lundi, août 8

Je jette l'éponge

Quand on est à peine de retour au pays où l’on vous rowentise la vie, après 6 semaines en France, il vous vient des constatations que Lewis et Clark n’auraient pas reniées.

« Encore ? » Me direz-vous.


Oui, encore.

Je sais ce que mes fulgurances sociologico-ménagères peuvent avoir de barbant quand on est enfin en vacances, arrivé au camping de la Chapautière, au bout du rouleau. On va se taper trois semaines de vaisselle en bassine alors si c’est pour que je débarque avec mes grosses Crocs en me pavanant « gnagnagna ici y’a des trucs que t’as pas et j’ai trop les boules pour toi, gnagnagna », ben ce n’est pas la peine, merci.

Ami campeur, déjà je te dirais que tu m’as tout l’air d’avoir une connexion internet, ce qui te permet de profiter de la salle ordinateur de la Chapautière, climatisée avec son distributeur de sodas et ses posters Caraïbes. Veinard. Ou alors, ami campeur mais néanmoins râleur, tu disposes d’une connexion ET d’un itruc ou assimilé, donc de quoi te plains-tu, à moi qui n’ai qu’un portable sans appareil photo et que la bave de mes enfants a fini par faire rouiller ?


Si je voulais schématiser et ne pas faire dans la finesse d’analyse qui me caractérise, je dirais que le problème en France c’est l’environnement.

Mais si. On s’en soucie beaucoup trop.


Prenez, par exemple, des vacances en maison avec grand jardin et beaucoup de personnes autour de la table. Vous préparez, mettons, des carottes râpées. J’ai dit « mettons », pas la peine de dire beurk. Comme vous vous souciez de l’environnement mais que vous n’êtes pas non plus Crésus, vos carottes ne sont pas bio élevées sous la mère ni rien. Puisqu’on ne se refait pas et que vous êtes une chochotte, vous avez un peu peur des pesticides et du cancer, donc vous les pelez. Quand, au bout d’une vie et demie vous avez fini d’éplucher et de râper, vous regardez le triste résultat : un saladier de taille très moyenne pour la tablée et un sceau d’épluchures.

Qu’en faire ?

Idéalement vous auriez une vache, un lapin, voire une poule naine végétarienne. Mais puisque le reste de l’année votre syndic interdit les ruminants sur balcon, ben non. Alors ? Vous ne pouvez quand même pas jeter un SCEAU d’épluchures presque comestibles à la poubelle, alors que la planète compte sur vous, que les animaux de la forêt d’à côté vont venir crever le liner de votre piscine si vous ne vous montrez pas un peu plus écolo-citoyen.

Pas le choix, vous vous lancez dans le tas de compost à ciel ouvert au fond du jardin. Deux sceaux par semaine de déchets végétaux croupissant sous votre évier et condamnant vos lombaires à l’option acrobatie à chaque débarrassage de table, pour le plaisir de vous sentir en phase avec le Vivant.


Au pays où l’environnement est encore au service de l’homme, au royaume du génétiquement modifié, on pèle ses carottes tranquillement, fier et debout devant son évier, et c’est debout qu’on actionne le broyeur qui nous débarrasse des kilos d’épluchures, des restes dans les assiettes et des invités gênants. Et comme on sait bien ici qu’Al Gore et Nicolas Hulot sont à la solde des bio-producteurs, on ne croit pas à la fonte des glaciers et on fait partir le tout avec l’équivalent d’une baignoire d’eau potable.


Prenons maintenant une situation banale, votre chat se prend pour une chouette. Il gerbouille ses pelotes de poils et autres réjections gluantes un peu partout et traitreusement de nuit. Que faire ? Un choix s’offre à vous, essuie-tout ou lingettes. Comme vous êtes le produit de votre temps, vous prendriez bien la lingette, en hésitant entre celle qui détache, celle qui désinfecte ou celle qui en plus fera briller le parquet, voire un combiné des trois, mais vous voilà rattrapé par votre satanée conscience d’écolo-citoyen. A compter trois gerbouilles par jour, multiplié par une dizaine de lingettes à chaque ramassage, aïe, votre empreinte carbone se tire une balle. Bon ben le sopalin alors.

Mais assumez haut et fort votre choix, relevez la tête. Le sopalin c’est bien, le sopalin c’est malin.


Alors qu’en France on vous culpabilise : l’éponge avec de l’eau claire c’est mieux – de l’eau de pluie pour le ménage hein, ça coule de source, au pays de Procter & Gamble les industriels savent tranquilliser notre militant développement durable intérieur : vous découpez le sopalin selon votre besoin, par demie feuille – je ne peux pas parler pour vous mais la militante écolo-radine en moi se prosterne.

En plus, tous les campeurs qui aiment la nature vous le diront, l'essuie-tout se décompose très bien dans du compost, à condition d’être blanc et sans motifs.


Alors ? Maintenant que l'épineux débat est lancé il faudrait que le G20 tranche : c'est quoi le mieux pour sauver l'Univers, la demie feuille ou la Spontex ?


Par contre, faites gaffe, l'éponge passe très mal au broyeur.




3 commentaires:

lapicarde a dit…

Hi hi je viens de faire un post inverse sur mon angoisse face à la malbouffe ici...!! Le broyeur c'est clair c'est super, je ne comprends pas pourquoi ça n'existe pas en France... Peut être que ce serait trop pratique et simple donc pas français ...

ariana lamento a dit…

il s'prend pour qui anonyme??
Bon, ma chérie, comme je te comprends est un understatement.

Nine back from USA a dit…

Heu, moi j'ai toujours eu un peu la frousse que le broyeur se déclenche inopinément. Du coup un évier sans broyeur, j'aime bien...