dimanche, mai 31

Châtié

Oui, je sais, les ponts printaniers ont eu raison de votre déprime saisonnière et vous ne pensez plus qu'a barbequiouter en rêvant aux vacances à venir. Le p'tit rosé était bien frais et la salade de fruits plutôt bonne mais ce n'est pas une raison pour ignorer les drames qui frappent le monde animal, bande de rien à péter.

Puisque aucune organisation œuvrant pour améliorer le sort des bébêtes n'a encore trouvé bon de sponsoriser ce blog, je ne vais pas me fatiguer non plus à vous donner mauvaise conscience, y'a pas de raison. Je préfère m'en tenir à la cause du malheureux carnivore domestique qui nous tient lieu de chat.
Je ne m'étendrai pas sur le sauvetage de la bête acculée et prostrée, réalisé en quatrième vitesse hier soir, pour arracher le misérable des pattes des deux chats d'en face venus lui chercher des noises jusque devant notre porte, l'humiliation a été totale. Bientôt deux ans de guerre des gangs et toujours le même constat : Chesapeake est à la bagarre ce que la serpillière est à la haute couture.

Hélas, il y a encore pire dans la vie de ce chat.

Chesapeake est devenu la tête de Turc d'un oiseau.
A peine posait-il sa patte dehors que le volatile reprenait en boucle son chant d'alerte, sonore et très fatiguant pour les nerfs. A croire qu'en cette saison de montage de nids en kits et ponte à gogo il n'avait rien d'autre à faire que glander devant notre porte d'entrée.
Quand je me suis rendu compte du manège, je me suis dit "Hé, hé, je connais un emplumé qui va passer un sale quart d'heure".
Mais le matou a continué sa vie, en faisant celui qui ne remarquait rien, toujours très poli.
Le Mockingbird, oiseau qui porte bien son nom, en a fait une affaire personnelle, ce chat devait en vouloir à sa descendance, il fallait s'en débarrasser.
Les choses se sont donc corsées pour notre benêt à rayures.
Le Mockingbird s'est lancé dans une campagne intensive de bombardements en piqué, visant de préférence l'arrière-train dudit benêt en train de regarder ailleurs, et ne voyant donc jamais rien venir. Les assauts laissaient peu de répit à notre chat zen, stoïque, assis à découvert et n'essayant même pas de se défendre. Je peux vous dire que ça faisait pitié.
S’il lui prenait l’envie de calmer le jeu en partant se faire oublier au bout de la rue, il le faisait sous les huées et les piqués, une fuite honteuse à la truffe de tout ce que le quartier compte de quadrupèdes et rongeurs domestiques, morts de rire devant ce spectacle.

Pensez-vous que le chat aurait déclaré "Non mais dis donc, laisse béton ou tu vas tâter de ma griffe" ?
Ou qu'il aurait fait celui qui ne voit rien, afin de tromper l'ennemi et de lancer à son tour une attaque éclair, intitulée "Opération édredon éclaté" ?

Ben non, le félin pas finaud a rabattu ses oreilles et attendu que ça passe.
C'est moi qui suis allé ouvrir la porte à intervalles réguliers pour le faire entrer et que l'oiseau rabatte enfin son caquet. Passés quelques jours, j'y suis même allée de mes secouages agressifs de torchons en courant dans le jardin et menaces verbales non-homologuées par la ligue végétarienne. C'est là que je me mise beaucoup sur l'absence de mes voisins immédiats.
Pour toute réponse, l'oiseau a continué à se moquer du monde en venant taper son bec à la porte fenêtre de la cuisine, pour persécuter le chat qui comatait à côté de ses croquettes. Limite Hitchcock.

Après une dizaine de jours à lâcher des remarques désobligeantes pour galvaniser le valeureux chasseur endormi très profondément chez notre ami le nigaud, quelque chose s'est produit.

Le Mockingbird a arrêté de se moquer, il a tout bonnement disparu du jour au lendemain, pfiout, évanoui, alors que ses congénères sont toujours là, un peu plus loin. Pas de plumes sur la pelouse, aucun témoin ni indice, le mystère est entier.
Interrogé, Chesapeake s'est muré dans un silence dédaigneux et n'a souhaité faire aucune déclaration.
La bête à moustaches aurait peut-être sa fierté malgré tout.

Mais quelque chose me dit que c'est un des deux chats d'en face qui a eu ras le bol du boucan et s'est déplacé en personne pour faire le sale boulot. Ça va se payer cher je sens.

lundi, mai 11

Happy two, coco


Hier, à coup de chocolat, bougies magiques et cadals censés l'occuper des heures durant (si si, même que si ça se trouve, c'est moi qui vais aller l'asticoter dans le salon parce que l'ennui m'aura fait perdre la tête), fiston est entré dans sa troisième année.

Qui dit anniversaire dit grandes réflexions, recherches préparatoires, rétro-planning, publipostage et nuits d'angoisse. Ou, si on se dit que c'est juste l'anniv des 2 ans et qu'on accepte l'idée de passer pour la mère flemmarde du quartier, on délègue à Justin une invitation très peu diffusée par email, et on achète des verres en plastiques décorés avec nappe assortie et hop, c'est la fête. Désolée pour le dresseur de perroquets ventriloques, je sais qu'il a été très déçu de ne pas être de la sauterie mais qui sait, tout peut encore arriver l’année prochaine.

Mais ce n'est pas parce qu'on se moque des cancans du playground qu'il faut pour autant négliger la pression. Oula, non. Elle est énorme. Jusqu'aux magazines pour parents qui font face à la pénurie de sujets printaniers en accumulant les conseils pour être l'hôtesse d'un birthday dégoulinant de perfection et de gâteaux à froufrous.
A force, mon esprit s'est troublé et je me suis retrouvée à écumer les blogs et forums spécialisés dans la préparation de l'anniv parfait. J'ai vaguement envisagé de construire une guirlande en tissu, à base de triangles découpés aux ciseaux cranteurs, c'était super beau sur la photo mais j'ai su me reprendre en visualisant une montagne de triangles effilochés et tout pouilleux à fixer sur une cordelette mochouille dégotée dans le garage. J'ai salivé devant les dizaines de verrines aux couleurs assorties à la déco du jour, mais elle n'est pas née celle qui fera avaler un mix comté-crevette à fiston. J'ai admiré les petits cadeaux réservés aux invités, home made par la maman qui ferait mieux de me revendre un peu de son énergie : jolis sacs, jeux de dominos peints sur galets et porte-clés personnalisés, mais là restons sérieuse deux minutes.

C'est sur le gâteau que ma raison a basculé. Mais c'est bien sûr, un gâteau d'anniversaire c'est autre chose que la tarte aux pommes du mercredi, il faut inventer, décorer, étonner même.
Mon choix s'est arrêté sur quelque chose qui me semblait moins périlleux qu'un château fort ou qu'un train avec wagons, j’ai nommé le gâteau en forme de chat, fiston étant complètement gaga de Chesapeake ça tombait bien comme idée. Je me suis dit "franchement, deux ronds, une queue et deux oreilles, ça doit pas aller chercher bien loin niveau technique", dixit celle qui ne saurait même pas faire un fraisier ou un truc un peu plus sophistiqué que le flan aux fruits, même si sa vie en dépendait. (C’est là que ceux qui ont déjà été nourris par mes soins s’exclament dans les commentaires « mais t’es folle lol, tu cuisines vachement bien, Justin a trop de la chance ;) »)

J'ai commencé à déchanter en trouvant un schéma de découpage pour ledit gâteau. Venaient ensuite les photos des multiples options pour décorer la bête, après assemblage. Et vas-y, lâche-toi sur le glaçage, fais des rayures, construis tes propres moustaches, amuse-toi à faire les petites souris qui font joli en pâte d'amande. Pour une néophyte du glaçage comme moi, une à deux répétitions avant le jour J étaient conseillées, pour se faire la main, et l'anniv étant prévu pour pas plus tard que deux jours après, ça faisait short et c'est à ce genre de détails qu'on voit la pro de l'anticipation.
Justin, qui m'avait quand même un peu forcé la main pour fêter l'évènement en public, a alors entrepris de me calmer sur cette affaire de chat et j'ai accepté de transiger : il faut savoir reconnaître ses limites, je ne ferais que la tête. Oui, mais où trouver les oreilles, et les moustaches ? Et le glaçage était toujours d'actualité.


Que de stress mes amis, que d'angoisse.
Deux jours plus tard la tête du chat s'est transformée en gâteau au chocolat, un rond décoré de mini meringues et ça ira bien comme ça, merci. Fiston a soufflé dix fois sur ses bougies magiques et j'ai risqué l'incendie en me précipitant à l'intérieur pour trouver un point d'eau et noyer ces cochonneries.

Allez, l'année prochaine ce sera gatal festif, avec glaçage et perroquets.




mercredi, mai 6

Il a vu la cigogne ou quoi ?

Fiston approchant à grands pas des deux ans, je dirais qu'en ce qui concerne l'art d'être parent, j'en suis arrivée à l'équivalent du flocon en ski alpin, voire de la 1ère étoile mais là, c'est un peu prétentieux.

Je ne crains plus de lui arracher un bras quand je lui enfile un tee-shirt.
Ca fait belle lurette que je n'angoisse plus sur les quantités avalées aux repas.
Quand je crie à 3 heures du mat' "Non, pas de biberon", et que j'enchaîne avec un "Regarde, c'est la nuit, je ne veux plus t'entendre sinon gare à toi", je ne culpabilise plus sur un éventuel trauma profond et irréversible causé par ce refus de réconfort nocturne.
En presque deux ans, j'ai appris mes basics, bain tiède pour la fièvre, arnica sur les bobos et câlins pour chasser les cauchemars.

Mais c'est là que tout se complique, comme en ski. On sait tourner, freiner, pff, trop facile, à moi le mur de bosses et bonjour la civière.

Avec fiston, tout pareil. Ayé, je maîtrise la bête, caprices, colères, même pas peur, l'attention se relâche et tout se barre en cacahuète.
Prenez il y a quelques semaines.
Tout allait bien, les nuits étaient longues et complètes, les siestes idem, l'humeur générale plutôt guillerette et les repas se rapprochaient d'une alimentation variée.
Ce ronron de bien-être m'a endormie.
Paf, du jour au lendemain, les nuits sont devenues un enfer, le biberon a fait un retour en force (4 à 5 par jour, donc plus de repas), des chouinasseries sans fin, une mère passablement agacée, ajoutez à ce tableau une météo des plus pourries et vous aurez une idée de nos journées.

Rencontre au sommet de l'escalier entre les parents abrutis – il était vers les deux heures du mat' – verdict : ça ne peut être que les dents parce que a + b = c.

Nous dolipranâmes consciencieusement, sans succès.
Puis un nouveau symptôme est apparu.
Puisque sa boulimie de biberons et ses besoins de câlins ne semblaient pas suffire, fiston s'est mis à réclamer l'album photo de sa 1ère année à longueur de journée, commentant chaque cliché d'un "bébé !" tonitruant.
Certes.

Brainstorming parental à la fin d'un dîner. Régression du fiston, OK, mais pourquoi, comment, et jusqu'à quand ? Super Dolto, vole à notre secooouuurs.

Les jours ont passé sans solution miracle et fiston a continué à s'agripper à moi en pleurant à chaque coucher. Son album photo le suivait comme son ombre et seul le héros Caillou l'intéressait dans ses livres parce que lui, au moins, c'est un bébé, un vrai, alors que Petit ours brun, c'est rien qu'une peluche qui fait genre.

Les jours ont passé donc, la fatigue a pris de plus en plus de place et j'ai commencé à me dire "Tiens, tiens… Est-ce que ça pourrait être que ?"

Un test de grossesse plus tard, j'ai enfin compris le pourquoi du comment de ces "bébés" à tout va et de cette angoisse soudaine de fiston. Il savait. Avant nous.

Il a suffi qu'on lui confirme la nouvelle et qu'on lui explique les choses de la vie pour que tout rentre dans l'ordre… puisqu'on était au courant c'était plus la peine qu'il se fatigue à nous prévenir et l'album photo a pu repartir sur son étagère.
Il continue quand même à me montrer les plus petits que lui dans la rue et à m'informer que ce sont des bébés, des fois que d'ici l'automne j'oublie à quoi ça ressemble.
Et comme c'est un fiston qui a le cœur sur la main et n'hésite pas à donner de sa personne, il s'applique à nous réveiller au moins une fois chaque nuit, en variant les durées de rendormissement, pour nous remettre dans le bain.

Il y en a qui se vantent de murmurer à l'oreille des chevaux, c'est nase, moi sans le savoir je susurre à l'inconscient du fiston.