vendredi, octobre 1

Initials B.B.

Il y a encore quelques jours, j’étais débordée, noyée sous un tas de trucs à faire-penser-organiser-téléphoner, et je me disais que j’allais imploser. Ah, mais que faire pour oublier la tentation d’une semaine toute seule aux Bermudes, sans rien d’autre à me soucier que remettre un peu de crème sur mes épaules avant la fin de mon troisième (cocktail) roman ?

Certaines auraient choisi la solution baby-sitter d’urgence, auraient refilé les monstres pour aller profiter de l’été indien en terrasse en papotant avec des copines compréhensives, seraient allées au cinoche, auraient braqué la zone commerciale la plus proche. Mais pas moi, ça non. Quand il s’agit de se compliquer l’existence, je ne me prive pas, je fonce tête baissée dans les panneaux que Dame Nature tend sur le chemin qui va de ma portière de voiture à ma porte d’entrée.

Samedi fin d’après-midi, retour de promenade. Heure du dîner de mouflette, qui le fait bien savoir, et fiston qui n’a pas volé un passage par la baignoire. Un peu occupée donc. Et là, que vois-je, se traînant lamentablement en essayant d’échapper aux mouches, à quelques pas du perron ? La réponse à mes vœux d’overbookée, une sorte de poupon Corolle qui parle-mange et fait même pipi, mais en version poilue avec les griffes de Freddy.
« Oooooh Maman, un nécureuil, il est mignon Mamaaaan ». Et paf. Il est pour qui le bébé nécureuil d’après vous ? Qui c’est qui a gagné le droit de se taper l’interminable et passionnante lecture de forums spécialisés en rongeurs pour savoir quoi lui filer à becqueter, comment le tenir au chaud, quelle langue lui parler et trouver sa couleur préférée pour les mitaines tricotées main de cet hiver ? Hein, qui ?



Moi, l’overbookée, celle qui croyait ne rien pouvoir faire de plus durant les heures ouvrables, celle dont le niveau d’énergie flirtait avec les -50 vers midi.
Avant tout, lui donner un bain pour le débarrasser des puces et des œufs que les mouches auraient pu avoir le temps de pondre sur lui, puis donner une solution de réhydratation toutes les 3 heures pendant 48h, avec ravitaillement à 4 heures du mat’ la première nuit tellement j’angoissais de le retrouver tout momifié au matin. Ensuite, trouver du lait de brebis pour préparer une mixture plutôt bonne avec de la crème liquide et du yaourt à la vanille. Après avoir réussi à le déposer sur votre balance de cuisine, et à l’y faire rester, les 4 papattes griffues bien à plat, donner 5% de son poids à la pipette toutes les 4 heures cette fois. Puis, lui masser le ventre pour qu’il digère et urine sur vos doigts, voire plus si affinités. Bouteille d’eau chaude à renouveler toutes les 3 heures aussi pour qu’il n’hypothermise pas, ou déposer la moitié de sa boîte sur une couverture chauffante, en faisant gaffe d’isoler le fond de la boîte parce que les fils électriques apprécient bof-bof l’urine de rongeur, et la laine pas mieux.


Préparer et donner le repas des enfants est soudainement devenu d’une facilité déconcertante. Changer une couche, hygiénique presque. Les appels de mouflette avant l’aube, une douce mélodie à côté des couinements qui ont entrecoupé mes cauchemars de nécureuil perdu dans la maison.

Mais pourquoi ne l’ai-je pas écrasé, l’air de rien, en marchant dessus ?
Mais parce que Dame Nature me connaît, elle sait que je suis le plan B de tous les tombés du nid.

J’ai commencé jeune, avec un mulot frigorifié dans une flaque de neige fondue. Roudoudou a été choyé quelques jours avant de repartir vers les siens, entre les murs de la maison où il a coulé des jours aussi paisibles qu’heureux, éperdu de reconnaissance. Ou plutôt, une fois le mensonge parental mis à jour quelques années plus tard, a été choyé quelques jours avant de couler, littéralement, dans un fond de bouteille de bière, laissée près de sa boîte par mon père. Le Roudoudou est mort bourré, toujours plus sympa que transformé en bâtonnet glacé.

Ont suivi deux chatons rejetés par leur mère qui les tabassait sur le bord de la route. Pathétique, comment résister et continuer son chemin ? J’ai réussi grâce à l’aide d’une copine à les refourguer à un poissonnier, bonne affaire pour les matous.


Ensuite, mon plus grand coup d’éclat, ça a été l’agneau tout juste né, que sa mère avait largué en haut d’un monticule rocheux, au fond d’une forêt basque où je faisais un break au milieu de mes révisions de partiels. C’est qu’un agneau pèse déjà 5 bons kilos à la naissance, et que ce n’est pas forcément très coopératif quand un humain s’approche et le prend dans les bras pour lui éviter de crever là, en lieu et place de l’excellent gigot qu’il est en droit de devenir. Une marche de trois bons quart d’heures, imaginez l’exploit.

Puis sont tombées à côté du hamac où j’espérais couler des vacances heureuses deux bergeronnettes toutes petiotes à qui j’ai donné la becquée et qui ont fini par apprendre à voler, puis à se décider à suivre leurs congénères jusqu’en Afrique, mais non sans être venues me dire au revoir. La bergeronnette est très civile.

Je n’ai peut-être pas la main verte, mais la faune est mon amie et elle le sait. En haut de la rubrique « en cas d’urgence », c’est mon nom qui apparaît, je suis connue même du loup blanc.

Quant à mon nouvel ami le nécureuil, et ceci n’est pas le mensonge parental de l’histoire, je lui ai dégoté un recueil top qualité dans une ferme des environs, avec véto bénévoles et forêt adjacente. J’ai même un numéro de référence et je peux téléphoner pour prendre de ses nouvelles. Mazette.
En repartant de la ferme, au premier feu rouge, mes yeux sont tombés sur l’un de ses semblables écrasé, comme j’en vois toutes les semaines en promenant les enfants.
En enquillant l’heure de route du retour, je me suis dit que quand même on fait parfois des trucs pas très rationnels.



6 commentaires:

Anonyme a dit…

On te reconnaît bien là, Marie, notre version moderne, féminine et rousse du gars Noé qu'a fait beaucoup pour les animaux. Je m'étonne juste que tu ne cites pas Ikki (je ne garantis pas l'orthographe) parmi tes rescapés, elle dont la compagnie ne fut pas toujours de tout repos, surtout vers la fin.
martine 53

Nine back from USA a dit…

Tu as du bol que tes enfants aient accepté qu'il reparte. Un écureuil apprivoisé, ça aurait été un chouette souvenir de votre séjour aux USA non?

Yibus a dit…

BBBBon, le commentaire a dû sauter aussi vite qu'un écureuil marylandais...
J'y exposais ma consternation quant au choix de cette photo manifestement destinée à faire la publicité des hachoirs, si pratiques pour écraser les jeunes os des nécureuils par rapport aux mains d'humain, si gauches...

Sinon, le titre m'est un mystère... Peut-être une allusion à une ex sex-symbol des sixties qui a tourné vinaigre ?

ariana lamento a dit…

TU fais parfois des trucs pas très rationnels.
Mais je te lirais des heures.

Anonyme a dit…

tu as oublié les milliers de cochons d'inde de ton adolescence !
bon ok, bcp moins sauvage ! (c:
++
Fabien

Carine a dit…

Pas rationnel?
Ca dépend, si c'est toi qui les écrase, ça se discute mais sinon...
Qui qu'il en soit, cela faisait bien trop longtemps que je n'avais pas pris le temps de me faire plaisir en te lisant.
Et c'est chouette d'être accueillie avec une photo de nécureuil!