samedi, août 27

Comme un ouragan


Cela faisait 48 heures que la pression montait doucement et que nous regardions de l’autre côté en faisant semblant de ne rien entendre.
Tout d’abord la liste de diffusion par email des françaises expats dans le coin de Washington s’est mise à frétiller, puis celle de notre quartier aussi, relayant elle-même les mises en garde du County, et pour finir Le Monde qui s’est mis de la partie. C’est à ce moment que j’ai commencé à me dire qu’on était un peu dans la mouise si même la France se mettait à en parler.

Mais de quoi, de qui ?
Non, Obama va bien, les avions sont encore en l’air et les fourmis par terre.

Mais arrêtez, je sais que vous savez très bien qu’Irène est en route, et qu’elle est décidée à en découdre avec toute la côte est.

La fin de l’été est connue pour être la saison des ouragans et des tempêtes tropicales ici, mais Irène s’annonce là où en général ses confrères passent au large.
Fine mouche comme je suis, je dis à Justin « Et voilà, on va encore avoir une coupure de courant ». Remarquez que là je ne m’avançais pas trop puisque vu le nombre de coupures sans raison apparente ou presque, on suspecte le transfo du quartier d’imploser à chaque fois qu’un chien lève la patte sur un poteau électrique. Et là, comme une symbiose de pensée, le téléphone sonne et Pepco, notre cher fournisseur de courant nous annonce des coupures importantes, longues et historiques, comme ça pas d’embrouille, on ne pourra pas dire qu’on n’a pas été prévenus.
Ensuite c’est la Croix rouge qui remet une couche en envoyant un email à Justin pour lui redonner toutes les mesures d’urgences à prendre d’ici samedi après-midi et qu’on ne prendra pas parce qu’il n’a pas le temps et que je suis trop occupée à cuire tous les légumes du frigo et à niaquer tous les desserts du congélo.

Je sais que ceux qui habitent en France ont un peu de mal à se montrer compatissants, que vous avez eu un été pourri, tantôt interminablement noyé de pluie et transi de froid – je témoigne sur l’honneur, j’y étais – tantôt caniculaire et épuisant, OK vous avez souffert sous la tente, mouru avec la clim’ en panne dans la bagnole, attrapé un rhub et juré qu’on ne vous y prendra plus et que l’année prochaine vous irez comme tout le monde au Maroc, mais essayez de nous plaindre deux minutes.
Une vague de chaleur qui explose tous les records en juillet et aurait réglé la question des retraites en France, suivie par des records de précipitations en août, le tout agrémenté d’un tremblement de terre force 5.8 – vous n’êtes peut-être pas descendants d’Haroun Tazieff, ni vulcanologue amateur mais 5.8 ça fout les jetons et ça donne des idées d’assurance-vie, et maintenant un ouragan force 4*.

Sans être Steph de Monac’, je dirais bien :
Désir, trahir, maudire, rougir,
Désir, souffrir, mourir, pourquoi ?

*Aux dernières nouvelles non, force 3, non attendez force 2, hum en fait renon, force 1, bon il va y avoir du vent, un peu.

mardi, août 23

Mon doigt à couper



La fin des vacances a bientôt sonné, et la rentrée avec. Comme chaque année, vous allez vous sentir investi d’une mission : faire disparaitre les piles de papiers accumulés, sortir les chambres de l’âge des cavernes et, soyons fou, pourquoi pas shampouiner la moquette.

Il se pourrait donc que vous vous lanciez dans une grande opération ménage. Une vraie, sans tourner au large des pieds de chaises avec l’aspiro, une qui attaque de front le dessous des meubles et les angles morts. Une qui dépoussière les étagères des placards, fait des plannings familiaux et valorise le travail des enfants dès la sortie du berceau.
Puisque vous avez l’air décidé à jouer l’irréductible gaulois face à l’acarien envahisseur, laissez-moi vous signaler deux erreurs de débutant à éviter :

Il se pourrait que cette lubie vous tombe dessus après un rangement sommaire, alors que vous savourez un peu de tranquillité en buvant un café tout en laissant votre regard satisfait errer sur les jouets du salon complets et rangés à leur place. Erreur. Dégagé des pièces perdues, des peluches abandonnées et des livres écartelés, plus rien n’arrête votre regard sur le grand tapis et lorsque vos yeux s’attardent sur le coin formé par les deux canapés placés en angle droit votre gorgée de café se bloque dans votre gosier. Misère. Entre 8 et 10 mois d’accumulation, des pièces de puzzle, des pions de jeux, des ballons, des chips de polystyrène, du papier bulle éclaté et des croquettes prédigérées.

Il se pourrait alors que vous enjambiez l’un des accoudoirs pour mesurer l’étendue des dégâts in situ et tant qu’à y être commencer à ramasser le plus gros, sans chichi, avec les mains. Erreur bis.
8 à 10 mois de débris divers avez-vous dit ? Vous avez la mémoire courte mais je parierai que c’est pile à cette période que la baby-sitter a fait dégringoler le vase bleu en voulant attraper la pâte à modeler sur l’étagère. Comme vous pouvez a présent le constater, accroupie et coincée entre l’accoudoir et le mur, le ramassage se fait à l’aveuglette et à la louche. Vous auriez pu vous méfier, vase éclaté + collecte des débris compliqué = il vaudrait mieux arrêter de se servir de ma main comme d’une balayette. Vous auriez pu mais pensez donc, l’opération grand ménage était lancée, ivresse du dépoussiérage vous voilà, shootée au Pliz, rien ne pouvait plus stopper votre élan.

Sauf un éclat de verre – bleu – bien planté dans la pulpe de l’index.
Main droite sinon où est le fun ?
Après une inspection des dégats, de loin parce que la vue de votre sang vous rend émotive, un passage d'1h30 aux centre médical avec en prime un vaccin contre le tétanos qui va vous ankyloser l'épaule gauche pendant une petite semaine, le doute vous saisit.
Ce grand ménage était-il bien raisonnable ? N'aviez-vous rien de moins dangereux à faire ?

La prochaine fois, c’est les yeux fermés qu’on savoure son café et sa tranquillité.
Quitte à jouer les têtes brulées, autant sauter en parachute.

lundi, août 8

Je jette l'éponge

Quand on est à peine de retour au pays où l’on vous rowentise la vie, après 6 semaines en France, il vous vient des constatations que Lewis et Clark n’auraient pas reniées.

« Encore ? » Me direz-vous.


Oui, encore.

Je sais ce que mes fulgurances sociologico-ménagères peuvent avoir de barbant quand on est enfin en vacances, arrivé au camping de la Chapautière, au bout du rouleau. On va se taper trois semaines de vaisselle en bassine alors si c’est pour que je débarque avec mes grosses Crocs en me pavanant « gnagnagna ici y’a des trucs que t’as pas et j’ai trop les boules pour toi, gnagnagna », ben ce n’est pas la peine, merci.

Ami campeur, déjà je te dirais que tu m’as tout l’air d’avoir une connexion internet, ce qui te permet de profiter de la salle ordinateur de la Chapautière, climatisée avec son distributeur de sodas et ses posters Caraïbes. Veinard. Ou alors, ami campeur mais néanmoins râleur, tu disposes d’une connexion ET d’un itruc ou assimilé, donc de quoi te plains-tu, à moi qui n’ai qu’un portable sans appareil photo et que la bave de mes enfants a fini par faire rouiller ?


Si je voulais schématiser et ne pas faire dans la finesse d’analyse qui me caractérise, je dirais que le problème en France c’est l’environnement.

Mais si. On s’en soucie beaucoup trop.


Prenez, par exemple, des vacances en maison avec grand jardin et beaucoup de personnes autour de la table. Vous préparez, mettons, des carottes râpées. J’ai dit « mettons », pas la peine de dire beurk. Comme vous vous souciez de l’environnement mais que vous n’êtes pas non plus Crésus, vos carottes ne sont pas bio élevées sous la mère ni rien. Puisqu’on ne se refait pas et que vous êtes une chochotte, vous avez un peu peur des pesticides et du cancer, donc vous les pelez. Quand, au bout d’une vie et demie vous avez fini d’éplucher et de râper, vous regardez le triste résultat : un saladier de taille très moyenne pour la tablée et un sceau d’épluchures.

Qu’en faire ?

Idéalement vous auriez une vache, un lapin, voire une poule naine végétarienne. Mais puisque le reste de l’année votre syndic interdit les ruminants sur balcon, ben non. Alors ? Vous ne pouvez quand même pas jeter un SCEAU d’épluchures presque comestibles à la poubelle, alors que la planète compte sur vous, que les animaux de la forêt d’à côté vont venir crever le liner de votre piscine si vous ne vous montrez pas un peu plus écolo-citoyen.

Pas le choix, vous vous lancez dans le tas de compost à ciel ouvert au fond du jardin. Deux sceaux par semaine de déchets végétaux croupissant sous votre évier et condamnant vos lombaires à l’option acrobatie à chaque débarrassage de table, pour le plaisir de vous sentir en phase avec le Vivant.


Au pays où l’environnement est encore au service de l’homme, au royaume du génétiquement modifié, on pèle ses carottes tranquillement, fier et debout devant son évier, et c’est debout qu’on actionne le broyeur qui nous débarrasse des kilos d’épluchures, des restes dans les assiettes et des invités gênants. Et comme on sait bien ici qu’Al Gore et Nicolas Hulot sont à la solde des bio-producteurs, on ne croit pas à la fonte des glaciers et on fait partir le tout avec l’équivalent d’une baignoire d’eau potable.


Prenons maintenant une situation banale, votre chat se prend pour une chouette. Il gerbouille ses pelotes de poils et autres réjections gluantes un peu partout et traitreusement de nuit. Que faire ? Un choix s’offre à vous, essuie-tout ou lingettes. Comme vous êtes le produit de votre temps, vous prendriez bien la lingette, en hésitant entre celle qui détache, celle qui désinfecte ou celle qui en plus fera briller le parquet, voire un combiné des trois, mais vous voilà rattrapé par votre satanée conscience d’écolo-citoyen. A compter trois gerbouilles par jour, multiplié par une dizaine de lingettes à chaque ramassage, aïe, votre empreinte carbone se tire une balle. Bon ben le sopalin alors.

Mais assumez haut et fort votre choix, relevez la tête. Le sopalin c’est bien, le sopalin c’est malin.


Alors qu’en France on vous culpabilise : l’éponge avec de l’eau claire c’est mieux – de l’eau de pluie pour le ménage hein, ça coule de source, au pays de Procter & Gamble les industriels savent tranquilliser notre militant développement durable intérieur : vous découpez le sopalin selon votre besoin, par demie feuille – je ne peux pas parler pour vous mais la militante écolo-radine en moi se prosterne.

En plus, tous les campeurs qui aiment la nature vous le diront, l'essuie-tout se décompose très bien dans du compost, à condition d’être blanc et sans motifs.


Alors ? Maintenant que l'épineux débat est lancé il faudrait que le G20 tranche : c'est quoi le mieux pour sauver l'Univers, la demie feuille ou la Spontex ?


Par contre, faites gaffe, l'éponge passe très mal au broyeur.