lundi, décembre 3

Permis de conduire, épisode 3 - aux frontières du réel

Jeudi dernier, à l’heure où les livreurs du Washington Post s’adonnent à leurs acrobaties de lanceurs de javelot amateurs, nous sommes partis vers le MVA de White Oak.

Inutile de faire trois paragraphes sur le comment je me sentais : mal dormi, le ventre en boule et les mains un peu moites, il ne manquait plus qu’une bonne poussée d’acné pour me renvoyer au lycée un jour de contrôle de math.

Le MVA est un bâtiment administratif, donc fonctionnel, ce qui est un euphémisme à l’américaine pour éviter de dire que c’est une grosse bouse architecturale et que la personne qui a décidé de l’agencement de l’espace et de la déco intérieurs devrait passer huit heures par jour dans ce hall de gare aux néons aveuglants et au lino motif déjections variées, juste pour lui faire admettre que ses partis pris esthétiques sont nuisibles à la santé mentale.
Tout est en open space, de la file d’attente de l’accueil jusqu’au bureau le plus éloigné, et l’avantage c’est qu’on peut sentir l’odeur de gâteaux apéro à la crevette du type un peu gros, tout là-bas. Je rappelle qu’il n’était pas encore 9 heures du matin.

Notre numéro est appelé rapidement et nous nous dirigeons vers le bureau 3, tellement microscopique qu’on dirait un jouet, comme les fausses cuisines ou les faux étals de primeurs pour les enfants. C’est mon jour de chance, j’ai affaire au gourmet à la crevette. Il n’a l’air ni réveillé, ni terrassé par l’envie de se montrer aimable alors on se fait discrets. Les courriers de l’assurance santé et de celle de la voiture ne peuvent pas servir de preuves de domicile… on reste calmes et on tend une lettre de la banque. C’est bien mais il faut deux preuves distinctes. Justin, qui lui a un permis tout neuf de l’Etat du Maryland, atteste que j’habite bien avec lui et comme on a le livret de famille, le certificat de mariage et sa traduction c’est accepté, ouf merci.
Ca y est, le processus était sur le point de s’enclencher et il n’était plus temps de se demander comment s’actionne l’essuie-glace arrière. Résignée, j’essayais juste de réunir le peu de calme encore présent à l’appel.
C’est si près du but que le gros type à la crevette a eu l’idée saugrenue de demander le certificat prouvant que j’avais suivi le « 3 hours drugs and alcohol program », consistant à passer 3 heures dans une auto-école à s’entendre dire que l’alcool c’est mal et que conduire sous paracétamol fait de toi un junkie. J’avais l’intention de le faire, pas trop le choix en même temps, mais après les épreuves, une fois que j’aurais réussi. Et ben, le type, il ne voyait pas les choses sous cet angle et il soutenait qu’il faut le faire AVANT les épreuves. Justin, qui est à la limite de connaître le site web du MVA par cœur était sûr de lui : il n’est dit nulle part que ce programme est à suivre AVANT. Ce qu’il s’est empressé de dire au type, appuyant son argumentation sur le fait que le permis étant envoyé longtemps après le jour de l’épreuve, cela laisse le temps de suivre le programme et d’envoyer l’attestation au MVA. C’est qu’il n’avait pas très envie d’avoir pris sa matinée pour rien vous voyez, ni de revivre l’enfer d’avoir à me supporter en plein stress alors ça rend persuasif ces choses là. Le type ne savait que répéter qu’il fallait le suivre AVANT et que c’était dit sur le site, alors de guerre lasse il nous a envoyé au bureau 9, le bureau de la manager.

Alors au bureau 9, j’ai cru que c’était encore Halloween. Quand la manager s’est avancée vers nous, j’ai eu un flash et j’ai pensé à la sorcière de Blanche-Neige, vingt ans et une verrue en moins. Elle a écouté Justin pour le principe mais n’a rien voulu savoir. Le programme est à suivre AVANT, des fois qu’à l’examen du code je ne sache pas répondre à la question « boire de l’alcool avant de prendre le volant, c’est…a/une bonne idée pour rester éveillé ou b/mal, l’alcool est une drogue ».
Quand Justin lui a demandé de lui montrer où se trouve l’info sur le site internet, elle a commencé à s’énerver en disant que nous étions les seuls à nous être trompés et que ce n’était jamais arrivé – sa manière de le dire sous-entendait clairement qu’il fallait être des abrutis hors catégorie pour ne pas comprendre quelque chose d’aussi évident. Quand Justin a insisté, pour le principe, elle a balayé ses questions en disant que tout ça n’était que de la sémantique (c’est parce qu’elle est capable de répondre ça qu’elle est manager en fait) et que donc, merci d’être passés mais il faut partir maintenant. Elle était incroyablement agressive et j’en ai fait la remarque à Justin. Croyez-le ou non, cette gorgone a entendu et a répondu, « I can understand that, you know ». Je lui ai donc dit dans la langue de chez moi qu’il fallait qu’elle se calme mais ça n’a pas eu l’air de l’émouvoir et elle a continué a faire son geste en direction de la porte tout en en disant « au wevoiw ».

Donc ce qui n’est qu’une simple formalité pour beaucoup se transforme chez moi en saga avec rebondissements à couper le souffle. Surtout ne ratez pas, dans le prochain épisode, ma descente dans l’enfer de la drogue.

A suivre

7 commentaires:

Benedicte a dit…

O_o c'est complêtement hallucinant ton histoire!!!!

La suite - la sui-te :D

Anonyme a dit…

Bonjour,

d'abord bravo pour ton blog, j'adore ton humour et ta façon de raconter les histoires. En tant qu'expatrié temporaire à Montréal, je retrouve sur ton site un grand nombre de mes découvertes nord-américaines ! (notamment la machine à laver, véritable éradicatrice de linge)

Pour ce qui est de ton permis, ça me rappelle fortement mes aventures avec l'administration française (ZE administration of ZE world, dixit mes profs de science politique). Si tu veux lire : http://www.guerric.net/blog/index.php?post/2005/01/12/5-sinscrire-a-la-fac-en-65-etapes-simples

J'attends la suite de ton permis avec impatience ;o) Il paraît que l'épreuve pratique est moins difficile que l'épreuve administrative...

Anonyme a dit…

Mon lien a pas l'air de passer, alors je le remets, en HTML, ici.

;)

Marie a dit…

guerric, j'ai lu ton récit : bidonnant mais crispant aussi, ça m'a rappelé bien des souvenirs. Un jour je pense que je parlerais de T...iac!

Flo a dit…

Salut Marie,

Je suis une de tes fidèles lectrices depuis fin octobre. J’aime beaucoup ton style et ton humour. J’ai lié ton blog au mien et je passe régulièrement pour lire tes billets. Originaire de Metz, je vis aux Etats-Unis depuis maintenant 17 ans (en Floride depuis juin), alors je n’ai moi-même plus cette perspective nouvelle sur les petites choses de la vie quotidienne, mais j’apprécie beaucoup ton regard et tes réactions.

Je partage ton aversion pour la conduite, et les descriptions de tes manœuvres maladroites et de tes angoisses me font à la fois rire et frémir. Bon courage. Après toutes ces démarches administratives, quand on te laissera finalement te présenter, tu auras peut-être bien envie de le passer et de le réussir ce permis! J'attends la suite avec impatience.

Anonyme a dit…

Ah y'a pas qu'en France que le dialoge avec les fonctionnaires peut être difficile ! Courage ! Vivement la suite !

L'enfant expatrie a dit…

Lol je suis morte de rire [pardon, c'est pas charitable je sais...]. Je suis passee par la, il y a un an tout pile. Moi j'y suis revenue 3 fois avant de pouvoir passer le code [1ere fois, j'avais pas mon H1B, c'est a dire mon mari avec moi, la 2eme, j'avais pas de numero de secu, donc fallait une lettre de la secu...]. La troisieme etait la bonne, mais manque de bol, je l'ai rate. C'est que la 4eme fois que j'ai eu l'autorisation de passer la conduite...
bref, apres avoir raconte ma life, je te souhaite bon courage et bonne chance !