vendredi, janvier 18

A la caisse n°1

Pour peu que les exentricités de Britney Spears vous laisse de marbre, faire la queue au supermarché est souvent l’occasion de se connecter avec le vide abyssal de l’ennui le plus profond. Mais, Dieu bénisse l’Amérique, on assiste parfois à des scènes qui valent le coup d’œil. Certaines sont un peu agaçantes, voire carrément angoissantes pour la mère de famille encore un peu bercée d’illusions que je suis. Comme on est dans ces cas là au premier rang et qu’on n’a pas envie de perdre une demi-heure en changeant de caisse, on en profite et on prend des notes.

Ma première expérience notable en supermarché remonte à 2002. C’était mon premier séjour états-unien et je n’étais pas encore au courant qu’ici on ne peut pas faire exactement comme en France. Je m’explique : je poireautais derrière une mère de famille au caddie plein, quand son fils d’environ 6-7 ans s’est avancé vers le mien et a commencé à tout tripatouiller. Et vas-y que je balance les œufs, que je malaxe les tomates, sans oublier de filer quelques coups de pied à la ferraille l’air de rien, ferraille qui finissait sa course dans mes tibias. Première réaction : « Mais je vais te l’attraper par les oreilles celui-là et la prochaine fois il réfléchira à deux fois avant d’enquiquiner son monde ». Il faut vous rappeler qu’à l’époque le monde des enfants m’était aussi familier et sympathique que celui des drosophiles porteuses de la peste bubonique.

Par un effort dont je ne me serais pas cru capable, j’ai quand même réussi à me maîtriser, et je me suis tournée vers la seule personne capable de lui faire entende raison, sa mère bien-aimée et par ailleurs très occupée à récupérer ses sacs et à les faire tenir dans son chariot. Je lui ai fait mon regard insistant, celui qui ne lâche pas sa proie, pendant que je tentais discrètement d’éloigner mon caddie des mains voraces du gnome entêté. Rien à faire, la mère était aussi fermée au monde extérieur que sa progéniture.

Mais que faire pour me sortir de ce guêpier ? « L’attraper par les oreilles et la prochaine… » Que faire, avant d’en arriver au taillage d’oreilles en pointe ? Je lui ai fait les gros yeux, avec l’air extrêmement fâché mais rien, zéro réaction. Sa mère était tranquillement en train de payer et j’essayai donc d’avancer pour poser ce qui restait de mes achats sur le tapis, mais il continuait à me tourner autour, tel un petit moustique entêté et très très énervant. Alors, parce qu’il fallait bien que je m’en défasse et que j’avais épuisé toutes mes maigres ressources intitulées « Comment se débarrasser d’un enfant sans le faire hurler ? », j’ai fini par attraper la main d’Attila, en lui demandant d’arrêter ça. Je précise que je l’ai fait d’une voix tranquille (agacée mais tranquille, c’est possible ça ?), et que mes yeux n'étaient pas exhorbités (au pire un petit peu de fumée sortait de mes narines, mais à peine). Et alors là, bienvenue dans une culture qui n’est pas la tienne.

Dans mon Champion à moi, un mot à l’enfant aurait suffit, et n’aurait peut-être même pas été nécessaire puisque la mère aurait mis moins de dix minutes à réagir. Elle aurait vraisemblablement présenté ses excuses et demandé à son fils d’aider à réparer les dégâts. Mais à supermarketland, la mère pense que tu es contente de t’occuper un peu de son enfant, si mignon que c’est un honneur d’être en sa présence. Limite thaumaturge le gosse. La mère est folle de joie parce qu’elle voit que son marmot adoré ne perd pas une occasion pour perfectionner ses « social skills », et que ce serait être une bien mauvaise éducatrice que de l’en empêcher. La mère, elle n’en peut plus de bonheur parce qu’elle a sous les yeux la confirmation qu’elle ne paye pas des milliers de dollars en vain dans une école qui a une liste d’attente pire que la salle des mariages du château de Versailles. Et vous, vous voulez gâcher tout ça pour quelques œufs cassés et des tomates rendues immangeables ? Mais seriez-vous dérangée dans votre tête ?

La mère, indignée de voir quelqu’un ruiner les chances d’épanouissement social de son bébé adoré, se jette vers lui pour le mettre à l’abri, derrière son chariot. Elle est outrée, ses yeux vous lance des éclairs d’acide chlorhydrique, elle vous hait, vous êtes inconsciente, vous venez de mettre en péril des années de laxisme éducatif et d’estime de soi gonflée à coup d’incessants compliments.
Mais à quoi songiez-vous ?
Heureusement, la mère a vite réagi et vous l’entendez dire à son fils, en quittant le supermarché, « Don’t worry, you did nothing wrong. She’s just crazy ».

Si vous avez aimé Supernanny achète des tomates, vous allez adorer Supernanny se paye des pommes, à ne surtout pas rater.

4 commentaires:

Benedicte a dit…

la règle d'or (tu sauras pour la prochaine fois ;) : pas touche les enfants des autres. Jamais.

A la place et si tu l'oses, tu lui gueules dessus Back off little Brat :D Tu passes aussi pour une loony mais au moins ca soulage ET tu ne l'as pas touché :D

Yibus a dit…

sois heureuse, tu as échappé à la prison et à la "réhab" avec travail de groupe en règle... Inconsciente que tu fus...

L'enfant expatrie a dit…

Regle numero 1 : ne pas toucher un enfant ! Bcp se font avoir ce ci dit !

Jason a dit…

Hi thanks for posting thiss