Oui, je sais, les ponts printaniers ont eu raison de votre déprime saisonnière et vous ne pensez plus qu'a barbequiouter en rêvant aux vacances à venir. Le p'tit rosé était bien frais et la salade de fruits plutôt bonne mais ce n'est pas une raison pour ignorer les drames qui frappent le monde animal, bande de rien à péter.
Puisque aucune organisation œuvrant pour améliorer le sort des bébêtes n'a encore trouvé bon de sponsoriser ce blog, je ne vais pas me fatiguer non plus à vous donner mauvaise conscience, y'a pas de raison. Je préfère m'en tenir à la cause du malheureux carnivore domestique qui nous tient lieu de chat.
Je ne m'étendrai pas sur le sauvetage de la bête acculée et prostrée, réalisé en quatrième vitesse hier soir, pour arracher le misérable des pattes des deux chats d'en face venus lui chercher des noises jusque devant notre porte, l'humiliation a été totale. Bientôt deux ans de guerre des gangs et toujours le même constat : Chesapeake est à la bagarre ce que la serpillière est à la haute couture.
Hélas, il y a encore pire dans la vie de ce chat.
Chesapeake est devenu la tête de Turc d'un oiseau.
A peine posait-il sa patte dehors que le volatile reprenait en boucle son chant d'alerte, sonore et très fatiguant pour les nerfs. A croire qu'en cette saison de montage de nids en kits et ponte à gogo il n'avait rien d'autre à faire que glander devant notre porte d'entrée.
Quand je me suis rendu compte du manège, je me suis dit "Hé, hé, je connais un emplumé qui va passer un sale quart d'heure".
Mais le matou a continué sa vie, en faisant celui qui ne remarquait rien, toujours très poli.
Le Mockingbird, oiseau qui porte bien son nom, en a fait une affaire personnelle, ce chat devait en vouloir à sa descendance, il fallait s'en débarrasser.
Les choses se sont donc corsées pour notre benêt à rayures.
Le Mockingbird s'est lancé dans une campagne intensive de bombardements en piqué, visant de préférence l'arrière-train dudit benêt en train de regarder ailleurs, et ne voyant donc jamais rien venir. Les assauts laissaient peu de répit à notre chat zen, stoïque, assis à découvert et n'essayant même pas de se défendre. Je peux vous dire que ça faisait pitié.
S’il lui prenait l’envie de calmer le jeu en partant se faire oublier au bout de la rue, il le faisait sous les huées et les piqués, une fuite honteuse à la truffe de tout ce que le quartier compte de quadrupèdes et rongeurs domestiques, morts de rire devant ce spectacle.
Pensez-vous que le chat aurait déclaré "Non mais dis donc, laisse béton ou tu vas tâter de ma griffe" ?
Ou qu'il aurait fait celui qui ne voit rien, afin de tromper l'ennemi et de lancer à son tour une attaque éclair, intitulée "Opération édredon éclaté" ?
Ben non, le félin pas finaud a rabattu ses oreilles et attendu que ça passe.
C'est moi qui suis allé ouvrir la porte à intervalles réguliers pour le faire entrer et que l'oiseau rabatte enfin son caquet. Passés quelques jours, j'y suis même allée de mes secouages agressifs de torchons en courant dans le jardin et menaces verbales non-homologuées par la ligue végétarienne. C'est là que je me mise beaucoup sur l'absence de mes voisins immédiats.
Pour toute réponse, l'oiseau a continué à se moquer du monde en venant taper son bec à la porte fenêtre de la cuisine, pour persécuter le chat qui comatait à côté de ses croquettes. Limite Hitchcock.
Après une dizaine de jours à lâcher des remarques désobligeantes pour galvaniser le valeureux chasseur endormi très profondément chez notre ami le nigaud, quelque chose s'est produit.
Le Mockingbird a arrêté de se moquer, il a tout bonnement disparu du jour au lendemain, pfiout, évanoui, alors que ses congénères sont toujours là, un peu plus loin. Pas de plumes sur la pelouse, aucun témoin ni indice, le mystère est entier.
Interrogé, Chesapeake s'est muré dans un silence dédaigneux et n'a souhaité faire aucune déclaration.
La bête à moustaches aurait peut-être sa fierté malgré tout.
Mais quelque chose me dit que c'est un des deux chats d'en face qui a eu ras le bol du boucan et s'est déplacé en personne pour faire le sale boulot. Ça va se payer cher je sens.
dimanche, mai 31
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9 commentaires:
pauvre lui
(on dirait mon fils)
nan, il a une connexion avec la mafia du coin, c'est tout.
brave bête...
Je partage ton avis, peut-être une solidarité féline, histoire de sauver la face, les voisins ont dû intervenir en silence...
T'es certaine que c'est un chat ton truc à patte poilues ?
Pour les oiseaux, LE piaf a du se lasser d'être ainsi snobé et est allé voir ailleurs, car vu le comportement des voisins félidés j'ai un gros doute sur leur solidarité, ils auraient plutôt encouragé le volatile à poursuivre ses persécutions. Ou si vraiment ce sont eux qui ont fait le boulot, en effet je plains ton greffier, ça va lui couter un max... Tu as des stocks de bétadine ? :D
Justin, il s'en occupe de la pelouse des fois? Parce que dans quelques jours, le chat pourrait s'y camoufler tranquille...
ça fait plaisir de retrouver ta prose ! mais à propos, en français c'est quoi ton oiseau ? ou bien nous on a pas ce genre là chez nous...
En cherchant sur le net de l'aide dans la recherche du Graal (permis américain), je suis tombée sur ton blog. J'étais au comble du désespoir (bon peut être pas mais pas loin non plus) et tes articles plein d'humour m'ont rendus le sourire. Merci !
Smirnoffette une expat' du Maryland
Ce n'est pas que j'ai quelque chose contre Chesapeake mais je crois que je pourrais désormais réciter son histoire par coeur. A ce stade, ce n'est pas que ton chat qui est châtié, ce sont aussi tes lecteurs assidus qui ne comprennent plus ! Qu'est-ce qu'on t'a fait ? Pourquoi tu nous en veux ? Pourquoi tu nous aimes plus et que tu nous punis en ne nous racontant plus d'histoires ? Marie, tous les êtres humains ont besoin d'histoires, tu le sais. Nous aussi, nous sommes des êtres humains, si, si ! J'espère que tu entendras cet appel désespéré.
M.53
Voilà. Je suis arrivée chez vous au gré de je ne sais plus quelle pérégrination. J'ai passé une partie de la journée à vous lire. Et j'ai bien rit. Merci !
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