dimanche, septembre 27

Tu la reverras ta mère


Il y a une semaine, à l'école, j'étais la mère qui a de la chance, celle dont l'enfant se précipite dans la salle de classe en riant, sans même prendre le temps de lui dire au revoir, et qui le récupère tout joyeux, distribuant des "encore ! encore !" à la ronde.

Cette semaine, je suis la mère qu'on plaint, celle dont l'enfant est un des derniers à hurler dans le couloir en s'accrochant à son cou avec toute l'énergie du désespoir, et qu'elle récupère deux heures plus tard, hoquetant et assénant des "bye bye" définitifs.

Fiston est un diesel, j'aurais dû me méfier avant de fanfaronner sur son adaptabilité à toute épreuve.

Il travaille dur à saboter toutes les occasions de séparation.

L'école, c'est niet. L'instit a l'habitude et accepte de le prendre dans la classe, même hurlant et déchaîné, mais ça ne durera peut-être pas. Elle a déjà lancé l'idée de raccourcir les séances… le temps qu'il s'habitue.

La nounou, qui me relaie quelques heures hebdomadaires depuis la rentrée, en voit aussi de toutes les couleurs. Pour le moment elle le prend bien et ne s'en laisse pas compter, mais mon diesel pourrait bien l'avoir à l'usure.

Les nuits sont devenues un enfer. Fiston, après avoir essayé l'endormissement qui n'en finit pas, vociférations perçantes à l'appui, a capitulé pour mieux se réveiller quelques heures plus tard. Là, c'est bien simple, son objectif est de venir dormir avec ses parents, de préférence sur ses parents, vautré en travers du matelas et d'agrémenter la séance de nombreux coups de coude dans la tronche maternelle, ou réveils dans les cris, l'un n'excluant pas l'autre. Toute tentative de raisonnement ayant pour but de le circonscrire dans sa chambre, même au prix de gâteaux, biberons et autres denrées spécialisées dans la carie dentaire, se solde par une série de "non" catégoriques et sans appel, avant passage express en mode sirène.

Si l'on ajoute à ce tableau que j'entre dans le dernier mois de grossesse, et que je suis donc au top de ma patience et de mon énergie, aidée en cela par un régime alimentaire concocté tout spécialement pour mon diabète gestationnel à base de pas sucré - pas gras - pas bon – pas trop, vous comprendrez que la prochaine qui, au parc, me promet l'horreur une fois que le bébé sera là, va recevoir l'expression de ma furie hormonale déchaînée, ou mieux, fiston sur le pas de sa porte avec des vivres pour quinze jours.


vendredi, septembre 18

On se magne, Charles

Maintenant que la rentrée est passée, je peux bien vous l'avouer, mes boyaux étaient un peu noués au moment de préparer les affaires de fiston.

Quand j'étais élève en primaire, ma plus grande angoisse – à part me faire mater par le dessus de la porte des toilettes par des CE2 complètement obsédés, était d'arriver en retard, et l'idée de me retrouver face à la porte fermée me rendait malade. C'est arrivé un matin : je m'étais cassé la margoulette sur le trottoir, et le temps que je me ramasse, que je me lamente sur mon pantalon déchiré et que je réapprenne à marcher avec un genou écorché, l'heure fatidique était passée. C'est une dame, elle-même très en retard pour déposer son enfant, qui m'a trouvée, appuyée à la fameuse porte et comptant y prendre racine incognito jusqu'à 16h30.

A présent, je suis une adulte, et en plus j'élève un fiston, je contrôle donc complètement mes névroses d'hier, je ne projette rien et je suis mégazen.
Et si je suis en retard ? Et bien je suis en retard.
Le tout c'est de s'organiser en avance, de prévoir les aléas, faire des listes, des itinéraires, noter les numéros d'urgence, apprendre à changer un pneu crevé, s'orienter avec le soleil et la mousse des arbres, savoir lire une carte et avancer les horloges de 10 minutes.

C'est donc totalement détendue que j'envisageais ce premier jour d'école. Un léger frémissement psychotique s'est néanmoins fait sentir quand l'instit a lourdement insisté, pendant la réunion de pré-rentrée, sur l'importance d'arriver à l'heure, mais te stresse pas ma fille, c'est pas des épreuves de concours non plus, me suis-je dit.

St Luke nous attendait à 10h45 en ce premier jour, et vu qu'une mouette manchote arriverait à destination en deux minutes, pas besoin de s'affoler avant 10h30.
Alors, comment expliquer que fiston se soit trouvé harnaché à son sac dès 10h, et que mes lacets aient été noués si longtemps à l'avance que mes pieds légèrement enflés de baleine en aient ensuite gardé l'empreinte jusqu'au lendemain ?

Je vous rassure, cette semaine-ci s'est mieux passée, si l'on met de côté le matin où j'ai failli faire descendre une vieille dame de sa voiture, pour l'aider à dégager vite fait son char d'assaut de la seule place potentiellement dispo du parking.
Je peux gérer mon heure de départ et le temps de trajet deux fois plus long parce que c'est la fin de l'heure de pointe, mais ce que je ne peux pas prévoir, ce sont les jours d'enterrement.
Ces jours-là, non seulement les places de parking sont chères, mais il faut manœuvrer hyper précautionneusement parce qu'écraser la moitié de la famille du mort, ça fait désordre et le règlement de l'école est plutôt contre.

lundi, septembre 7

Bac -15



Avec un fiston de bientôt deux ans et demi, moi aussi j'ai droit à ma première rentrée.


Attention, nous ne vivons pas au doux pays de l'éduc nat', il n'y a pas de système équivalent à celui des maternelles, l'école ne commence vraiment qu'à 6 ans et avant ce cap fatidique, c'est le règne du fais comme tu peux pour y comprendre kekchose.


Quand l'enfant atteint les deux ans, le choix s'élargit et il était temps : des garderies, des nounous en garde simple ou partagée, des nounous regroupées à deux ou trois dans des maisons privées, des "preschools" soi-disant plus orientées pédagogie que les simples garderies mais ça dépend où, difficile d'y voir clair.


J'ai fait comme tout le monde, j'ai demandé autour de moi, j'ai paniqué à l'annonce des tarifs, j'ai râlé devant certaines procédures d'admission – il faut quasiment présenter un book des œuvres réalisées par l'enfant ainsi qu'une vidéo mettant en valeur son potentiel… heu les incrustations de cheerios ramollis à la bave sur tissu d'ameublement, ça compte ?, j'ai regretté d'avoir pris mon temps en entendant parler d'années de liste d'attente, et j'ai fini par choisir une preschool près de chez nous, gérée par une église luthérienne, fini de rigoler.


A partir de la semaine prochaine, fiston va devoir affronter une scolarisation intensive, deux fois deux heures par semaine, et j'en connais une qui va speeder pour faire les courses, c'est moi qui vous le dis.


C'est jeudi dernier que les choses sérieuses ont commencé, avec réunion des parents pour faire connaissance avec l'école, l'instit et blabla, rafraîchissements not included.

Déjà, j'avais tout bien anticipé et placé le gros sac de fournitures à acheter dans le coffre.


Oui, parce qu'on n'a peut-être que deux ans, n'empêche qu'on a une liste de trucs à dégoter digne d'un khâgneux pensionnaire. Quand j'ai reçu le papelard, fin juin, je me suis dit que j'avais le temps et que je verrais ça en août. Puis, quand j'ai voulu relire la fameuse liste à Justin pour le faire halluciner et que j'ai bien failli ne jamais remettre la main dessus, je me suis vue, la seule à arriver les mains vides le jour de la pré-rentrée, honteuse et aussitôt élue mère indigne saison 2009-2010.


Du coup, je me suis mis la pression et le sac était au complet mi-juillet avec, entre autres choses fascinantes :

- du savon liquide pour les mains inodore – mine de rien j'ai fait deux magasins pour échapper à la senteur pomme, grande tendance de la rentrée;

- le paquet de 250 serviettes en papier – vendues en général par 200, et ne me demandez pas ce que fiston va bien pouvoir faire d'autant de serviettes, lui qui va cumuler quelque chose comme 64 jours de présence d'ci la fin de l'année;

- le gros paquet de lingettes et le rouleau maxi de sopalin – là c'est sûr, les luthériens se préoccupent de la fonte des banquises comme d'une guigne;

- le papier soie – l'école ne précisant pas le nombre de feuilles à fournir, grand a été mon désarroi au rayon papeterie parce que vous ne voulez pas être celle qui a acheté le paquet de 5 feuilles alors que tout le monde aura pris celui de 10, mais vous ne voulez pas non plus être celle qui se la pète avec son paquet de 50, oui je sais, j'ai une vie compliquée;

- le liquide vaisselle grand modèle – soit les activités pédagogiques à destination des 2 ans sont à vocation ménagère, soit j'en connais qui refont les stocks de leurs placards, bref, le compte était bon, j'avais tout et j'étais même à l'heure.


Dès mon arrivée dans le hall, mon gros sac à la main, j'ai flairé l'arnaque. Personne pour le réceptionner et cocher une petite case face à mon nom, personne pour identifier ledit sac, rien qu'une pile écroulée où j'ai vite repéré des mini paquets de lingettes même pas pour peaux sensibles et des papiers de soie vendus par 2.

Après avoir maugréé qu'on ne m'y reprendrait pas et récupéré mon "parent handbook", j'ai été dirigée vers la classe du fiston.


L'instit s'occupe de deux classes de huit enfants par semaine, et avait donc regroupé tous ses parents d'élève dans la même salle.

Le plus dur, à part s'asseoir – et rester - sur une chaise pour schtroumpfs, est de conserver un semblant de sérieux pendant les discours de présentation de la titulaire du poste et de son assistante quinqua à l'air béat. Pour vous la faire courte, le thème était "les enfants sont teeellement formidables", avec décorticage du menu des snacks et du déroulement des activités à venir – rondelles de bananes à grignoter pour illustrer la semaine thématique sur le cercle jaune par exemple et les parents ont respiré, soulagés de savoir leur progéniture en des mains si savantes.


Je sentais venir le tour de salle, avec présentation, mains moites et English qui fout le camp mais non, à la place on a eu droit aux questions des parents.

C'est mercredi prochain le vrai premier jour qui inquiète. Mais c'est normal rassure la prof, c'est pour ça que les enfants ne vont passer que 45 minutes dans la classe, en demi-groupe, pour qu'elle et la surdosée en prozac n'aient que deux enfants chacune à gérer, parfait pour leurs deux épaules.

Vent de panique dans les rangs parentaux, ça va si mal se passer que ça ? Mais soyons rassurés, des thermos de thé et café nous attendront dans le hall et nous pourrons y passer les 45 minutes, avec quelqu'un qui viendra très régulièrement nous informer du déroulement des opérations, un peu comme une famille attendrait des nouvelles de son greffé cerveau-cœur-poumons.

Tant qu'à faire, fallait mettre une glace sans tain à la place du tableau noir.


Allez, une nouvelle ère commence, fiston va apprendre à faire le chant du coq anglophone – "cock-a-doodle-doo" s'il vous plait, et ma vie sociale va sortir du néant dans lequel elle stagne depuis deux ans. La preuve, y'a déjà une mère d'élève qui m'a laissé un message pour réunir les 8 enfants de la classe, histoire qu'ils fassent connaissance et qu'enfants et parents soient moins stressés le D-day.


Peut-être que je m'illusionne complètement, mais j'ai un peu de mal à saisir l'enjeu de cette rentrée. Nos enfants vont passer deux fois deux heures dans la semaine à s'amuser avec des jouets qu'ils n'ont pas chez eux, sous la surveillance d'adultes dont c'est le métier et qui parlent hyper doucement sans jamais s'énerver, et peut-être même qu'au passage ils vont apprendre un truc utile ou deux, genre la propreté – OK, là je m'illusionne -, où est le stress ?


Allez, je dis ça, je me la boucle et je vais m'avaler un prozac avec mon mimosa.