mardi, juillet 22

Je l'ai fait

Alors cette fois-ci, aucun doute n’est plus permis, je suis entrée en phase d’acculturation aiguë.

Il y a d’abord eu les premiers signes, des petits rien sans gravité : les biberons que l’on calcule directement en onces, les degrés Fahrenheit du four que l’on manie avec de moins en moins d’hésitation, acetaminophen que l’on est capable de réciter huit fois de suite à l’envers et l’effort qu’il faut faire pour se souvenir que dans notre pays on dit paracétamol.

Puis le phénomène a pris de l’ampleur, le cerveau a été salement amoché : on s’est mis à fabriquer des mots parce qu’ici c’est permis : je dis « poignardage » si je veux, on hésite devant une boîte d’œufs parce que « poules élevées en liberté » c’est pas la même chose que bio, ça d’accord, mais le plus mieux en oméga-3 c’est lequel ?, au feu rouge on tourne à droite sans se poser de questions, flèche ou pas flèche, ben oui ici on a le droit, le matin au parc on croise des mères de famille en bas de pyjama et on s’en aperçoit à peine.


Mais je tenais encore tête, JT de France 2 en cure intensive, défilé du 14 juillet et soupe à l’oignon, mes racines tenaient bon.
Jusqu’à samedi dernier.
C’était le matin, fiston dormait et Justin se concentrait dans le bureau. Calme plat et silence.
Sans réfléchir, juste comme ça, pour voir, pour rigoler, pour essayer… pour faire comme toutes les autres ici qui sortent en chemise de nuit enfilée sur un jean, OK, mais ongles faits et jolies sandales s’il vous plaît, je me suis peint les ongles des pieds.
En moins de deux, mes bouts d’orteils sont devenus groseille et je suis entrée dans le moule.
J’avais beau savoir que sortir les ongles nus est le summum de l’indécence et du moche pour beaucoup de
washingtoniennes, jusque là ça ne m’avait pas empêchée de dormir, spécialité encore réservée à fiston.
Mais maintenant que le pinceau s’est coincé dans l’engrenage, suis-je condamnée à des peinturlurages réguliers, oserai-je remettre mes tongs et rien d’autre ?
Oh my god, me v’là avec les soucis de Sue Helen, le whisky en moins, c’est pas la preuve de mon intégration ça ?

Il aura fallu deux jours à Justin pour se faire à mon nouveau look, moi je me suis maté les pieds toute la journée en résistant à l’envie de m’appeler Madame et fiston a beaucoup rigolé en poursuivant mes orteils pour les manger. Chesapeake, lui, a eu quand même un peu peur alors il m’a tapé les pieds plusieurs fois, pour s’assurer qu’il les avait convenablement assommés, et les a ensuite longuement reniflés. Oui, j’ai bougé, juste pour le plaisir de le faire sursauter.


Après leur avoir démontré qui était le patron, notre valeureux carnivore n’a plus voulu quitter ses nouveaux amis.


mardi, juillet 1

Emballé c'est pesé

Bon, ce coup-ci ça y est.
Les voisins sont partis, les blogs se mettent au vert les uns après les autres et ma boîte email ne me délivre même plus mes deux messages hebdomadaires. Vous êtes tous partis ou quoi ?

Pour patienter, je n’ai plus qu’à lancer le compte à rebours avant notre départ vers la mère patrie.
Plus qu’un mois et des poussières.

J’aimerais beaucoup être de celles qui font des listes hyper détaillées de tout ce qu’il faut emballer. Celles qui n’ont pas besoin de passer leur voyage à stresser et à passer mentalement en revue tout ce qu’elles ont oublié d’irremplaçable.
J’aimerais, mais je ne suis pas comme ça.

Depuis que je prépare mes affaires toute seule, soit le début de l’adolescence, ça se fait toujours la veille au soir, tard et fatiguée. Je m’énerve après le gilet noir que je ne retrouve plus, celui qu’il me faut absolument, parce qu’il est noir justement et qu’il va avec tout.

Si j’ai de la chance, j’ai suffisamment de fringues propres en stock, sinon ben tant pis, je fais une lessive en arrivant – si je suis en famille parce que sinon, je lave dans la nuit, et je sèche l’unique jean, encore bien humide au petit matin, au fer à repasser. Oui madame, c’est du vécu.

Les chaussures. Toujours trop. Il y a celles qui vont avec les pantalons, mais qu’on ne mettrait jamais avec une robe, et celles qui font vraiment été et que si jamais il pleut on aurait l’air ridicule avec. Ne pas oublier celles pour marcher, les confortables qui pèsent deux kilos et que je mets donc aux pieds pour partir.
Bref, trop de place pour des pompes qu’on ne mettra finalement pas une fois, du coup il faut sabrer sur le reste.

Non, pas sur le sèche-cheveux, je tiens à conserver ma dignité, même en
zone humide. Ni sur les bidons de crème solaire indice 255, il en va de ma survie épidermique.
Tant pis, je tranche, j’évacue, je limite, je me rassure avec le shampoing et le gel douche tous neufs qui feront de la place au retour.

Et oui, parce qu’on revient toujours plus chargés qu’on est partis.
Des livres qu’on ne peut pas laisser derrière soi
– pensez, Mary Higgins Clark, ce serait dommage - un collier de coquillage acheté sur la plage pour une misère multipliée par douze, quelques babioles dénichées pendant les soldes parce que c’est plus marrant d’aller dans la réplique exacte de la boutique qu’on a en bas de chez soi quand on est à des centaines de kilomètres de là, quelques fromages de chèvre décidés à rentrer à pied, ou trois kilos de gros sel gris parce qu’il était tellement moins cher qu’à Paris.

Et ça c’était quand je partais encore relativement légère – un concentré d’absolue nécessité d’une petite vingtaine de kilos.
Cette année, je m’apprête à retraverser l’Atlantique munie de fiston, pour un mois, la fin des vacances avec le retour en solo. Je ne vais pas couper à un minimum d’organisation.
Si le compte est bon, ça fait deux personnes, donc au moins deux valises, un sac cabine et une poussette pour seulement deux bras. Aïe, là on est mal.
Ne me reste plus qu’à invoquer Shiva et le saint-esprit du rangement pour m’épauler dans cette épreuve du feu.

Si ça se trouve, je vais même me mettre à faire des listes.