et qui ont une passoire à la place du cerveau, que mon boîtier d'appareil est chez Nikon et que ça va juste coûter le prix exorbitant de $$$ et que c'est un tout petit peu de ma faute quand même, alors mes cadals les amis… allez-y, plaignez moi maintenant.




jeudi, décembre 4

On s'en balance

Poser fiston dans une balançoire du playground peut virer à la guerre des nerfs, autant le savoir.

Vous qui avez, ou connaissez, ou entendu parler d'enfants, vous vous dites "OK, je vois le topo, son mouflet ne veut plus s'en aller et c'est les hurlements, le caprice du siècle".
Vous n'y êtes pas du tout, mais alors pas du tout. Non, les nerfs qui lâchent sont plutôt à chercher du côté adulte.
Je m'explique.

Ce n'est pas parce que fiston a posé ses fesses dans la balançoire seulement cinq petites minutes auparavant, qu'il va pouvoir en profiter un peu. Ce serait compter sans Sharon, qui débarque avec son enfant et que celui-ci n'est pas sitôt arrivé qu'il braille déjà "I want the blue swing", ce qui signifie en bon français "dégage moi ton mioche de là pour que je puisse m'amuser".
Autant dire que Sharon regarde fort peu discrètement sa montre et que vous avez intérêt à vous magner.
Si cette pression silencieuse de 32 secondes ne suffit pas à vous faire craquer, vous pouvez compter sur son enfant - si bien élevé qu'elle devrait breveter sa technique - pour venir trépigner à vos côtés en répétant d'une voix stridente qu'il veut la balançoire bleue "NOW!!!".

Là nous atteignons un point très sensible des relations intra-playground.

Vu qu'il est socialement inacceptable d'insulter, ni l'enfant, ni Sharon. Et que, c'est déplorable, il est également moralement interdit d'avoir recours à quelque petit geste explicite de rien du tout mais qui soulagerait, ne reste alors plus qu'à donner l'exemple et rester dignes.

Je suis donc censée obtempérer sans tarder, mais Sharon ne peut quand même pas m'en faire directement la remarque parce que ce serait indélicat de sa part.
Alors que faire ?
Elle va répondre à son enfant, suffisamment fort pour que j'entende, qu'il doit patienter parce qu'au parc c'est chacun son tour… et qu'il ne doit pas s'inquiéter parce que le petit garçon a BIENTÔT terminé.

Là, il m'est difficile de répondre, via fiston, qu'en fait NON, on en a encore pour un bon moment puisqu'on vient juste de commencer.
Si vraiment je viens à peine de l'installer et que fiston a l'air de s'amuser - et que je ne recule pas devant la perspective de créer un incident diplomato-parentesque - je peux en informer directement Sharon, mais alors avec moult "sorry" et promesses sur l'honneur que ça ne va pas durer trop longtemps quand même.
Parce que Sharon peut se la jouer cool cinq minutes, avec son bonnet à grosses mailles et ses Timberlands, mais je vous rappelle que la merveille de ses jours est en train de piquer une crise de nerfs au motif que, de tous les équipements du parc, c'est cette balançoire là qu'il veut.
Signaler à Sharon que cette balançoire là, justement, est réservée aux enfants de moins de 36 mois ou 20 kilos, en ouvrant grands les yeux et en faisant un geste du menton vers son fils de 4 ans qui ressemble au plus gros des Teletubbies n'est évidemment pas une option, Sharon n'ayant aucun humour quand il s'agit de la vie en général, et de tout le reste en particulier.

Alors que faire (bis) ?
Sourire bêtement et prendre son temps avant de plier bagages. Mon truc c'est de parler – fort – à fiston en français. En général la Sharon emmène son fils criser ailleurs.

Je suis une tueuse de codes sociaux polyglotte.