Il y a d’abord eu les premiers signes, des petits rien sans gravité : les biberons que l’on calcule directement en onces, les degrés Fahrenheit du four que l’on manie avec de moins en moins d’hésitation, acetaminophen que l’on est capable de réciter huit fois de suite à l’envers et l’effort qu’il faut faire pour se souvenir que dans notre pays on dit paracétamol.
Puis le phénomène a pris de l’ampleur, le cerveau a été salement amoché : on s’est mis à fabriquer des mots parce qu’ici c’est permis : je dis « poignardage » si je veux, on hésite devant une boîte d’œufs parce que « poules élevées en liberté » c’est pas la même chose que bio, ça d’accord, mais le plus mieux en oméga-3 c’est lequel ?, au feu rouge on tourne à droite sans se poser de questions, flèche ou pas flèche, ben oui ici on a le droit, le matin au parc on croise des mères de famille en bas de pyjama et on s’en aperçoit à peine.
Mais je tenais encore tête, JT de France 2 en cure intensive, défilé du 14 juillet et soupe à l’oignon, mes racines tenaient bon.
Jusqu’à samedi dernier.
C’était le matin, fiston dormait et Justin se concentrait dans le bureau. Calme plat et silence.
Sans réfléchir, juste comme ça, pour voir, pour rigoler, pour essayer… pour faire comme toutes les autres ici qui sortent en chemise de nuit enfilée sur un jean, OK, mais ongles faits et jolies sandales s’il vous plaît, je me suis peint les ongles des pieds.
En moins de deux, mes bouts d’orteils sont devenus groseille et je suis entrée dans le moule.
J’avais beau savoir que sortir les ongles nus est le summum de l’indécence et du moche pour beaucoup de washingtoniennes, jusque là ça ne m’avait pas empêchée de dormir, spécialité encore réservée à fiston.
Mais maintenant que le pinceau s’est coincé dans l’engrenage, suis-je condamnée à des peinturlurages réguliers, oserai-je remettre mes tongs et rien d’autre ?
Oh my god, me v’là avec les soucis de Sue Helen, le whisky en moins, c’est pas la preuve de mon intégration ça ?
Il aura fallu deux jours à Justin pour se faire à mon nouveau look, moi je me suis maté les pieds toute la journée en résistant à l’envie de m’appeler Madame et fiston a beaucoup rigolé en poursuivant mes orteils pour les manger. Chesapeake, lui, a eu quand même un peu peur alors il m’a tapé les pieds plusieurs fois, pour s’assurer qu’il les avait convenablement assommés, et les a ensuite longuement reniflés. Oui, j’ai bougé, juste pour le plaisir de le faire sursauter.
Après leur avoir démontré qui était le patron, notre valeureux carnivore n’a plus voulu quitter ses nouveaux amis.
8 commentaires:
ben moi, j'le fais plus. Je suis passée par les mêmes étapes que toi, et maitenant, je reaime mes pieds au naturel, f...k les autres, na.
"le whisky en moins" c'est bien sûr, parce que pour ce mettre les pieds dans un tel état, on se pose des questions.......
si c'est pas malheureux de rentrer de vacances pour se retrouver face à ça... Tu me sembles bien perdue pour l'Hexagone.
T'es où Marie ? Reviens vite, on a un barbecue sur le feu pour septembre...
Où es-tu, Queen Anne, come back !!! Je sais que tu n'as pas de rentrée scolaire, mais ce n'est pas une raison pour nous laisser sans pitance bloguesque...
bon, je vais poser des questions simples :
- tu n'as plus envie de continuer de blog ? Plus rien à dire ?
- tu vas bien ?
(j'aimerais avoir surtout une réponse à la seconde question... En fait)
Salut Marie, que deviens-tu? Ton blog est l'un des premiers que j'ai commence a lire regulierement quand je me suis lancee dans la blogosphere il y a pres d'un an, et tu etais une de mes premieres lectrices. J'espere que tu vas bien et que tu continueras a ecrire. J'attendais toujours tes billets avec beaucoup d'impatience, et, comme Yibus, en voudrais d'autres... A bientot, j'espere!
Tu es tellement en phase d'acculturation aiguë que tu ne nous réponds même plus en français sur ton blog... (sniff)
Sinon, bah, euh, tu me manques.
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