mercredi, décembre 5

Permis de conduire, épisode 4 - dans l'enfer de la drogue

Alors que je mette les choses au clair dès le début : l’alcool c’est de la drogue et la drogue… c’est mal, c’est le diable que vous invitez dans votre gosier de junkie.
Tout de suite ça met dans l’ambiance. Et bien samedi dernier, c’est ce qu’un gentil instructeur d’auto-école m’a rabâché indéfiniment. Oui, parce qu’ils disent « 3 hours drugs and alcohol program » mais en fait ça dépend de là où vous tombez parce que chez MD Discount Driving School c’est pas des flèches et le temps de faire les photocopies et tout, ben ça a duré pas loin de 4 heures en fait. En même temps, quand on va dans une « auto-école discount » il ne faut pas non plus s’attendre à des records d’efficacité.

Tout a commencé à 8h30. J’ai fait la queue pour m’inscrire – et payer – avant d’aller m’installer dans une salle avec des sièges qui ont des accoudoirs rabattables pour écrire, enfin ils étaient à peu près tous cassés mais de toute façon, pour ce qu’il y avait d’intéressant à noter, ça n’a pas manqué. En attendant que le gentil instructeur arrive, on nous a laissé avec la télé branché sur Discovery Channel et une émission spéciale sur les détournements de voitures et les poursuites de police à Los Angeles, j’imagine que ça devait avoir un but éducatif mais vu les rires et les commentaires de la salle je ne suis pas sûre qu’il ait été atteint. J’ai eu un moment d’inquiétude en me rendant compte que j’étais la seule non-hispanique de l’assistance. Il n’aurait plus manqué que je me tape le programme en espagnol. Mais l’arrivée de trois Coréens en rang serré, engoncés dans des parkas à fourrure, m’a vite rassurée.

Vers 9H15 les bavardages ont diminué et la salle est gentiment entrée dans une léthargie qui ne devait plus la quitter.
Et c’est alors que les choses sérieuses ont démarré. L’instructeur, enfin le professeur comme il s’est présenté, est entré en faisant des blagues genre « Je ne me suis pas réveillé… alors c’est bien ici la fête ? » et je vous fais grâce du reste. Les cinq minutes suivantes ont été occupées à nous faire répéter que conduire n’est pas un droit, c’est un privilège. Ça j’avais remarqué, merci. « Conduire est un ? »... Et la quarantaine de personnes de répondre mollement « Privilège », et lui reprenant à la manière des télévangélistes, gueulant comme s’il faisait face à un amphi de 500 personnes « Un quoi ? »… « Privilège » devenant de plus en plus inaudible à mesure que la salle se rendormait. Il faut préciser que les 9/10ème de l’assistance parlait très très mal anglais, voire carrément pas du tout alors il se fatiguait un peu pour rien. Ensuite, pour nous redonner goût à l’existence, car il avait bien senti que son show avait éveillé quelques pulsions suicidaires dans le groupe, il nous a répété plusieurs fois « Aujourd’hui est le premier jour du reste de votre vie, vous devez en profiter », et d’insister encore et encore « Le premier, vous comprenez ? », oui merci, on est peut-être pas anglophones mais on n’est pas débiles non plus. De toute façon, on aurait opiné du bonnet à n’importe laquelle de ses remarques positivistes à deux balles, juste pour qu’il se la ferme un peu et laisse la gentille fille bilingue du premier rang, recrutée de force à l’instant, faire la traduction en espagnol.

Les choses se sont corsées quand il nous a annoncé que la session allait se terminer par un test sous forme de questionnaire à choix multiples. Comment ? Parce qu’en plus il fallait prouver qu’on avait écouté ? Ah mais voilà qui changeait la donne, parce que sans alcool la fête a beau être plus folle, il était hors de question que je perde à nouveau une matinée de week-end à me taper le live de Mister Cocktail, sans façon merci.
J’ai donc décidé de me concentrer un minimum. En fait, minimum c’est bien le mot puisque le prof s’est lancé dans une liste de points clés, qui en fait correspondaient aux questions de la première partie, puis a enchaîné avec des mots clés correspondant à la seconde partie du test. Les informations délivrées sentaient le réchauffé : conduire est un privilège – et oui, encore, des fois qu’on soit tous atteints d’un Alzheimer précoce, l’alcool est une drogue, boire ou prendre des médicaments (y compris sans ordonnance comme du paracétamol ou un sirop contre la toux) alors que l’on s’apprête à prendre le volant est illégal. Ensuite on a atteint un point qu’il devait estimer plus compliqué à comprendre que les autres : conduire la nuit est plus dangereux qu’en plein jour. Tout le monde ne fait peut-être pas la différence entre le jour et la nuit, alors, pour appuyer sa démonstration, il a éteint plusieurs fois la lumière en mettant une main devant ses yeux et en faisant semblant de se prendre le bureau dans les guiboles : « night…danger…understand ? », toujours traduit en espagnol, au cas où. Bon après un tel investissement physique il était crevé alors il a fait lire la suite du manuel par des gens de la salle, en alternant les lecteurs anglophones et les hispanophones, interminable et inutile puisqu’on avait tous le manuel en question sous les yeux. Il a refait surface pour nous démontrer, petite voiture à l’appui – oui oui, des jouets genre Majorettes – que quand on a bu, la voiture ne roule plus droit et risque de se manger un rouleau de scotch, ça faisait trop peur.

Le test est enfin arrivé. Comme la première question était un peu compliquée (identifier une drogue, le PCP, à partir de son nom complet dont les trois parties commençaient par P-C-P), il a préféré nous donner la réponse. Les manuels sont passés sur les genoux et les premiers à terminer ont fait circuler les réponses. De toute façon, pour être sûr qu’on arriverait à gruger dans de bonnes conditions, le prof a quitté la salle pendant cinq minutes.

Et il a ensuite fallu attendre les résultats, en matant un film sur des gens qui boivent avant de conduire, ou même pendant, et qui meurent à la fin comme il se doit, en tuant d’innocentes adolescentes en prime, si c’est pas malheureux.

Ma voisine de devant, la traductrice, stressait comme c’est pas permis et j’ai cru bon la rassurer en lui assurant qu’une seule bonne réponse suffirait à l’obtention du fameux certificat. Elle a jugé que je prenais tout ça beaucoup trop à la légère. Comme elle suivait le programme pour la seconde fois, j’ai évité de lui dire que selon moi fallait vraiment être décérébré pour rater ce pseudo-test, ne suis-je pas délicate ?

Allez, foin de tout ce suspens, évidement je l’ai eu, en fait on l’a tous eu je crois bien. Tonnerre d’applaudissements, merci.

Ne reste plus qu’à retourner au MVA maintenant, et là je ferai moins ma maligne.

A suivre

7 commentaires:

Yibus a dit…

Grandiose description, on s'y croirait... D'accord, les drogues, c'est mal... J'ai compris. Mais que font ces points de couleur sur votre site ? Passeront-ils au vert lors du prochain épisode et l'obtention, -j'ose l'espérer- du permis ? Autre évènement étonnant à raconter... La conduite américaine sous la neige. Déjà un mélange de mollesse-énervement en temps ordinaire. Ce matin, le pompom... Premiers flocons à Washington-et aux environs, sans doute-, des voitures embouties, une école dont le chauffage est cassé. Retour à la maison en famille et séance de bonhomme de neige cet après-midi... Et peut-être relecture de votre billet avec un bon grog... Oups

Marie a dit…

Salut Yibus, merci pour ton message :) Pour les points de couleur, j'ai honte mais je dois dire que c'est le modèle proposé par l'hébergeur et que je n'ai pas le commencement d'une idée de comment personnaliser tout ça, mais j'y travaille. La conduite sous la neige attendra un peu, je ne suis pas complètement inconsciente... quoi que.

Anonyme a dit…

l'obtention de ton permis de conduire ressemble étrangement à l'épopée de qui souhaite faire la moindre démarche administrative en France, en particulier au bureau de poste de la rue Poussin. Dans ce cloaque sinistre et puant datant au mieux des années 50 version communisante, l'open space est inconnu, forcément. Mais derrière leur hideux vitrage à l'épreuve des balles, le personnel, blafard et borné, met autant de mauvaise foi que votre type de MVA pour effectuer la moindre opération, même la plus basique. L'envoi d'un recommandé (après une heure d'attente minimum) frise les coulisses de l'exploit. Quant à la remise d'un recommandé, on est carrément dans Mission Impossible. Seul avantage : à la poste de la rue Poussin, il paraît qu'ils parlent français... Martine.

Anonyme a dit…

Bonjour Marie ! Encore une fois, une lecture fort intéressante, et bravo pour ton style. Tu devrais écrire plus !

Marie a dit…

Merci guerric, ah ben me v'la toute rougissante maintenant, c'est malin ! Je veux bien écrire plus mais alors tu m'envoies une gentille nounou qui s'occupera de fiston pendant ce temps là... et puis, au fait : pas chère la super nounou archi-compétente, ça va sans dire.
Martine d'à côté de la rue Poussin, je vous redis tout ce que vous savez et je vous embrasse (on se croirait dans James Bond, je code ce que je dis).

Anonyme a dit…

lol ! Je suis avec régal tous tes épisodes et j'attends avec impatience celui qui dira "ça y est j'ai le permis".
C'est vrai, tu devrais écrire un bouquin, tu as un super style !

Marie a dit…

Vous vous êtes passé le mot pour que je ne sache plus où me mettre? Ah non, c'est parce que c'est mon anniv aujourd'hui ! Merci..